Pour activer ma petite machine à écrire j’ai le besoin impérieux de trouver un titre à ma future chronique.
Ainsi, lorsque Claire Naudin décida de nous régaler et de nous abreuver pour fêter son demi-siècle, elle le fit au beau milieu de ses vignes tout autour d’une maison sans eau, sans gaz, sans électricité… Nous étions 120 autour des tables pour le dîner puis le déjeuner du lendemain, Claire aime les défis et celui-ci fut relevé avec maestria : nous mangeâmes dans de la belle vaisselle sur des nappes blanches, avec des couverts de service, et nous bûmes dans des verres à pied. Ce fut une belle fête… mais…
Mais, vous commencez à me connaître, dans le ballet des plats, des beaux magnums, ce qui me fascina ce fut cette maison de pierres sèches dans son dénuement soudain devenue par la volonté de Claire le centre névralgique de sa fête d’anniversaire.
À l’ordinaire, au milieu de l’océan des vignes, la maison de Claire attendait. Qu’attendait-elle ?
Des amoureux venus y passer une nuit d’amour dans le silence et le dénuement ; une lampe tempête, une réserve d’eau, quelques provisions, dîner et petit déjeuner frugalement en faisant chauffer l’eau du café dans la cheminée tels les cow-boys dans les westerns.
Un écrivain en panne d’inspiration venu y retrouver son cahier de brouillon, son crayon, loin d’Internet, de son ordinateur, des plaisirs de la ville, s’épurer, aller à l’essentiel.
Des voyageurs égarés, je ne sais…
Cette maison à une histoire bien sûr, une histoire qui s’inscrit dans celle de la famille de Claire Naudin qui me l’a contée mais comme ma mémoire risque de me faire prendre les pieds dans le tapis je préfère à mon âge les images.
Alors ces vieux ektas suffiront.
Reste l’avenir de cette maison dans les vignes, pourquoi et comment lui redonner vie ?
En effet, une maison n’est pas que l’assemblage de murs et d’un toit, c’est un creuset de vie, on peut y naître, simplement y poser son sac pour la nuit ou y trouver de l’ombre et de la fraîcheur au milieu d’une journée de travail, y faire l’amour, en temps troublés en faire un point de ralliement pour l’armée des ombres, y mourir entourés de ses enfants tel le laboureur de la fable…
Alors que va-t-elle en faire de sa maison dans les vignes, Claire ?
Elle seule sait même si mon petit doigt m’a dit que dans sa tête ce sera une « maison sobre ».
C’est quoi une maison sobre ?
La sobriété, c’est la modération, la mesure, la discrétion, tout le contraire de l’enflure, de l’exagération, de l’ostentation de notre monde du paraître.
Sans tomber comme Yves Cochet dans la collapsologie ICI , retrouver le goût des choses simples, essentielles à la vie, en un lieu où les cordons qui nous amarrent au monde moderne sont absents, il ne s’agit pas de couper les amarres mais de prendre du recul, de se poser des questions : pour une vigneronne comme Claire, c’est valable aussi pour un vigneron, au milieu de ses vignes, c’est tenter de trouver le juste équilibre entre les nécessités de son métier, ses contraintes, ses contradictions et les nouvelles attentes sociétales, toutes ces menaces qui planent au-dessus de notre planète.
S’inquiéter, douter, se remettre en question, ce n’est pas faire preuve de défaitisme, mais tout simplement redonner du sens à ce que l’on fait, parce qu’on doit le faire, l’héroïsme du quotidien en quelque sorte…
Cette « maison sobre » est pour moi un symbole, un marqueur physique du cheminement de Claire au plus loin des sentiers battus là où marchent, malheureusement, tant de vignerons qui n’ont souvent aucunes certitudes mais qui, tout bêtement, sont pris dans la toile d’araignée des conseillers et les suivent...