1791-1795 BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE QB-370 (29)-FT 4
Mon titre est inutilement provocant car la légende noire de la guillotine, « la Veuve », a en effet fini par complètement éclipser le personnage historique qu’était Guillotin, pourtant l’un des médecins les plus influents de son temps. Le Dr Bourru, dans son oraison funèbre en l’honneur de Guillotin. « Il est vrai qu’il est difficile de faire du bien aux hommes, sans qu’il en résulte pour soi quelques désagréments. »
« Docteur de la faculté de Reims, Joseph Guillotin combattit toute sa vie pour le rationalisme et la justice. Erudit et cultivé il fréquente les cercles, il côtoie des savants comme Franklin, Lavoisier, Bailly, Buffon ou Lacépède, ou des écrivains comme Condorcet ou Voltaire. »
« Une des questions d'actualité débattue fut celle de la peine de mort dont le Docteur Cabanis disait qu'elle est « Un grand crime social qui, suivant moi, n'en prévient aucun ».
Soucieux des problèmes que pose la peine capitale, Joseph-Ignace Guillotin prononce à l'Assemblée nationale, le 1er décembre 1789, un discours sur le Code pénal. Après avoir rappelé les décrets sur les droits de l'homme, par une transition rapide et heureuse, il démontra la nécessité de réformer ce code : « La loi, dit-il, soit qu'elle punisse, soit qu'elle protège, doit être égale pour tous les citoyens, sans aucune exception. »
Conformément à la vérité de ce principe, il proposa ces articles: « Les délits du même genre seront punis du même genre de supplice, quels que soient le rang et l'état du coupable; dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort, le supplice sera le même (décapitation), et l'exécution se fera par un simple mécanisme. »
Son but est d'humaniser l'exécution des Hautes Œuvres et de rendre les mises à mort de criminels moins barbares et d'écourter autant que possible leur souffrance. Il arrivait en effet à l'époque que les exécutions traînent en longueur. En effet, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle la décapitation au sabre était réservée aux nobles et aux gens de qualité, le voleur de grand chemin était roué en place publique, le régicide et le criminel d'état étaient écartelés, le faux-monnayeur était bouilli vif dans un chaudron, l'hérétique était brûlé, le domestique voleur était pendu.
Le « simple mécanisme » n’entrera sur la terrible scène révolutionnaire que deux ans plus tard, au printemps 1792. Le député qui avait émis la proposition, le Dr Joseph Ignace Guillotin, ne participera pas à sa construction, orchestrée par le Dr Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie de Chirurgie. Celui-ci se contenta d’ailleurs de moderniser un outil déjà connu dans divers pays d’Europe, France comprise. Mais le mal était fait, et la postérité de Guillotin était à jamais associée à celle de « La Veuve ». « Impitoyablement, la machine portera son nom, irrésistiblement enfanté par l’assonance qui, à la rime, accorde au féminin machine et Guillotin », écrit l’historien Daniel Arasse*.
Un médecin en vue
La légende noire de la guillotine a en effet fini par complètement éclipser le personnage historique qu’était Guillotin, pourtant l’un des médecins les plus influents de son temps. Formé chez les Jésuites et destiné à la prêtrise, ce Bordelais quitte la Compagnie en 1763 pour poursuivre des études de médecine à Reims puis à Paris. En 1788, à la veille de la Révolution, il est un notable parisien très intéressé par la politique et se fait remarquer par une pétition réclamant le doublement du nombre de députés du Tiers-État. L’année suivante, il n’a aucun mal à se faire élire pour représenter cet Ordre aux États Généraux.
Mais la véritable gloire de Guillotin est son œuvre de santé publique. En 1790, il préside le comité de Salubrité de l’Assemblée. Incarcéré pendant la Terreur, il émerge après Thermidor et joue à partir de 1800 un rôle fondamental dans la création du « Comité central de vaccine », initiative privée visant à lutter contre la variole. Un peu plus tard, en 1807, il devient président de l’Académie de médecine, qu’il œuvre à relever. Il meurt en 1814 d‘un anthrax à l’épaule gauche.
« Sa motion philanthropique, qui fut accueillie et a donné lieu à un instrument auquel le vulgaire a appliqué son nom, lui a attiré beaucoup d’ennemis », déclara son confrère le Dr Bourru, cité par Daniel Arasse, dans son oraison funèbre en l’honneur de Guillotin. « Il est vrai qu’il est difficile de faire du bien aux hommes, sans qu’il en résulte pour soi quelques désagréments. »
*Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Flammarion, 1987
Sources :
- L’infortuné Dr Guillotin PAR ADRIEN RENAUD - PUBLIÉ LE 16/08/2019 ICI –
- Joseph-Ignace GUILLOTIN 1738-1814 Médecin, humaniste et homme politique français ICI