Commençons par mon habituel couplet sur mes exploits d’enfant de chœur de la paroisse Saint Jacques le majeur de la Mothe-Achard. Le curé doyen Bailly proposa à certains d’entre nous, dont mon ami Dominique Remaud, d’aller en pèlerinage à Lourdes. Nous acceptâmes avec enthousiasme, sortir de notre trou pour voir du pays ça nous changerait de la plage des Sables- d’Olonne. Nous embarquâmes dans la Dauphine du curé-doyen, une Renault traction arrière véritable cercueil roulant. Nous arrivâmes vivants. Notre amour de la Vierge n’étant pas évident nous menâmes le curé-doyen par le bout du nez. La retraite aux flambeaux et le pilotage des malades vers la baignade furent de grands moments. Bref, Lourdes, pour moi, avec ses rues bordées de marchands du temple, fortifia mon anticléricalisme naissant.
Les Hautes-Pyrénées revinrent à moi bien plus tard lorsque Jean Glavany, chef de cabinet de Tonton, se mit en tête de se présenter aux législatives dans ce département en 1988 la 1ère circonscription. Il est battu. En 1993, il se représente, auparavant du côté de l’Elysée il nous est demander de dégager du terrain un récalcitrant, dont j’ai oublié le nom, qui a la bonne idée d’être prof de lycée agricole : à l’Inspection Générale ! Il gagnera ces élections. Pas joli, joli, mais c’était ainsi sous la Ve République de Gaulle compris.
Revenons à nos cochons.
Mon charcutier de la rue de Tolbiac, un survivant, M. Pellé, dans son vaste assortiment de cochonnailles m’a fait découvrir l’andouille de porc noir de Bigorre.
À la première bouchée je suis tombé de ma chaise, puis j’ai boulotté le reste en moins de deux.
Depuis je suis addict sauf qu’un jour chez Pellé, l’une des charmantes dames préposée au service, l’air marrie, m’a répondu : « y’en a plus… » Non pas de façon définitive mais il me faudrait attendre la prochaine livraison.
Frustration !
Ce mardi, ayant une envie de pied de cochon, je file chez Pellé. À ma première question « avez-vous de l’andouille de porc noir de Bigorre ? » une des charmantes vendeuses en blouse me répondit oui en exhibant un morceau d’andouille. Alors je lui répondis « J’en veux tout une ! » Un peu surprise la dame fila dans la réserve et me rapporta une andouille de porc noir de Bigorre sous son capuchon de plastique.
Ainsi j’ai pu sur l’étiquette noter le fournisseur :
Porc noir de Bigorre
Pyrène Aéropôle - Route de Lourdes
65290 LOUEY
Tél. 05 62 56 32 98 /
ANDOUILLE BÉARNAISE
Je suis mauvaise langue, ça m’a fait penser à François Bayrou.
Pour le cochon je donne la parole à Jacky Durand qui 23 novembre 2018 en parle mieux que moi.
LE NOIR DE BIGORRE, AU NOM DU PORC
Il était une fois donc un cochon plus tricard qu’une tranche de jambon sous plastique dans un Monop à 22 heures. Nous sommes en 1981, le porc noir de Bigorre ne compte plus que trente-quatre truies et deux verrats, autant dire les derniers des Mohicans. Et pourtant, il vient de loin ce magnifique cochon gascon. On retrouve en Europe centrale des traces d’élevage de porc dès le néolithique, quand l’homme se sédentarise et invente l’agriculture. L’historien Jean Bottéro explique dans sa Plus Vieille Cuisine du monde (Point Seuil) qu’à Babylone «du cochon, nul interdit n’est connu, on l’élevait et on le mangeait, mais on le trouvait sale». Tout cela est raconté de façon érudite et gourmande par Daniel Labarrère dans le Porc noir de Bigorre (1).
On y apprend ainsi que le noir de Bigorre est le cousin du pata negra qui s’épanouit dans les montagnes espagnoles et que dans l’Antiquité déjà le géographe grec Strabon faisait de la réclame pour leurs jambons, dont les Romains avaient une vraie adoration : «Les vicarius supra cenas étaient des cuisiniers, spécialisés dans l’élaboration des jambons et autres salaisons, dont la consommation était réservée à l’élite de la société», écrit Daniel Labarrère. Plus près de nous, il cite le philosophe et historien Hippolyte Taine (1828-1893) qui,dans son Voyage aux eaux des Pyrénées(1858), évoque «nos amis les cochons de Bigorre en ces termes flatteurs : "Ils ne sont pas couverts de fange infecte, comme dans nos fermes ; ils sont roses et noirs, bien lavés, et vivent sur les grèves sèches, auprès des eaux courantes."».
A cette époque, le porc noir de Bigorre était le plat de résistance d’une économie rurale et autarcique entre les Hautes-Pyrénées, le Gers et la Haute-Garonne. Nourri avec les céréales de la ferme, la pâture et les fruits de saison, il ne coûtait rien, fournissait de la viande pour toute l’année et du gras pour faire la cuisine. C’était son âge d’or, avant le rouleau compresseur de l’agriculture industrielle et des Trente Glorieuses. Après la Seconde Guerre mondiale, il fallait nourrir beaucoup et vite la France en pleine reconstruction. Le noir de Bigorre était trop lent, trop grand, pas assez reproductif pour l’élevage intensif où l’on sert comme des sardines les cochons de race Large White. Le Gascon n’avait plus sa place au pays du jambon sous plastique.
Mais c’était sans compter la détermination d’une poignée d’éleveurs, de charcutiers et de salaisonniers bien décidés à sauver cet animal emblématique du patrimoine pyrénéen réunissant hommes, animaux, agriculture et paysage. Ils n’ont rien d’une bande de paysans nostalgiques et se battent contre l’uniformisation gustative en mettant en avant les saveurs inimitables du porc noir de Bigorre.
Une soixantaine d’éleveurs, décidés à sauver cet animal emblématique du patrimoine pyrénéen, se consacrent depuis près de quarante ans à la bête, élevée et choyée comme un grand cru dans un processus volontairement lent, à l’opposé des élevages intensifs.
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