J’adore ce genre d’histoires vraies.
C’est l’histoire d’un prêtre, cousin éloigné du narrateur, curé d’un petit village des Collines métallifères. La Maremme.
C’était pour lui « la punition, comme aller en Sardaigne pour un militaire : tu te fais chier. Personne ne va à l’église, seulement quelques rares femmes pieuses et les touristes en été. »
Il décida que « si l’évangile ne marchait pas, la Juventus marcherait »
« Il fonda un club de supporters, puis la gérance d’un bar du village et le recouvrit de posters. À l’école, pendant l’enseignement religieux, à la place des santons, il offrait des images à collectionner, mais seulement celles avec les joueurs de la Juve. Au lieu du Notre-Père, c’est la formation qu’il nous demandait de savoir par cœur (Zoff-Gentile-Cabrini-Brio-Scurea et ainsi de suite) et il organisa même des pèlerinages, comme en 1983, où il emmena quelques personnes en bus jusqu’à Athènes pour voir la Juventus perdre un à zéro contre Hambourg lors de la finale de la Coupe des champions. »
C’était un énergumène à la force herculéenne.
Un jour, la maîtresse du narrateur amena sa classe à sa messe, où il y avait seulement deux vieilles et une femme avec un enfant qui n’arrêtait pas de pleurer.
Il expédiait la messe à toute vitesse dans un grommellement incompréhensible, entrecoupé de rares amen.
Il s’adressa à la maman du chiarre braillard « Madame, si l’enfant pleure, mettez-lui une chaussette dans la bouche. »
Il se débarrassait de ses fidèles d’un sonore et libérateur « Allez en paix » qui avait tout l’air d’un « Allez vous faire foutre »
Plus jeune il concluait la cérémonie ainsi :
« La messe est finie… Allez manger des tortelli que vos mamans vous ont préparés. Moi maintenant je suis libre, si quelqu’un voulait m’inviter… voyez un peu ce que vous pouvez faire. »
Quand il passait bénir les maisons il fallait planquer tout ce qui était alcoolisé.
« Il y avait dans la rue une aimable veuve et à sa vue son cœur semblait s’attendrir, il laissait une lire aux enfants de chœur pour qu’ils aillent au magasin s’acheter des bonbons et qu’ils débarrassent le plancher.
Enfin, il arrivait chez nous, faisait main basse sur le vin et les œufs et bénissait. Il réapparaissait à Noël, lorsqu’il remettait le prix de la meilleure crèche. Ça étonnait beaucoup qu’il fasse gagner le maçon stalinien qui habitait à l’angle. Ma grand-mère disait : « mais comment ça se fait qu’il gagne toujours le maçon, vu qu’il est communiste ? » Elle avait de bons rapports avec le maçon et elle alla le lui demander. Il lui répondit : mais tu parles, la crèche d’Égypte. Le prêtre, il vient chez moi boire le vin, bourrique de Maremme, il sait bien que dans la rue c’est moi qui est le meilleur. La crèche, mon œil. »
« Le prêtre ne devait pas non plus être une mauvaise personne, étant donné qu’il collaborait avec les résistants. Même les nazis ne réussirent pas à le descendre, et ils essayèrent. Les fascistes voulaient sa mort (on murmure que c’est à cause d’histoires de femmes), mais le boche qui devait le tuer changea d’avis et le libéra : et c’est ainsi qu’il continua à manger les tortelli, à réclamer les œufs et le vin et à faire peur aux femmes, jusqu’à ce que le Très-haut le rappelât à lui, au grand soulagement des maris cocus. »
Alberto Prunetti Amianto Une histoire ouvrière Agone