-Photo : Sebastien Ortola — S. ORTOLA / 20 MINUTES
Souvenir du temps où, certains matins à la fin des années 70, à bicyclette, me rendant de mon domicile à mon travail au 232 rue de Rivoli, à l’Office des vins de table, je croisais à l’angle du boulevard Raspail, aux feux tricolores face au Lutetia, Noël Mamère lui aussi juché sur un vélo.
Lui se rendait dans les studios de la 2 au 13-15 rue Cognacq Jay.
Je croisais aussi, souvent au même endroit, l’icône des années Giscard, Alain Duhamel, enveloppé dans son imper mastic genre Colombo, coiffé d’un casque brun de jockey, il chevauchait un antique solex qui peinait à le conduire lui aussi dans les studios de la télé.
Mamère et moi sommes de la même classe, des baby-boomers de 48.
En juin 1988, il est élu comme suppléant du député socialiste de la 10e circonscription de Gironde, Libourne, Gilbert Mitterrand.
En 1989, il est élu maire de Bègles à la tête d'une liste « majorité présidentielle », contre le sortant communiste soutenu par les instances départementales du Parti socialiste et réélu jusque-là. Il échoue toutefois à se faire élire député lors d'une législative partielle (causée par la démission de Catherine Lalumière) le 25 juin 1989 dans la 3e circonscription de la Gironde. Il échouera dans la même circonscription en mars 1993 sous l'étiquette écologiste.
En 1990, il crée avec Brice Lalonde Génération écologie (GE). Deux ans plus tard, il devient vice-président et porte-parole national de Génération écologie. En 1994, il quitte Génération écologie, à la suite du virage centriste de ce parti entamé sous l'impulsion de Brice Lalonde, et fonde Convergences écologie solidarité dont il devient le président. Cette même année, il est élu député européen sur la liste de Bernard Tapie, tête de liste « Énergie radicale », jugeant qu'il faut développer un véritable courant écologiste de gauche.
En 1997, il est élu député de la 3e circonscription de la Gironde et siège dans le groupe radical, citoyen et vert (constitué par les députés du PRG, du MDC et des Verts). En 1998, il adhère, avec l'ensemble de son mouvement, au parti écologiste Les Verts. Il est réélu député en 2002, il siège alors parmi les non-inscrits, les Verts n'ayant pas assez d'élus (trois) pour pouvoir former un groupe.
Lors de la primaire présidentielle des Verts de mai et juin 2001, il arrive en tête du premier tour avec 42,8 % des voix, puis est battu de peu au second tour par Alain Lipietz, qui obtient 50,3 %. Cependant, le 13 octobre 2001, à la suite d'une prise de position controversée sur l'amnistie des nationalistes corses, Alain Lipietz est évincé du poste de candidat lors d'un référendum interne. Noël Mamère, pressenti pour reprendre le titre de candidat annonce alors son refus catégorique : « Ma décision de ne pas me présenter est irrévocable, et rien ne pourra me faire changer d'avis. ». Mais après le refus de Dominique Voynet d'être à nouveau candidate, Noël Mamère est désigné pour remplacer Alain Lipietz par le conseil national des Verts, le 14 octobre suivant, par 70 voix contre 29. Le 29 octobre 2001, un second référendum interne approuve sa nomination à plus de 80 % des voix.
Après avoir obtenu 5,25 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, il appelle à voter pour Jacques Chirac, afin de barrer la route à Jean-Marie Le Pen au second tour. Il est le premier (et à ce jour le seul) candidat écologiste à avoir dépassé le score de 5 % lors d'un tel scrutin.
J’arrête là.
Un parcours certes un peu tortueux, son passage sur la liste Tapie montée à l’instigation de Tonton pour faire un croche-pied à Rocard m’est toujours resté au travers de la gorge, mais sans contestation arrimé à des convictions écologiques incontestables.
C’est dans le marigot vert un vrai politique à l’ancienne.
Je n’ai jamais eu beaucoup d’attirance pour ce mouvement politique hétéroclite, gauchiste, parfois sectaire, même si mes préoccupations environnementales auraient pu m’attirer vers eux.
Et puis, lorsque le PS à la sauce molle de Hollande pimentée par ses frondeurs, Hamon et Montebourg en tête, s’est dissous dans ses contradictions, Hamon soutenu par Jadot creusant le trou, et que Macron a ramassé la mise, le vieil électeur socialiste que je fus, à la fin sans enthousiasme, par fidélité, s’est retrouvé face au champ de ruines.
Surgissent les européennes où Wauquiez et Mélenchon furent aussi balayé via leurs pâles candidat(e)s et que surgit Jadot enfant de l’effet glyphosate. ICI
J’ai envoyé un SMS à Isabelle Saporta : « Dominer sa victoire ! »
Et puis patatras Jadot déclare : « Nous voulons conquérir et exercer le pouvoir » ICI
Étonnant cette saillie, comme si auparavant les Verts n’étaient là que pour faire joli, grappiller quelques circonscriptions aux hiérarques du PS comme savait si bien le faire Duflot.
- Comment va se faire le dépassement d’EELV dont David Cormand (secrétaire national) a parlé, cette nouvelle force politique que vous voulez construire ?
Il est absurde qu’il y ait différents partis écolos qui se fassent concurrence. Il faut créer la structure qui va rassembler la liste Urgence écologie, le Parti animaliste.
- Avec Génération.s ou La France insoumise qui sont aussi écolos ?
Pour moi, ce ne sont pas des partis écologistes. Mais leurs militants, comme tous ceux qui se retrouvent dans les valeurs de l’écologie, sont les bienvenus s’ils souhaitent, avec nous, construire une société écologique et apaisée.
- Avez-vous proposé à Nicolas Hulot de venir ?
On sort à peine de la campagne, mais il y aura sa place, bien sûr.
Là les bras m’en tombent, que Jadot prenne les insoumis avec des pincettes, je comprends, Mitterrand a bien fait alliance avec les cocos de Marchais, mais du côté du résidu du PS, le Hamon qu’il a soutenu à la présidentielle c’est vraiment étonnant.
Déjà aux européennes fallait avaler le boulet Rivasi alors avec les animalistes chers à l’ancienne patronne des patrons Laurence Parisot, ce brave Jadot tombe dans le grand n’importe quoi.
Et puis, Noël Mamère, maire de Bègles de 1989 à 2017 et député écologiste de 1997 à 2017 surgit de sa boîte :
TRIBUNE
« L’écologie “identitaire”, conçue comme seule réponse, est un rêve irresponsable »
Dans une tribune au « Monde », l’ex-candidat Vert à la présidentielle de 2002 presse les écologistes de ne pas cultiver une autonomie qui passerait par l’ignorance des autres forces de gauche.
Pour la génération d’écologistes à laquelle j’appartiens, longtemps considérée comme annonciatrice de l’apocalypse et accusée, entre autres, de refuser un « progrès » soi-disant bienfaiteur de l’humanité, ce qui s’est passé le 26 mai est à la fois un aboutissement et le début d’une histoire qui reste à écrire.
La surprise des observateurs politiques et des instituts de sondages devant ce bon résultat des écologistes est à la mesure de leur conformisme idéologique. Tout à leurs commentaires et débats d’experts sur le duel Macron-Le Pen et à leurs réflexes de classe embarrassés sur le mouvement des « gilets jaunes », ils n’ont pas vu entrer l’écologie dans la société. Alors qu’elle était en train de remporter une victoire culturelle, ils regardaient ailleurs.
Il aura fallu la démission fracassante de Nicolas Hulot, en forme de réquisitoire, pour que tout ce petit monde se réveille. Du jour au lendemain, les marches et les grèves des lycéens et lycéennes pour le climat, les actions en justice et autres initiatives de désobéissance civile non violente de la « génération climat » ont eu droit de cité dans les journaux télévisés et les magazines. Greta Thunberg est même devenue l’icône planétaire dont les médias se régalent… avant de s’en lasser !
L’écologie est devenue le paradigme politique du XXIe siècle
Quant aux rapports d’experts, aux alertes des scientifiques de plus en plus nombreuses et alarmistes sur les conséquences du désordre climatique pour nos propres générations, aux chiffres effrayants sur la chute de la biodiversité, ils sont enfin pris au sérieux.
Au point que la question taboue de « l’effondrement » – dont il ne fallait surtout pas parler en raison de son caractère « anxiogène » – est devenue « tendance ». Parce que la succession des canicules, des sécheresses, des tornades, des inondations et de tous ces épisodes climatiques d’une violence inédite sous nos latitudes entraîne des effets psychologiques déstabilisants sur les populations, qui renforcent leur vulnérabilité.
Ainsi, après des années d’ignorance et de mépris, l’écologie est-elle devenue le paradigme politique du XXIe siècle. Comme si la pyramide s’était inversée : l’écologie incarne désormais le réalisme face aux désordres du monde et le libéralisme sans frein, défenseur du statu quo, est relégué dans le camp des utopistes.
Il existe donc bel et bien, aujourd’hui, une conscience écologique planétaire, capable de faire vaciller les tenants du dogme de la croissance et du progrès à n’importe quel prix. La bataille sera difficile, brutale peut-être, mais le rapport de force est beaucoup plus équilibré qu’hier (cf : les victoires contre Bayer-Monsanto). C’est la bonne nouvelle de ce début de siècle. Parce que « nous n’avons qu’un seul monde », comme le dit l’un de nos slogans préférés, une majorité de ses habitants est aujourd’hui décidée à ne pas le laisser dépendre des appétits de multinationales à la voracité insatiable.
C’est sur ce « terreau-là » que la liste Europe Ecologie-Les Verts, conduite par Yannick Jadot sur une ligne d’autonomie, a réalisé le score que l’on sait et créé la surprise de cette élection européenne qui ne ressemble à aucune autre, en raison de son taux de participation et de « l’effondrement » de la droite et du Parti socialiste, qui structuraient le débat politique français depuis des décennies.
Dans ce contexte, les 13,5 % d’EELV ont une tout autre dimension politique que les 16,8 % de 2009. Troisième force du pays et premier parti de toutes les gauches, les écologistes sont devant une responsabilité historique, puisque aucun rassemblement alternatif aux politiques libérales ne peut se faire sans eux.
Relever le défi de l’alternative écologique et sociale
Soit ils décident de camper sur leur Aventin en cultivant une « autonomie » qui passe par l’ignorance des autres forces de gauche pourtant prêtes à se rassembler sur un projet à dominante écologique, soit ils ont la victoire généreuse, et ils prennent au plus vite les initiatives qui vont permettre de redonner du souffle et de l’espoir à toutes celles et ceux qui ne veulent pas se résigner à un face-à-face Macron-Le Pen.
Agir ainsi n’est pas sombrer dans la « tambouille politicienne », mais, au contraire, accepter de relever le défi de l’alternative écologique et sociale, ce qui est peut-être moins confortable politiquement, mais qui s’inscrit dans un projet historique dont les écologistes peuvent être le moteur. Car ils le savent bien, malgré leurs effets de manche, ils ne changeront pas le monde seuls sous leur panache vert.
L’écologie ne doit pas céder au « complexe Mélenchon », qui pensait incarner la gauche à lui tout seul
Voilà pourquoi je dis à Yannick Jadot, dont les récentes déclarations et interviews me glacent, que ce n’est pas le moment de se laisser griser par l’ivresse des cimes – à la hauteur toute relative au regard de l’urgence écologique, démocratique et sociale –, au risque de lourdes déconvenues, mais d’expliquer aux victimes des « fins de mois » difficiles aux allures de « fin du monde » que la lutte contre la malbouffe, pour l’agriculture bio et locale, pour l’isolation des logements, pour les mobilités, pour la mixité sociale, contre les perturbateurs endocriniens, etc. est le meilleur outil pour en finir avec ce cumul obscène des injustices sociales et environnementales qui affecte les plus vulnérables de nos sociétés.
C’est apporter la preuve par l’écologie populaire que notre projet est d’abord au service de ceux qui souffrent le plus des inégalités et qui ont perdu l’estime d’eux-mêmes, vite transformée en haine de l’autre.
Jamais dans notre pays et, aujourd’hui, quelques autres en Europe, l’écologie n’avait rencontré une telle occasion politique de démontrer sa capacité à conduire la transformation du modèle dominant en un projet à hauteur d’homme. Elle ne doit pas manquer ce rendez-vous en cédant au « complexe Mélenchon », qui pensait incarner la gauche à lui tout seul. L’écologie « identitaire », conçue comme la seule réponse aux maux de ce monde en péril, est un rêve irresponsable qui peut vite tourner au cauchemar politique.
Proposer une nouvelle alliance écologique et solidaire
L’urgence et la responsabilité exigent des écologistes qu’ils fassent le premier pas vers leurs alliés naturels pour leur proposer une nouvelle alliance écologique et solidaire capable de redonner espoir aux enfants de ce siècle, qui nous en veulent beaucoup d’avoir cédé à nos égoïsmes.
Ils devraient méditer cette phrase de Scott Fitzgerald dans Gatsby le Magnifique : « Apprenons à montrer notre amitié aux gens pendant qu’ils sont vivants et non quand ils sont morts ! » A bon entendeur…