Suivez mon regard malicieux « On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre… » mais, avec des livres, c’est possible pour celles du coche…
De passage chez un marchand de livres, un libraire, j’ai acquis La Paie du samedi de Beppe Fenoglio en me disant que je ne l’avais pas lu.
Beppe Fenoglio est peu connu en France, né à Alba en 1922, en 1943 il rejoint les partisans pour combattre les troupes fascistes. A la fin de la guerre il choisit de rester à Albe, d'y exercer sa profession de négociant en vin. Il conservera cette profession jusqu'à la fin de sa vie, préférant composer ses livres en marge de son travail, en « gentlemen writer »
« Beppe Fenoglio parvint à rester à l'écart et silencieux à une époque où les écrivains tombent facilement dans le piège de se prendre pour des personnages publics. Il sut si bien se défendre qu'il ne reste aujourd'hui de lui qu'une image aux traits sévères et fiers ; ce n'est au fond qu'un masque, derrière lequel se dissimule un être qui continue de à nous être inconnu. »
Italo Calvino
Beppe Fenoglio est un écrivain singulier, ne suivant ni modèle, ni genre, il se tint toujours en marge de la vie littéraire italienne pour effectuer un travail de recherche et d'expérimentation très original. Fenoglio c'est un style traduisant l'expérience de sa vie passée dans la région des Langhe.
J'aime ses livres : je vous recommande deux d'entre eux Le Mauvais sort (1954) et Une affaire personnelle (posthume).
« Ce n’est rien, ce n’est que le vin qui est allé le toucher au cœur », c’est la sœur de Tobia qui la prononce le jour du mariage de Ginotta.
Le mauvais sort, publié en Italie en 1954, relate la vie miséreuse mais fière d’un jeune gagée par son père dans une ferme des Langue. C’est un tableau puissant et sobre de la vie paysanne piémontaise de l’entre-deux-guerres que l’auteur trace avec une écriture simple mais si proche du corps à corps de l’homme avec la terre.
La Paie du samedi
Désœuvré. Retour à l'Italie d'après-guerre avec ce roman du talentueux, mais trop méconnu, Beppe Fenoglio.
Si Cesare Pavese a passé les Alpes, ce n'est pas le cas, hélas, de Beppe Fenoglio (né en 1922, et non en 23 comme indiqué dans la notice de l'éditeur). Si ses principaux livres ont été traduits ces dernières décennies, et fort bien, ils sont aussi fort difficiles à trouver, tous ou presque épuisés qu'ils sont aujourd'hui. Comme Pavese, Fenoglio était piémontais. Comme lui, il est mort assez jeune, en 1963. Une mort de fumeur, par les poumons. Il avait 41 ans.
Beppe Fenoglio ne verra jamais publier ce roman, paru en 69, l'un de ses tout meilleurs assurément, et qui vient juste après le mémorable La Guerre sur les collines (1968), sans aucun doute possible son maître-livre.
Du reste, à l'exception de quelques-uns (Les Vingt-Trois Jours de la ville d'Albe, 1952 ; Le Mauvais Sort, 1954 ; Le Printemps du guerrier, 1959), ces livres les plus aboutis seront tous posthumes. Cette publication d'outre-tombe, justement, c'est ce qui a permis, en Italie, d'entretenir sa mémoire. Des querelles philologiques liées aux divers états de ses manuscrits ont maintenu Fenoglio en vie. Mais en France, ces lecteurs se font rares. Et quand on aurait pu le découvrir, par exemple lorsque la littérature italienne tint salon (du livre) il y a quelques années à Paris, curieusement il passa inaperçu. À d'autres les honneurs et les fleurs.
Le personnage principal de La Paie du samedi s'appelle Ettore et, par certains traits, il ressemble à l'auteur. La part de l'autobiographie n'est sans doute pas négligeable dans ce roman puisque Ettore, comme Fenoglio, a participé à la Résistance. Tout comme son personnage, il a pris les armes et le maquis contre les milices fascistes. Le Duce tombé, Fenoglio travaillera dans une entreprise vinicole, au contraire d'Ettore qui, et c'est bien là tout le propos du livre, ne parvient pas à se réadapter socialement. Certains reviennent du feu comme des zombies, ils ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, parce que blessés, brisés, traumatisés. Pas lui. Il est de ceux que la paix revenue laisse désœuvré.
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