Moi je l’ai lu et je suis bien embarrassé pour conseiller PAX…
C’est joliment écrit et bien troussé.
Deux intrigues se mêlent dans ce roman : « les boire et déboires de Kate » à notre époque, ses ambitions professionnelles : elle doit réussir le « très prestigieux concours de Master of Wine ». Elle fait pour cela le choix de se rendre en Bourgogne, dans le domaine appartenant à sa famille depuis des générations. Elle pourra y approfondir ses connaissances sur le vignoble et se rapprocher de son cousin Nico et de sa femme, Heather, qui gèrent l’exploitation. Son passé amoureux dont les cendres sont ravivées, c’est Jean-Luc, un jeune et talentueux vigneron, son premier amour. Le quotidien tragique d’Hélène, jeune fille de vigneron dont le futur est anéanti par l’Occupation allemande et une marâtre infâme. Secret de famille !
Sur la Toile j’ai lu une critique « En revanche, je suis restée assez indifférente aux problèmes de l’héroïne : j’ai peiné à comprendre son obstination à passer son examen de Master of Wine alors que sa passion pour le vin ne m’est pas apparue clairement, je n’ai pas senti l’alchimie entre elle et son ex, et je n’ai pas réussi à m’attacher à sa famille ou à détester sa rivale, un peu trop caricaturale. Par-dessus le marché, pour une connaisseuse de la France, j’ai trouvé que l’auteure s’attardait lourdement sur des clichés du Français macho et peu ouvert sur le Monde dont je me serais bien passée. »
Comme vous le savez le Master of Wine n’est pas ma tasse de thé, c’est même un répulsif, du côté cœur je dirais, au risque de me faire taxer d’antiaméricanisme primaire, c’est très love story, mais du côté vigneron, elle n’a pas tout à fait tort Ann Mah, d’ailleurs j’aurais bien aimé que Jean-Yves Bizot, le vigneron de Vosne-Romanée le lise pour me donner son éclairage sur ses confrères vignerons.
Le volet, la vie d’une famille de vignerons sous l’Occupation, au travers du journal tenu par Hélène, est plus convaincant, bien documenté, reflet d’une période où ceux qui se sont engagés, ceux qui ont résistés, n’ont pas été forcément les gagnants à la Libération.
Pour éclairer PAX voici un lien avec le site ICI
Elodieuniverse 21 juin 2019
On est en immersion totale dans le monde œnologique, ses pressoirs, ses vignes, ses vendanges... Ne vous inquiétez pas si vous n'êtes pas de grands amateurs de vins, l'histoire est bel et bien compréhensible. Grâce au journal d'Hélène, on entre au coeur de la guerre, de la résistance, de l'Occupation, de la collaboration... Les secrets de famille sont bien présents. Qui était Hélène? Pourquoi dans la famille personne n'en a jamais parlé? Et surtout qu'est-elle devenue? La quête que va mener Kate va mettre à jour les non-dits mais aussi la honte, la trahison, la culpabilité de cette famille. J'ai aimé que les personnages cherchent en même temps que le lecteur et en savent même moins.C'est un livre documenté que ce soit sur l'oenologie ou la SGM.(Sombre période qui me passionne, je raffole des romans parlants de l'Histoire) Bref, ce livre mélange romance, terroir (La Bourgogne, ses terres et sa gastronomie) et roman historique à merveilles. (...)
Ann Mah est journaliste et écrivain. Elle vit entre Paris et Washington. Passionnée de voyages et de cuisine elle écrit régulièrement pour de nombreux journaux et magazines américains comme Le New-York Times, Vogue ou Condé Nast.
Elle a remporté le prix des lectrices de Elle aux Etats-Unis pour son essai Mastering the Art of French Eating en 2013.
Page 20 : L’Examen pour me MW
« La dernière fois que je l’avais passé remontait à dix-huit mois, mais je me rappelais les quatre jours d’épreuves dans les moindres détails. La forme des carafes en verre qui contenaient le vin pour les dégustations à l’aveugle. Le bruit que faisait mon stylo en courant sur le papier, rédigeant de courtes descriptions de chaque vin, d’où il venait, comment il était produit. Les arômes d’amandes grillées, de fleur de sureau, de silex composaient le bourgogne blanc sur lequel je m’étais tant interrogée. La cuisante sensation d’humiliation qui m’avait envahie lorsque je m’étais rendu compte que je m’étais trompée dans l’identification d’un des vins les plus vénérés au monde – celui que ma famille française fabriquait depuis des générations. Le vin dont elle pensait qu’il coulait dans mes veines. »
« Je connaissais personnellement des ribambelles de professionnels du vin qui étaient respectés et se moquaient du titre de Master of Wine, le considérant comme une affectation idiote et coûteuse. Mais d’un autre côté – quand je passais au crible le Wine Spectator avec envie, que je veillais jusqu’à l’aube pour préparer des fiches – je me trouvais nulle de ne pas l’avoir. La qualification MW était comme un doctorat ou un master, en plus prestigieux encore, quand on savait qu’il y avait dans le monde moins de trois cents Masters of Wine. J’avais consacré cinq ans à me préparer pour l’Examen, investi des centaines d’heures et des milliers de dollars pour humer, goûter, cracher toute sorte de vins. »
Page 61 : La frugalité de leur mode de vie s’appliquait aussi au vignoble
« Ma mère et son frère avaient grandi au domaine, mais alors qu’elle avait quitté la France pour faire ses études, mon oncle Philippe avait passé toute sa vie dans ce même endroit ; aujourd’hui, à un peu plus de cinquante ans, le chef vigneron était encore loin de prendre sa retraite. Ma tante Jeanne et lui vivaient à l’extérieur du village, dans une maison où elle avait grandi ; ils faisaient pousser leurs légumes, élevaient des poules et un cochon. La frugalité de leur mode de vie s’appliquait aussi au vignoble, qui souffrait, tant les équipements étaient vétustes et les murs lézardés ; je soupçonnais qu’elle était la cause d’une certaine tension entre les générations. »
Page 76 : Après l’enterrement du père de Jean-Luc
« Après la cérémonie, nous suivîmes la foule jusqu’à la maison de la famille de Jean-Luc. Dans le jardin, il resta au milieu d’un groupe d’hommes aux visages et aux mains burinés. Vu la manière dont ils contemplaient les vignobles au loin – avec une inquiétude de propriétaires –, ils devaient être également vignerons, des viticulteurs de domaines voisins, des collègues du père de Jean-Luc. Lui se tenait les bras croisés, la tête baissée tandis qu’il écoutait les conseils, mais son expression n’avait rien de la raideur que j’apercevais parfois à Paris. Ici, au milieu des vignes, il était chez lui. »
Page 77 : le premier millésime de mon père
« Ce soir nous le boirons en son honneur ». Il réussit à sourire.
- À ton père dis-je tout en admirant la couleur du vin, riche et dorée, comme un souvenir de rayon de soleil.
- Papa ouvrait un millésime chaque printemps, quand les vignes commencent à se réveiller. Il disait que c’était une offrande. Il cogna son verre contre le mien. « À une bonne année. Ma première… comme vigneron. »
J’en eus le souffle coupé. »Tu … tu reprends le domaine ? » Au moment où je le dis, les pièces du puzzle trouvèrent leur place. Bien sûr qu’il allait le reprendre. Il était le seul fils, et sa sœur était impatiente de fuir la province. Il se préparait à ce rôle de chef vigneron depuis sa naissance.
Dans la semi-pénombre de la cuisine, son visage était fermé, difficile à lire. « Nous avons envisagé de trouver un viticulteur pour s’occuper des vignes. Ou de vendre notre récolte à un négociant. Mais finalement… disons que papa n’approuverait pas. J’ai pensé que c’était la meilleure solution, et maman a fini par donner son accord. »