Quand tu pètes plus haut que ton cul tu prends le risque de subir en retour une douche froide, en langage plus diplomatique c'est la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Le modèle champenois avec son kg de raisin, son S.V.C puissant, ses grandes maisons, son brut sans année, a permis à la viticulture de cette région de vivre des jours heureux, même les grosses coopératives : Nicolas Feuillatte, Jacquard ont copié-collé le modèle. Depuis quelques années une poignée de vignerons se sont défait des rets de ce modèle, ils voguent dans le nouvel univers des vins authentiques. Certaines grandes maisons ont senti le vent, elles produisent à côté de leurs cuvées à prix stratosphériques des cuvées flirtant avec le bio, le zéro dosage...
Les bulles plaisent, les manants du Prosecco, du Cava, taillent des croupières aux champagnes du bas ; les fameux millénium se lichent du Spritz, des pet'nat, des vins nus plein de gaz... On transgresse, on se fout des codes immémoriaux, on ne déguste pas on boit.
Bref, on aurait pu penser que ce nouveau marché intéressa les fameuses start up qui prolifèrent, durent le temps que durent les roses après avoir généreusement bouffé tout le pognon levé. Hé bien, non, c'est sur une vieille haridelle qu'un groupe de nouveaux riches s'est attelé. Ils ont créé une marque de champagne digitale, c'est chic et choc et, pour ce faire, ils ont levé un gros paquet de pognon.
Je vais vous en conter l'histoire, une histoire à laquelle je fus associé à l'insu de mon plein gré.
Exemplaire !
Acte 1 : Comme Macron m’a raclé ma CSG sans m’exonérer de ma taxe d’habitation je suis au regret de ne pouvoir mettre mon blé dans l’opportunité unique d'investir dans une maison de Champagne digitale Alain Edouard
Sur la Toile faut s’attendre à tout lorsqu’on est comme moi un VB, vieux blogueur, un VC, vieux con, un VD, vieux débile qui crache sa bile comme dirait l’immense Mimi, mais un qui a aussi le bras très long, un influenceur de Première League, un gars un peu lu.
Je vous livre, brut de décoffrage, sans commentaires, ça vaut mieux, le gars qui me donne du Jacques comme si nous avions gardé les vaches, ne doit pas me lire, la dernière proposition, qu’on vient de me faire, elle est tombée à 9 h 32 le 2 octobre
Bonjour Jacques,
Je me permets de vous contacter afin de vous soumettre un projet unique et atypique d'investissement : le champagne Alain Edouard !
**il reste mois d'1 mois pour participer à ce tour de 1,2M€, dont 800K€ sont commit (liste des investisseurs plus bas) **
Petite relance :
Bonjour Jacques,
Désormais 950k sont commit, 150k de plus depuis lundi.
Nous cherchons encore 250k€ pour compléter ce tour d'1,2M€ dont le closing est prévu fin octobre.
Je me tiens à votre disposition pour organiser un call avec Edouard - avant qu'il ne soit trop tard !
Très bonne journée à vous,
A bientôt j'espère.
Bien évidemment, que serais-je allé faire dans cette galère verbeuse, bourré jusqu’à la gueule d’un sabir marketing de sous-école de commerce, prétentieuse, et surtout pour moi totalement à côté de la plaque des nouvelles tendances dans les bulles.
Donc, je me contentai d’ironiser sur mon blog mais comme j’avais joint la fiche financière mon interlocuteur me supplia de retirer ma chronique :
« C’est très ennuyant pour Édouard qui ne souhaite pas que ces informations soient divulguées de cette façon.
Est-ce que vous accepteriez de retirer votre article ?
Ce serait une grande aide pour moi, ainsi que pour Édouard ! »
Bon prince, ne voulant pas la mort du pécheur j’ai retiré du fil de mon blog ma chronique.
Acte 2 : la bourrée auvergnate pour le retour du blida censé dépoussiérer le champagne
Et puis, la communication étant comme la bourrée auvergnate l’art de danser avec de gros sabots, la start-up vient de sortir du bois sans cette fois-ci avoir recours à mes services de grand influenceur.
« Oubliez tout ce que vous savez sur le Champagne. Finies les cuvées qui mélangent tant de crus qu’on s’y perd, finis les champagnes avec des surplus d’additifs, finie la consommation poussiéreuse et sacralisée datant d’un autre temps. Le Champagne EPC propose une nouvelle approche. »
Avec une telle accroche, voici la nouvelle façon de vendre du champagne d’EPC, une jeune start-up de Champagne, qui vient de lever 1,5 millions d’euros afin de financer son lancement. Xavier Niel (Kima Ventures), Cédric Siré (Webedia) et Cédric Sellin (Aruba Networks) font partie de ce tour de table. Le Groupe Richard est quant à lui distributeur partenaire du lancement. EPC est le fruit de la réflexion d’Edouard Roy, un entrepreneur passionné et de Jérôme Queige, développeur de marques en champagne (ex directeur commercial du champagne Jacquart). Edouard Roy, âgé de 28 ans, est fils et petits-fils de vignerons de Bethon. »
La suite ICI
Ça vaut le détour je vous assure.
C’est du lourd !
Comme le dit un commentateur « Rien de nouveau sous les ceps de vigne »
Un autre « J'ai rien compris ! Derrière ce gros bullshit marketing ils ne font au final que du champagne ?!
Mon moment préféré "proposer une nouvelle expérience de consommation pour libérer le champagne de ses codes" ... Magique »
Un dernier pour la route « Ces jeunes consommateurs commenceront dans des blidas et finiront dans des Zaltos... avec le temps. C'est la vie. Et comme ils partent "de loin" ils découvriront le grand frisson »
NB. Les blidas ... ce sont des petits verres sorte de verres à liqueurs... et les zalto , ce sont les verres que nous avons quand on vous venez..
« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. »
Cette petite phrase, oh combien d’actualité, est pourtant due à un homme politique. Elle est du petit père Queuille, en réalité Henri Queuille, plusieurs fois président du conseil (même pendant deux jours en 1950) et également ministre des finances et de l’intérieur sous la 3eme république. Il fut même ministre et secrétaire d’Etat plus de trente fois ! Un véritable professionnel de la machine politique, et sa fameuse petite phrase est incontestablement le fruit d’une expérience professionnelle riche.