J’ose m’attaquer à la statue du commandeur, ça va m’attirer les foudres de ses thuriféraires, me valoir une volée de bois vert de son hallebardier, mais comme je suis un Vieux Con qui assume son naufrage j’entonne avec les 4 Barbus « Monsieur B… tu nous embêtes… Monsieur B… tu nous fait chier…»
« Je m'appelle… Mon grand-père était fou d'opéra. Il avait entendu la Callas, Tebaldi et tutti quanti. Pendant quarante ans il alla de Salzbourg à Vérone, de Bayreuth à Vienne et - surtout - à la Scala...
En septembre 1954, grand-père fêta ses quatre-vingts ans. Très affaibli : il marche difficilement, cherche querelle à sa gouvernante pour un rien et ne sort de cet état pitoyable que pour écouter des disques de bel canto. Le 6 décembre, coup de téléphone de sa gouvernante : il a disparu. La gendarmerie, prévenue, ne retrouve pas sa trace. Un avis de recherche est diffusé, avec sa photo, dans la Voix du Nord.
Le 10 décembre. Nouvel appel de Marthe. Il est réapparu cet après-midi extrêmement fatigué et s'est couché immédiatement. Il refuse de donner la moindre explication. Nous arrivons en hâte. Calé sur un oreiller brodé à son chiffre, grand-père raconte : « Je voulais m'offrir une escapade à Milan et je suis allé entendre le spectacle d'ouverture de la saison à la Scala. » Puis, il s'endort. Nous rentrons à la maison.
13 décembre. Mme Marthe en pleurs, au téléphone. Elle a trouvé grand-père mort dans son lit. »
Extrait de Opéra La diva et le souffleur Autrement juin 1985
Michel Bettane traumatisé « goûte » la mise en scène d’opéra…
« Récemment à l’opéra Bastille, une mise en scène « moderne » et dérangeante des Troyens de Berlioz m’a littéralement traumatisé.
J’ai éprouvé, jeune, des émotions considérables à fréquenter Virgile dans le texte et j’ai eu la chance d’apprendre à lire la musique, à respecter la discipline du solfège.
Notre enseignement humaniste de l’histoire nous apprenait à mettre toute création artistique dans une juste perspective historique et à chérir l’imaginaire et le style des grands créateurs.
Voir une bande d’idiots hystériques agiter des drapeaux ou des ballons pour représenter le peuple troyen, son aristocratie déguisée en habits de dictateur sud-américain ou de pimbêches proustiennes, Troie, puis Carthage trahies non pas par la ruse des Grecs ou la volonté des dieux, mais par la veulerie du héros de l’Enéide, futur fondateur de Rome, imaginer Cassandre violée par son père et surprendre Didon en directrice déjantée d’hôpital psychiatrique, tout cela ne laisse pas indifférent. Sans parler des maladresses de solfège et de diction ou de coupures inadmissibles dans la partition. Quand vos voisins applaudissent frénétiquement et que quelques clercs crient au génie dans la presse, vous commencez à vous demander si vous n’avez pas migré dans un monde parallèle.
Puis d’un seul coup de plume Bettane passe de l’opéra au vin nu qui pue…
« De l’opéra au vin, le passage est facile avec la mode pour nous incompréhensible des vins déviants.
Rouges aux arômes décomposés, à la limite de la puanteur, troubles, gazeux, blancs amollis, plus proche de la pomme blette que de la fleur de vigne, plus orangés que votre jus d’orange préféré.
Des milliers de jeunes dégustateurs de Tokyo à San Francisco, d’Adélaïde à Paris, de Londres à Milan ne jurent plus que par eux. Attention, je ne me permettrais pas de mettre dans le même sac les vins autoproclamés « nature » qui peuvent être fruités, aimables à boire jeunes et donc capables de redonner l’envie de boire du vin. Je parle bien de vins avariés, nés de la paresse et de l’incompétence de leur élaborateur ou bien, c’est plus tragique, de son désir de casser les codes en exprimant sa haine de toute tradition, de toute discipline jugée castratrice au lieu de formatrice. »
L’ensemble de l’œuvre de Michel Bettane qui dit NOUS ICI
Ce Nous de Bettane c’est qui ?
- La corporation des goûteurs patentés de vin sans doute qui, bien sûr, Michel Bettane son syndic en tête, goûte à tirelarigot des vins nu qui puent.
- Et notre nous à nous, nous qui buvons des vins nu, c’est l’expression bien sûr de notre ignorance crasse de moutons analphabètes qui suivent ces bergers inconséquents…
Retour de la barbarie en matière de goût !
« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus
Petite tempête dans un petit verre sale de petit vin qui pue, mais comme le disait un jeune coopérateur de l’Aude à son président à propos du vin de la buvette de la coopé « Moi je m’en fous, j’en bois pas… »
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