Le 19 décembre 2013, je commettais une chronique d’une vulgarité sans nom, comment pouvais-je clouer au pilori un membre éminent et influent du Comité National vins de l’INAO ? Cet homme, désigné par la puissance publique pour défendre et promouvoir les appellations (les membres du CN de l’INAO sont nommés par les Ministres du Budget et de l’Agriculture) se permettait de leur chier dessus pour se faire plus d’oseille chez ces ignorants de chinois.
Sans être mauvaise langue, je le suis, la suite des événements a largement démontré que le boss des jurats de St Émilion, l’homme au petit sécateur, nichait à l’INAO pour mettre la main à la pâte de l’élaboration d’1 décret de classement des GC de St Emilion aux petits oignons, chouchouter les braves cons de la commission de classement, engranger le gros lot qui transforme le terroir en dollars.
Les appellations, lui, tout comme ses chers collègues des GCC, il s’en tamponne comme de son premier sécateur, leur château est une marque dont ils sont les propriétaires alors pourquoi ces emmerdeurs de la Direccte, fonctionnaires de surcroît, auraient l’outrecuidance de venir leur chercher des pous dans la tête. Z’ont qu’à s’occuper des naturistes en tongs !
Voilà le décor : le 19 décembre 2013 j’écrivais :
Comment se faire des couilles en or avec une cloche d’argent : les tribulations d’un GCC de Saint-Emilion en Chine.
L’étiquette ensuite : la Silver Bell a la gueule d’une Silver Bell donc pas grand-chose à se mettre sous la dent sauf que tout en bas la mention est très explicite : signé Hubert de Boüard de Laforest, of Château Angelus avec en prime la cloche du château l'Angélus.
Je suis très admiratif, vraiment c'est de la belle ouvrage, du cousu main, je trouve ça beau comme la ligne de défense de l’INAO au plan international « Touche pas à mes AOC ! » qui disaient les gars de Montreuil. Les pauvres, va falloir les recycler vite fait sinon on va se demander à quoi servent leurs ODG. Ne parlons pas du Comité National qui, en dehors de s’empailler sur la chaptalisation, sucre de plus en plus les fraises pendant que d’autres mettent du beurre dans leurs épinards.
Vive le droit des marques !
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Bien évidemment, mon libelle n’éveilla aucun émoi du côté de l’INAO et des gabelous, on ne touche pas à Hubert le cumulard !
Et puis, depuis quelques temps le vent semble avoir tourné, l’INAO est sorti de sa léthargie, les pandores de leur gendarmerie et les pieds plats de la Direccte de leur bureau chauffé.
Sur le Face de Bouc de Nicolas Lesaint, directeur technique du château de Reignac, je découvre un article du Journal Sud-ouest:
Comme il est pompé par lui je vous le livre en intégralité :
« Depuis quelques mois, un vent de panique souffle sur le vignoble. Les agents de la brigade des vins de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) ont visité des dizaines de châteaux et maisons de négoce, jusqu’aux plus prestigieux. Dans le viseur des limiers spécialisés dans la fraude dans le vin, l’utilisation des marques domaniales. Ou comment des noms de châteaux célèbres se retrouvent sur des étiquettes, même si le vin ne provient pas du domaine figurant sur le flacon…
Pendant longtemps, la filière bordelaise a veillé sur les attributs de son excellence. Baptiser une crème anti-âge grand cru, commercialiser le nom de Saint-Émilion ou accoler le mot Petrus sur une étiquette n’en contenant pas une larme, déclenche systématiquement une action en justice. Mais, parallèlement, depuis quelques années, fleurissent des étiquettes hybrides sur lesquelles figurent des références plus ou moins explicites à des domaines prestigieux, pour des vins souvent de qualité, mais issus du négoce ou de coopératives.
Le modèle vient de loin. Le premier à l’avoir éprouvé est le célèbre grand cru classé Mouton Rothschild. Dans les années 1930, le baron Philippe de Rothschild a eu l’idée de transformer son second vin, Mouton Cadet, en vin de négoce. Dès lors, le « petit mouton » n’avait plus rien à voir avec le nectar issu des vignes de la célèbre appellation de Pauillac. Aujourd’hui encore, la confusion amuse les initiés comme cet opérateur bordelais :
J’étais chez des amis en Suisse. Ils nous ont vanté un grand cru classé de derrière les fagots. Quand ils nous l’ont servi, c’était du Mouton Cadet ! Comme on est polis, on n’a rien dit ! »
Des dizaines de châteaux
Sauf que quatre-vingt-dix ans plus tard, le coup de génie du baron Rothschild a fait des émules. Premier à s’être lancé dans ce type d’opération ces dernières années, château Maucaillou, un très joli nom du Médoc, en Moulis. Il y a quelques années, il a créé son Bordeaux de Maucaillou : même logo sur l’étiquette, même typographie mais… du vin issu de coopératives.
Des dizaines de châteaux prestigieux ont, depuis, décliné leur nom en marque pour commercialiser des bordeaux, souvent excellents, mais qui ne sont pas issus des vignes auxquelles le château se rapporte. Sur les étals, on trouvera, par exemple, du Bordeaux de Gloria (un vin d’assemblage issu d’une collaboration entre château Gloria Saint-Julien et un négociant), un Esprit de Pavie (issu de raisins de vignes appartenant au propriétaire de Château Pavie, mais pas de celles du grand cru classé), ou encore, cette initiative du négociant Ginestet, qui a créé le Bordeaux de Larrivet Haut-Brion. Il assure bénéficier du « savoir-faire » des équipes de Larrivet Haut-Brion qui participent à la sélection des raisins. Mais ceux-ci ne proviennent pas du célèbre château en Pessac-Léognan.
Sur le bureau des gendarmes
Ces étiquettes, même si elles sont assorties de contre-étiquettes mentionnant un vin d’assemblage sont-elles de nature à tromper le consommateur non averti ? La justice, destinataire des procédures de la Direccte semble l’envisager pour certains cas. Plusieurs bouteilles sont déjà sur les bureaux des gendarmes, dans le cadre d’enquêtes préliminaires visant à s’assurer que les dites étiquettes ne relèvent pas du délit de « tromperie ». C’est le cas, par exemple, du Bordeaux de Larrivet Haut-Brion. Interrogé, le château n’a pas souhaité faire de commentaire. Quant à la Maison Ginestet, elle a tenu à préciser qu’elle ne faisait à ce jour l’objet d’aucune poursuite (ce qui est bien sûr exact).
Pascal Dourthe, le propriétaire de château Maucaillou confie avoir déjà reçu la visite des gendarmes.
J’ai été un des premiers à être contrôlé. Mon avocat me dit que je vais probablement être renvoyé devant le tribunal. »
Il est conscient que son destin judiciaire sera scruté de près. « J’ai alerté mes petits copains ». Plus de 500 000 bouteilles de Bordeaux de Maucaillou, très bien noté par les critiques, s’écoulent chaque année. « Au départ, je travaillais des raisins de mon autre propriété en Bordeaux supérieur. Puis, on a soigneusement sélectionné du vin de coopérative pour augmenter les quantités. L’idée était de créer un bordeaux de très haute qualité. C’était pas idiot », pense-t-il, assurant n’avoir jamais pensé « commettre une fraude ». S’il concède que « la Direccte m’a ouvert les yeux sur ce risque », il s’interroge : « Faut-il tuer la poule aux œufs d’or qui profite à tout le vignoble ? Grâce au travail des négociants, le Bordeaux de Maucaillou était plus connu en Asie que le château Maucaillou. »
L’alerte de l’Inao
L’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), le gardien des appellations s’est alarmé récemment. Dans une note, révélée par le site Vitisphère, il stipule que « la référence à un nom de château dans la dénomination du vin marque l’origine et l’appartenance ou la correspondance au château pour un consommateur raisonnablement averti » et que « lorsque les vins ne sont pas produits sur le parcellaire du château, mais résultent d’assemblages de vins de différentes origines, tel qu’un vin de négoce, ces constats pourraient qualifier le délit de pratique commerciale trompeuse sur l’origine du vin ».
Dans une revue spécialisée, Yann le Goaster directeur de la Fédération des grands vins enfonçait le clou, en février dernier. « Il est vivement recommandé de commercialiser sous une marque domaniale des vins exclusivement issus de l’exploitation qui les produit », écrit-il.
Les juges seront facilement amenés à considérer qu’un consommateur lambda assimile la marque domaniale et la marque du château qui porte le même nom. »
De son côté, le conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) assure « attendre les décisions de justice ». Toutes les subtilités des premières jurisprudences seront regardées à la loupe.
Depuis la visite des fraudes, le Bordeaux de Maucaillou s’est transformé en « B par Maucaillou ». « La langue française est bien faite », sourit Pascal Dourthe, estimant qu’en remplaçant le « de » par un « par », il ne sera plus possible de lui reprocher de laisser entendre que les raisins de son vin proviennent de son château.
L’Inao attaqué au tribunal administratif
La note de l’Inao (lire plus haut) n’est pas du goût de tout le monde dans le bordelais. Plusieurs instances, telles l’Union des maisons de bordeaux ont décidé de porter l’affaire devant le tribunal administratif.
Selon les informations de «Sud-Ouest», la date de l’audience n’est pas encore fixée. Quelle que soit son issue, elle ne devrait pas éteindre les procédures pénales en cours par ailleurs. Mais le bras de fer ne fait sans doute que commencer. La puissance d’une marque commerciale issue d’un domaine viticole semble séduire de plus en plus d’opérateurs. Par exemple, un château du bordelais a déjà accolé son nom à un whisky. Un autre envisage sérieusement de commercialiser des vêtements portant l’estampille de son domaine! »
Affaire à suivre !
L’INAO pourrait engager Me Morain qui connaît bien le terroir de Bordeaux.