Souvenir de notre arrivée, Pierre, Alain et moi, dans le cénacle du Conseil Général du Ministère de l’Agriculture, CGAER, plus communément dénommé gagatorium, accueillis avec une certaine hauteur frisant la condescendance, que venaient foutre ces 3 vilains petits canards noirs dans la belle basse-cour des ingénieurs, des vétérinaires et des administrateurs civils. Même pas fonctionnaires ! Simples mise à disposition !
Ces messieurs me ménageaient un peu tout de même, un ancien directeur de cabinet ça faisait bien dans le tableau, Alain Cointat portait le nom de son père Ministre, restait l’ami Pierre Fouillade un homme discret qui ne cherche pas la lumière.
Pierre, je l’avais appelé au cabinet pour prendre en mains le dossier difficile des productions animales, simple ingénieur, homme de terrain, crédible, pragmatique, il déminait les dossiers, écoutait, bâtissait des voies de sortie face à une administration plus encline à imposer sa vision qu’à comprendre ceux qui font. Cette administration, rancunière, lui gardera un chien de sa chienne, en le faisant virer de la direction de l’Office des Viandes (OFIVAL)
Bref, tout pour plaire à la cotriade des IGREF devenus IPEF, Pierre et moi partagions le même petit bureau. Maire de Valette dans le Cantal, petite commune de moins de 500 habitants, Pierre déployait une énergie folle au service de ses administrés qu’il allait rejoindre le week-end par le tortillard de la SNCF.
Pierre était un bourreau de travail, très vite, sans se pousser du col, il s’imposa comme celui qui, dans cette enceinte de penseurs en chambre, maîtrisait le mieux les questions de l’élevage. Je dois reconnaître que mes chers collègues furent beaux joueurs, ils confièrent les guides de rapports importants à Pierre. Moi je riais dans ma barbe de trois jours, en rajoutant dans l’ironie rosse lors de nos réunions.
Nous sommes, Alain, Pierre et moi à la retraite, mais pour mes deux compères elle est active et engagée. Je n’en dirai pas plus pour ne pas faire rougir Pierre et mettre à l’épreuve sa modestie naturelle. Simplement, ce matin j’avais envie de lui donner un coup de chapeau.
Je profite de l’occasion pour publier un extrait de Alto Braco de Vanessa Bamberger, abordant la question de l’exportation des veaux vers l’Italie, rien que pour mettre à l’épreuve les relations amicales entre les aveyronnais et les cantalous…
- Là, ce sont des aubracs ! ai-je presque crié. Regarde les petits veaux !
- Ils seront bientôt vendus aux italiens pour en faire des escalopes.
Devant mon air surpris, elle m’a révélé la spécificité des éleveurs français : c’étaient des naisseurs, pas des engraisseurs. La vache développait son muscle en mangeant des protéines végétales, herbe en été, foin en hiver, ensuite il fallait l’alimenter en céréales pour le persillé, le gras. De quoi les Italiens se chargeaient.
- Si au moins ils ne les gavaient pas de maïs après les avoir piqués aux antibiotiques, a-t-elle enchaîné. Et d’autres choses pas très catholiques, si tu veux mon avis.
Pourquoi ne m’en avait-elle jamais parlé auparavant ? Ce genre de sujet me passionnait, elle le savait bien. Du reste, elle me demandait toujours ce que j’avais à m’énerver contre les industriels de l’agroalimentaire si c’était pour ne rien en faire. À ce qu’elle sache, je mangeais régulièrement des croque-monsieur et des salades César. Pensais-je donc qu’on y mettait du jambon de qualité, du poulet fermier ? Elle pointait du doigt mon ambivalence. Tu es bien comme ta grand-mère, concluait-elle systématiquement.
- Tu n’aimais déjà pas la viande, je n’allais pas en plus te raconter qu’elle n’était pas toujours produite correctement ! Avec Douce, on gardait un petit espoir que tu changes d’avis… De toute façon on n’a jamais servi que du bœuf dont on connaissait la provenance. La traçabilité est la clé. Le jour où il y aura un énième scandale sanitaire, le marché italien s’effondrera et ces couillons aubracois finiront le bec dans l’eau parce qu’ils n’auront rien anticipé. C’est dommage, parce que l’engraissement est le maillon le plus important de la chaîne, et la seule source de plus-value possible. Ce que font les Italiens, nous sommes capables de le faire, en mieux.
[…]
Au moment où nous allions franchir la route, un grand camion rouge est passé à toute vitesse. Cela n’a duré qu’une poignée de secondes mais j’ai eu le temps de voir la plaque d’immatriculation italienne, les dizaines de veaux entassés à l’intérieur. Je suis restée ahurie un instant, incapable de faire le moindre geste.
Note Pierre que l’auteur remercie Jocelyne Porcher une élève de notre Joseph Bonnemaire, encore un coup du père Joseph…
- En France
L'exportation d'animaux est une activité très importante pour le négoce de bestiaux. En effet, chaque année de plus 1 million d'animaux sont exportés de la France :
-
- en 2017 BOVINS : 1 million 467 205 bovins exportés dont environ 1 million 4 destinés aux pays de l'Union Européenne.
- en 2017 OVINS : 489 milles 657 ovins exportés toutes destinations (99% de l'Union Européenne), (Eurostat, 2017).
Nos principaux clients sont : l'Italie (broutards), l'Espagne (veaux et broutards) et également les pays du Maghreb tel que l'Algérie, Liban, Suisse et Maroc. Ces animaux sont généralement transportés en camion vers l'Italie et l'Espagne et par bâteaux pour les pays du Maghreb.
- Nos concurrents
L'Europe de l'Est commence à exporter vers l'Italie des volumes de plus en plus importants, l'Espagne exporte également ses broutards en Italie, au Liban, en Turquie et en Libye. L'Espagne est donc un de nos principal concurrent du fait qu'elle exporte vers les mêmes débouchés que ceux de la France.
On constate également une augmentation de l'exportation en 2017 sur la figure ci-dessous. Les pays hors UE et notamment le Brésil, l'Uruguay, l’Afrique de l'Est, exportent vers le bassin méditerranéen, avec des volumes bien plus conséquents par rapport à l'activité de la France (CHOTTEAU C., 2018) .
Dans un contexte où l’Algérie et la Turquie ont rouvert leurs frontières aux exportations de bovins français, Interbev a souhaité faire le point sur plusieurs années d’export dans la filière bovine, lors du Sommet de l’élevage. Enseignements. ICI