Pour l’édification des mouflones et de mouflons acculturés je puise dans les expressions fleuries de nos grand-mères pour leur mettre sous leur nez une locution plus guère employée.
L’origine est comme toujours sujette à caution.
Ça vient de Paris les amis, le château de Vauvert, également appelé château de Val Vert car il était à l’époque implanté dans une vallée verdoyante couverte de vignes, bâti au XIe siècle par le roi Robert II le pieux ICI sur l’emplacement de l’actuel Jardin du Luxembourg, mais il était situé en dehors des murs de Paris.
Comme Robert II le Pieux fut excommunié par le pape le château fut abandonné et devint un lieu maudit, repaire de brigands, de mendiants et d’ivrognes. On crut alors que le diable avait pris la possession du lieu.
Saint Louis décida au XIIIe siècle de purifier l’endroit et d’y créer un couvent. À cette époque, aller au diable Vauvert voulait dire s’aventurer dans une dangereuse et longue expédition.
Pour d’autres, dont je ne suis pas, c’est la petite ville de Vauvert, en Camargue, qui serait à l’origine de l’expression. Située sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, cette importante étape était l’occasion pour les pèlerins d’assister à des saynètes bibliques. Le personnage du diable avait une place importante dans ces spectacles de rue, et de nombreuses personnes venaient de très loin pour y assister. L’expression initiale était d’aller au diable de Vauvert. Elle aurait ensuite perdu la préposition « de » pour prendre la forme que l’on utilise encore aujourd’hui, tout en conservant cette notion d’éloignement.
« Aller au diable Vauvert », ou « au diable de Vauvert », c’est se rendre dans un endroit lointain, difficilement accessible. Y envoyer quelqu’un, c’est le congédier sans ménagement. On se rappelle que Georges Brassens chantait les gens « qui sont nés quelque part », « Qu’ils sortent de Paris, ou de Rome, ou de Sète, / Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar ».
L’expression fait allusion au château de Vauvert (« val vert) », construit selon la tradition par le roi Robert II au début du XIe siècle dans le voisinage de l’actuel Observatoire. L’Observatoire est à côté de la place Denfert : n’y a-t-il pas là un rapport avec notre diable ? En principe, non, puisque la « rue d’enfer » était à l’origine la Via inferior, la « rue inférieure ». Mais lorsque le château tomba en ruine et que le quartier devint dangereux, on joua sur le mot « enfer », et on prétendit que le château était hanté par des diables. Comme il s’agissait d’un château royal, on prétendit même que Philippe-Auguste y avait habité après son excommunication et que le château depuis était maudit.
Un monstre à grande barbe...
« L’expression « diable de Vauvert » apparaît au XVe siècle, et la légende est racontée pour la première fois par Nicolas Bonfons en 1561. Elle s’enrichit au cours des siècles. Saint-Foix, dont les Essais historiques sur Paris paraissent en 1754, croit savoir que le diable Vauvert était « un monstre vert avec une grande barbe blanche, moitié homme et moitié serpent, armé d’une grosse massue, et qui semblait toujours prêt à s’élancer la nuit sur les passants. » Lorsque les chartreux s’y établissent, en 1257, les apparitions cessent. Les mauvaises langues suggèrent alors que les chartreux eux-mêmes ont simulé l’apparition de revenants pour forcer le don du roi, hypothèse défendue au XIXe siècle par Émile Littré. Aujourd’hui, on penche plutôt pour l’hypothèse de brigands qui auraient utilisé la même ruse pour éloigner les curieux de leur repaire.
Quand le sport s’empare de l’expression
« Être diable de Vauvert », à l’origine, signifie être malin comme un diable. Le sens de « lieu lointain » n’est attesté qu’au XIXe siècle, peut-être sous l’influence de « se mettre au vert ». L’allusion historique n’est plus perceptible aujourd’hui. Elle s’est banalisée dans le domaine sportif, où elle signifie « revenir de loin ». Je relève dans les pages sportives de grands quotidiens : « Quelle frayeur ! Menés 1-6, les Poitevins revenaient du diable vauvert pour réaliser l’équilibre » (La Nouvelle République, Vienne, 19/10/08) ; « Les joueuses du président Degrendel sont revenues du diable Vauvert pour s’imposer au terme d’une rencontre qu’elles avaient mal débuté » (La Voix du Nord, 29/10/2008). Les dieux du stade, parfois, jouent comme de vrais diables. »
Texte de J.C. Bologne ICI