« Cauda, cauda, cauda la socca ! »
Un indice : le journal local fait l’objet d’une bataille féroce pour son contrôle entre le milliardaire Xavier Niel et le milliardaire franco-libanais propriétaire de « Valeurs Actuelles » Iskandar Safa, soit le duel sans merci entre le motard Christian et le chauve Éric pour faire main basse sur l’ancien territoire de Jacques Médecin.
Trêve de cachotteries !
Le Comté de Nice – qui n’est pas un fromage sauf pour Christian Estrosi et Éric Ciotti – a été officiellement rattaché à la France en 1860, en même temps que le duché de Savoie.
Le 24 mars 1860, Napoléon III et Victor-Emmanuel II signent le traité de Turin, qui prévoit l'annexion du Comté de Nice à la France, en échange d'une aide de Napoléon III pour contenir les Autrichiens et unifier l'Italie.
Un plébiscite est voté le 15 et le 16 avril 1860. Le rattachement est officiellement célébré le 14 juin 1860. Le département des Alpes-Maritimes est alors créé par l'addition du Comté de Nice et de l'arrondissement de Grasse.
« Dans À propos de Nice, Jean Vigo ponctue le film de de passages où un livreur de socca, zigzaguant sur son vélo, la tourtière sur la tête, apparaît comme une figure emblématique du Vieux Nice. La socca est en effet inséparable des quartiers anciens de la rue Pairolière au cours Saleya et au port. On y appelait socca l’immense béret plat des chasseurs alpins, « les diables bleus », à l’époque où ils déambulaient dans la cité. »
Comme souvent il est assez difficile de retracer l'histoire de la socca avec certitude. Ni provençale ni italienne, la cuisine niçoise emprunte à l'une comme à l'autre pour se forger une identité propre. En l'occurrence, la socca est probablement une forme dérivée de la «farinata», une galette à base de farine de pois chiches que les Italiens font dorer au four depuis le Moyen Age. Le plat a des origines beaucoup plus anciennes dans le bassin méditerranéen et jusqu'au Moyen-Orient.
Mais c'est dans les années 1900 que le plat se serait popularisé à Nice, en particulier par l'intermédiaire d'une marchande ambulante de socca, une certaine Theresa, qui « à l'heure des oiseaux et des pêcheurs » se rendait vendre sa production avec un fourneau ambulant.
Ainsi, dans la vieille ville ou dans les quartiers laborieux du port ou de Riquier, les ouvriers faisaient leur merenda, casse-croûte en niçois, avec de la socca. Il n'était pas rare dans la vieille ville d'entendre l'appel des vendeurs de rue de jadis : «Cauda, cauda, cauda la socca !»
Pêcheurs, dockers, ouvriers de l'usine de tabac usaient alors de leur portion de socca comme garniture en la glissant dans une petite miche de pain. Mais cette façon de la déguster, « à l'ancienne », a quasiment disparu aujourd'hui.
« En Ligurie, c’est la farinata, qui s’appelle aussi tortelasso en savonais, devient cecina plus loin vers l’est, pour redevenir simplement torta à Livourne, en abordant la Toscane Enfin, on ne sera pas étonné de trouver en Corse, longtemps sous domination génoise, la bastiaise torta di cecci.
« À Livourne, le cinque e cinque, petit pain fourré de torta, est un casse-croûte populaire dont le nom remonte au XIXe (où il signifiait cinq centimes de pain farci avec cinq centimes de farinata).
La socca se déguste chaude, si possible juste à la sortie du four, souvent accompagnée de poivre et sans l'aide de couverts.
Source : Traité du pois chiche Robert Bistolfi Farouk Mardam-Bey
Le Petit Larousse n'est pas chiche avec la socca !
le 02/06/2016 Nice-Matin
Le genre d'article qui ne fait pas un flop comme une crêpe molle. En le publiant, vendredi 13 mai, on se doutait bien à la rédaction, que ce papier, évoquant l'entrée de la spécialité niçoise dans le célèbre dico, porterait bonheur à la repasse. Bien vu.
Des mails ont mis de l'huile sur le feu. Enfin, sans trop brûler. Mais suffisamment gratinés, pour qu'on vous les serve tout chauds. On retiendra celui de Jean Digani, « Niçois né dans le Vieux-Nice ». Ce pertinent lecteur, écrit « soca ». Avec un seul « c », car c'est la règle.
Celle, en tout cas, d'un dictionnaire différent du Larousse. Le dico nico-français, que Georges Castellana, curé de la cathédrale Sainte-Réparate, rédigea entre 1935 et 1955. L'ouvrage fait toujours référence. « Si ce nom entre dans le dictionnaire français, autant en respecter l'orthographe… »
Donc, soca sans double consonne. En revanche, Jean Digani refile « una soca » (une gifle) à Pierre Botticelli : « Le restaurateur manque d'information. Cette tourte qui fait notre bonheur, n'est pas connue de Cannes à Menton (comme l'avait déclaré dans nos colonnes Pierre Botticelli N.D.L.R.), mais de Cannes à Gênes et plus. Elle change simplement de nom et s'appelle « farinata » en Ligurie… »
DIX MILLE ANS DE RÉGAL
Mesclun terminologique. C'est ce que révèle le savant courrier d'André Giordan, professeur d'épistémologie, Niçois de souche, auteur de conférences sur l'histoire de la cuisine patrimoniale.
« Farinata » en Ligurie, « Ceccina » en Toscane, « Fainè » en Sardaigne, « Torta di cheggi » en Corse, « Cade » à Toulon… À chaque contrée, sa socca, que nous continuons à écrire avec deux « c », car c'est plus fort en goût !
Le savoir de l'universitaire n'a pas la finesse de la galette locale, mais l'épaisseur d'un millefeuille bien nourrissant. Monsieur Giordan remonte presque au déluge : « Les fritures à base de pois chiches concassés ou de farine de pois chiches, ont une histoire longue de plus de dix mille ans ! » Proche-Orient, Mésopotamie, Phénicie, Égypte… stockent tous du pois en raison de ses « propriétés diététiques et énergétiques ».
Voilà de quelle manière cette tête dure miniature prend la grosse tête en devenant l'ancêtre des couscous, kormas, potages, estouffades, houmous, falafels…
FINESSE ET CHALEUR SUR FOND CUIVRÉ
Comment les pois chiches roulent-ils jusqu'aux rivages niçois ? Grâce aux marins phéniciens, qui, « au début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, les exportent sur tout le pourtour méditerranéen. La tradition de plats à base de farine de pois chiches frite dans l'huile, est attestée dans toute la région ».
Sous l'Ancien Régime, la farine se poudre de raffinement à l'instar des perruques blanches. Dès le XVIIe siècle, « les Niçois se mettent à verser la pâte en couche fine dans un plat cuivré qui tient bien la chaleur sur un fond d'huile chauffée et à l'enfourner dans un four très chaud. C'est ainsi qu'est né le plat que nous connaissons aujourd'hui. » Croustillant. Fumé au feu de bois de pin ou d'olivier. Saveur authentique « quand elle est consommée immédiatement à la sortie du four avec un peu de poivre ». Et toujours avec les doigts…
UNE DIÉTÉTIQUE QUI SE LA PÈTE…
Fine fleur de la farine emblématique, André Giordan, nous donne une leçon magistrale de diététique. On en apprend de belles sur les petites boules : « Traditionnellement, le pois chiche était utilisé torréfié pour prévenir l'impuissance sexuelle des hommes ! Cuit, on le mangeait pour arrêter les diarrhées. Sa farine soignait les plaies, évitant les infections. On en faisait encore des cataplasmes contre les furoncles. »
Aujourd'hui, les graines cabossées sont de nouveau à l'ordre du jour de la phytothérapie pour leurs nombreuses propriétés énergétiques, mais pas que. Elles auraient également une vertu « diurétique, antiseptique pour la vessie et surtout stomachique ». On les assimile même à des vermifuges. En outre, « le pois chiche est actuellement considéré comme la légumineuse des régimes. Riche en protéines végétales, minéraux et nutriments, tels que manganèse, cuivre, folate, il est, en revanche pauvre en matière grasse ».
Sauf que trop de pois chiches cavalant dans les boyaux, finissent par se la péter dans un délire digne d'un orphéon sonore, qui n'est pas bidon !