Comme je viens de taper à bras raccourci sur les critiques gastronomiques de l’époque post-modernes je me suis dit, « mon petit gars faut que tu ressortes les cadors de la plume gastronomique, alors suis allé fouiller les plis et les replis de la Toile.
Bonne pioche : j’ai retrouvé le Ribaut du Monde qui crèche maintenant chez Siné mensuel.
LA CAROTTE ENSABLÉE
Par Jean-Claude Ribaut, juin 2019
Pour Jules Renard – l’auteur de Poil de Carotte –, « la médecine n’avait de certain que les espoirs trompeurs qu’elle nous donne », tandis que les carabins en salle de garde blâmaient la pauvre Charlotte pour l’usage maladroit qu’elle faisait de ladite carotte. La carotte cultivée dans le sable des grèves (mielles) du Cotentin a aussi assuré la fortune de Créances (Manche).
Elle doit son renom à son goût subtilement iodé et à l’absence de corps fibreux résultant du sol sablonneux, du vent du large et des embruns, ainsi que du varech, engrais végétal naturel. Elle bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée (AOC) depuis 1960. Cette suprématie n’a été obtenue que parce qu’un parasite – le nématode – a été jugulé dans les années 1950, à l’époque de l’agrochimie triomphante, par l’utilisation d’un pesticide miracle, le dichloropropène, qui détruit le petit vers ravageur et permet une production de masse. Auparavant, on retournait le sable chaque année, les rendements étaient faibles. Avec la chimie, ils ont explosé.
Mais ce pesticide, notoirement cancérigène est interdit depuis 2009, partout en Europe. Chaque année pourtant, grâce à un lobbying efficace, les producteurs de Créances obtenaient une dérogation. Cette année, alerté par un nouveau rapport alarmant des agences sanitaires, le préfet a dit non, malgré les quelques tonnes de carottes et de fumier déversés devant la préfecture de Saint-Lô le 29 avril. Alors, passer à l’agriculture biologique avec une bactérie naturelle ? Certains l’ont essayé, mais les rendements sont moindres. Évidemment.
Mon gâteau de carottes est un souvenir d’enfance rurale. Faire fondre quelques carottes du jardin et un oignon en julienne ; réaliser une béchamel de bonne consistance ; y ajouter les carottes fondues, deux œufs entiers, un peu de muscade, sel, poivre. Bien mélanger et placer dans un moule à manqué. Cuire 45 minutes à four moyen (170 °C). Inratable. Servir avec une sauce tomate maison.
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