
L'air « Ridi Pagliacco » (« Ris donc Paillasse ») est l'un des plus célèbres de l'opéra italien. Il est chanté à la fin du 1er acte de « I Pagliacci » («Paillasse ») par Canio, désespéré d'apprendre que sa femme en aime un autre.
C'est à la voix de ténor que le compositeur Ruggero Leoncavallo a confié ce morceau de bravoure.
« Nous sommes à Naples en 1931. En cette fin du mois de mars, un vent glacial souffle sur la ville et une nouvelle choquante frappe les esprits : le grand ténor Arnaldo Vezzi, voix sublime, artiste de renommée mondiale, et ami du Duce a été retrouvé sans vie dans sa loge du Théâtre royal San Carlo, juste avant le début d’une représentation du Paillasse de Leoncavallo. Sa gorge a été tranchée avec un fragment acéré de son miroir qui a volé en éclats. »
C’est L’Hiver du Commissaire Ricciardi de Maurizio de Giovanni
Le commissaire Luigi Alfredo Ricciardi interroge Don Pierino un curé fondu d’opéra :
« Ah, je comprends votre étonnement : je vais vous expliquer. En général une représentation ne comporte qu’un seul opéra, en trois actes ou plus. Hier, exceptionnellement, il y en avait deux : Cavelleria rusticana de Mascagni et Paillasse de Leoncavallo, car ce sont des œuvres courtes. Elles datent à peu près de la même époque, la première de 90 et la seconde de 92, je crois.
- Et Vezzi ne chantait que dans l’un des deux ?
- Oui, dans Paillasse. Il est… il aurait été Canio, le personnage principal. Un rôle difficile. J’ai lu que, dans ce rôle, il était encore plus grand que d’habitude.
- C’était le second opéra alors.
- Oui, exactement le second. En général on les donne dans cet ordre-là : d’abord Cavelleria, puis Paillasse qui est plus vivant et plus coloré, et que généralement les spectateurs préfèrent. Personnellement, du point de vue musical, je préfère Cavelleria, à cause de son intermezzo extraordinaire. Mais dans Paillasse il y a des airs magnifiques, en particulier dans le rôle de Canio. Vezzi, par exemple, n’aurait jamais chanté Turridu de Cavelleria »
[…]
- Et les deux œuvres ? Dites-moi un peu de quoi elles parlent
- Ah, les deux œuvres. Leurs arguments se ressemblent, même s’ils sont traités de manière différente. Cavelleria rusticana est tiré de Verga (1), et se passe en Sicile un matin de Pâques. Un seul acte, avec ce fameux intermezzo dont je vous ai parlé. Il y a Turiddu, un ténor qui est fiancé à Santuzza mais qui aime encore Lola, son ancienne maîtresse, mariée au charretier Alfio, un baryton. Deux couples en somme, un amour ancien et deux nouveaux. Santuzza, malade de jalousie, révèle à Alfio la liaison de Lola et de Turiddu et, dans un duel final, Alfio tue Turiddu. À mon avis, ce sont les rôles féminins qui sont les plus beaux : Lola, Santuzza et Lucia, la mère de Turiddu.
Paillasse au contraire se passe en Calabre. Il dure à peu près aussi longtemps que Cavelleria. Une troupe de comédiens arrivent dans un petit village : le directeur de la troupe est Canio, un ténor, que Vezzi devait interpréter. Ce n’est pas un homme gai, bien qu’il soit un bouffon dans la pièce ; à vrai dire il est fou de jalousie à l’égard de sa femme Nedda, qui tient le rôle de Colombine. Celle-ci le trahit, en effet, avec Silvio, un jeune homme riche qui habite le village. À la fin, dans une scène magnifique et dramatique, on passe de la fiction à la réalité et Canio jette le masque pour tuer Nedda et son amant. Ce qui est beau, à part la musique, c’est le mélange de la réalité et de la fiction : le public ne sait plus si les acteurs jouent ou s’ils sont passés dans le registre de la réalité, jusqu’au moment où le sang coule.
Comme vous le voyez, commissaire, la thématique est la même : jalousie, amour et mort. Comme souvent, malheureusement, dans la vie de tous les jours, non ?
(1) A propos de Giovanni Verga lire :
2 juillet 2014
« À l’heure entre les vêpres et nones, où la femme pure ne se promène pas, gna Pina» proverbe sicilien ICI