Chez moi nous n’étions ni pauvre, ni riche, nous vivions simplement, mangions bien, j’ai été nourri avec attention, le pépé Louis était fier de ses bœufs, la mémé Marie et sa sœur la tante Valentine vêtues de leur éternel sarrau noir portaient la coiffe le dimanche, maman tirait l’aiguille jusqu’à pas d’heure, mon père s’échinait à faire vivre sa petite entreprise de travaux agricoles et de battages tout en étant un adjoint au maire, qui était une femme, actif.
Bref, lorsque dans la bouche de ce petit monde, j’entendais c’est : « un pauvre garçon ou une pauvre fille » nulle trace du fameux mépris de classe de nos fumeux sociologues ou de notre académicienne de gôche. Nous étions loin du « casse-toi, pauvre con ! » du petit Sarko.
Familier
Souvent précédé d'un adjectif possessif marquant la pitié, l'amitié ou une tendresse réelle ou feinte
Mon pauvre chou, ma pauvre petite, mon pauvre gars, la pauvre bête...
« Tu peux être content de toi, mon pauvre ami. Ton père a l'air fin devant ces Pluvignec, à qui tu as confié le soin de contrôler ses abus de pouvoir! »
H. Bazin, Vipère au poing, 1948, p.216
C’était une façon de les plaindre toute comme le brave homme, un brave garçon, une brave fille, de braves gens :
« Il y avait un peu de tout parmi elles, des coquines et de braves filles. Le niveau de leur moralité montait, d'ailleurs. »
Zola, Au Bonheur des dames, 1883, p. 686.
Mais, dans les deux cas, parfois employé, avec une nuance de supériorité condescendante de la part de celui qui parle, une marque le dédain, le mépris.
Pauvre type !
Cette « brave Oriane », comme il eût dit cette « bonne Oriane », ne signifiait pas que Saint-Loup considérât Mme de Guermantes comme particulièrement bonne. Dans ce cas, bonne, excellente, brave, sont de simples renforcements de « cette », désignant une personne qu'on connaît tous deux et dont on ne sait trop que dire avec quelqu'un qui n'est pas de votre intimité. Bonne sert de hors-d'œuvre et permet d'attendre un instant qu'on ait trouvé : « Est-ce que vous la voyez souvent? » ou « Il y a des mois que je ne l'ai vue »...
Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 100.
Je dois avouer que dans mon stock d’ « amis » sur Face de Bouc, certaines et certains que je connais bien sont passés du stade 1 au stade 2, après les avoir plaint j’ai envie de les remettre à leur place tant ils sont indigents d’esprit.
Si je m’abstiens ce n’est pas par charité chrétienne, j’en suis totalement dépourvu, mais parce que je me suis fixé comme règle de ne pas participer aux pugilats haineux qui fleurissent chaque jour sur la page de certains. Moi qui suis en vacances éternelles, avec du temps, je me dis que leur vie doit être d’une telle pauvreté qu’ils sont plus à ignorer qu’à blâmer.
Au-delà d’un certain degré de patience, je tire la chasse d’eau…
Bon dimanche !