Dans le temps, comme le disait le pépé Louis pour déplorer le modernisme qui avait rangé ses grands bœufs blancs au rang des accessoires inutiles y’avait dans notre vieux pays de vigne une hiérarchie bien établie : tout en haut les AOC, au-dessous les VDQS enfants de Philippe Lamour, puis en descendant encore les vins de pays et tout en bas les VCC, vins de consommation courante rebaptisés vin de table.
À l’intérieur des vins de pays y’avait trois catégories, ceux de zone, ceux de département et les régionaux, soit 152 en tout.
Les départementaux bébés de la coopération sudiste étaient considérés par les négociants comme le jaja en bib pour le populo, les régionaux dominés par la créature du Grand Jacques Gravegeal, les vins de pays d’Oc, se la jouaient déjà en petit frères des grandes AOC, enfin mes chouchous : les vins pays de zone.
J’aimais leurs dénominations : vin de pays des collines de la Moure, des côtes de Thongue, vallée du paradis, vicomté d’Aumelas, d’Urfé, des Allobroges, coteaux du Grésivaudan, des sables du Golfe du Lion, du Pont du Gard, du Mont Baudile, des coteaux de Peyriac, Saint Guilhem le désert…
Elles existent toujours mais on leur a accolé un sigle : IGP.
L’IGP ça sonne comme la GP, la Gauche Prolétarienne de Benny Lévy, de son frère Tony, d’Olivier Rolin, de Serge July, d’Alain Geismar, de Jean-Paul Cruse, de Jean-Pierre Le Dantec, de Robert Linhart.
La GP de La Cause du peuple de Jean-Paul Sartre.
Les « nouveaux barbares » étaient en retard ce qui leur laissait tout le loisir de contempler quelques beaux spécimens de petits culs des beaux quartiers qui cherchaient des mains prolétariennes, rudes et calleuses, pour connaître le grand frisson que seules les « larges masses », fleurant bon la sueur et le cambouis, pouvaient leur procurer. Ils ne raillaient pas, elles n’attendaient que ça. Les têtes d’œufs de la GP, sinistres, fuyaient le sexe considéré comme la faille suprême où la pureté révolutionnaire risquait de s’engloutir, se diluer, alors ils combattaient et réprimaient les délices de la chair comme l’opium des fils de bourgeois en quête de rédemption des maîtresses de leurs pères et des amants de leurs mères. Cet ascétisme ne pouvait que profiter à ceux qu’ils vénéraient : les prolos. L’érection des damnés de la terre en phares de la Révolution les plaçaient en position de se servir à volonté au grand festin du cul. Les sources de basse-police brodaient avec délectation sur les parties de jambes en l’air entre les belles héritières et la nouvelle race des élus dans les alcôves des grands appartements du Triangle d’or. On aurait cru qu’ils tenaient la chandelle les balourds des RG.
Je déborde, je déconne, je radote, je raconte un temps que les jeunes ne peuvent pas connaître même s’ils peuvent encore voir s’ébrouer sur les plateaux des médias l’un des derniers spécimens de ces visionnaires : l’incomparable Gérard Miller.
Laissons là ces détritus de l’histoire pour nous pencher sur le tombeau des vins de pays.
Pays, paysans, c’est dans l’air du temps, les vaches, les cochons, les couvées, les vertes vallées non glyphotasées, la nature, la bouse de vache, les cornes d’abondance, les vins nus, les carottes et les navets comme du temps du pépé, l’heure solaire, les toilettes sèches, le coq qui chante sur le tas de fumier, la vie rêvée.
Je n’irai pas à la Toussaint déposer un pot de géranium sur le tombeau des vins de pays car j’ai trouvé chez nos voisins helvètes un vin de pays de Suisse.
Historique en Suisse
Le système AOC viticole suisse est fort de 63 appellations placées sous la responsabilité des 26 cantons qui jouissent de leur autonomie dans les choix de mises en œuvre de la législation fédérale.
Ce système est-il suffisamment résilient pour faire face aux impératifs du marché constitué pour plus de 2/3 de vins importés?
Comment le faire évoluer dans le respect de nos valeurs communes, dans l’intérêt des producteurs actuels et futurs et en adéquation avec les attentes des consommateurs ?
Evolution des réglementations
La première réglementation fédérale visant à structurer la production viticole remonte à 1957 avec l’introduction du cadastre viticole. Il faudra attendre 35 ans pour qu’un système d’appellations d’origine soit introduit au niveau fédéral, suivant ainsi l’initiative de quelques cantons pionniers (GE, 1987). Dès 1992, les relations bilatérales engagées avec l’Union Européenne nécessitent une évolution plus régulière du cadre légal pour aboutir en 2008 à son renforcement. En 2018, la Suisse viticole compte 63 AOC fondées sur le droit fédéral et qui se différencient au plan cantonal selon les droits de coupage, les rendements et les pratiques œnologiques.
1957-1997 (40 ans)
1957 cadastre viticole (interdiction de planter en dehors du cadastre)
1979 teneur minimale naturelle en sucre des moûts
1993 AOC au niveau fédéral, indication de provenance, 3 catégories de moût
1995 contingents globalisés (1’700'000 hl/an)
1997-2010 (13 ans)
1997 AOP/IGP pour les produits agricoles, sauf le vin
2002 accord agricole avec UE : indications géographiques viticoles reconnues mutuellement, interdiction coupage avec vins étrangers.
2004 suppression des (simples) appellations d’origine (délai transitoire jusqu’en 2008)
2008 AOC = cadre fédéral avec législations cantonales, renforcement des critères VDP et VDT = législation fédérale (et cantonale pour VDP avec mention traditionnelle
2018
63 AOC en Suisse, législations cantonales. Critères de différenciation : coupages, rendements, pratiques œnologiques
2.2 Evolution possible dès 2022
Dans son exposé, Pierre Schauenberg, responsable Produits, Office fédéral de l'agriculture (OFAG), rappelle que la réforme proposée a été initiée par la Confédération notamment pour améliorer la compatibilité du système suisse avec celui des autres pays européens. Cette réforme prévoit l’introduction d’une nouvelle classification des vins suisses à partir de 2022, fondée sur le système européen des indications d’origine (IG) :
Vins avec IG
Avec appellation d’origine protégée (AOP)
Avec indication géographique protégée (IGP)
Vins sans IG
Les vins suisses rejoindraient ainsi le système de classification en vigueur pour les produits alimentaires d’origine agricole, utilisé en Suisse depuis 2007.
La Suisse va-t-elle elle aussi succomber au mal des sigles ?
J’en ai bien peur !
En attendant ce jour funeste je me replie sur le Domaine de Chèrouche qui, avec les noces de la Madeleine « argnou » 2016 vin de pays suisse, m’enchante, me régale, m’extasie, me fait toucher du palais le paradis.
Un rouge extraordinaire... Assemblage de Gamay et Pinot Noir au fruit délicat et à la matière presque vaporeuse.
C’est mon chouchou !
Tout petit domaine mais très grande renommée !
« À peine deux hectares de vignes situées dans la région du Valais (Suisse) à une altitude d'environ 650m; travaillées de manière entièrement naturelle par Marc Balzan et Andrea Grossmann; couple de talentueux vignerons adeptes de la biodynamie.
On ne saurait dire si travailler les vignes ici relève de la passion ou de la folie (ou des deux !) mais ce qui est certain c'est qu'il faut un courage à toute épreuve pour piocher, entretenir les murets de pierre sur des pentes à 35°; dans une zone où les températures dépassent parfois les 40° en été. »
LES VIGNES
LES ACTEURS
Adresse
Domaine de Chèrouche
Chemin de Brohenne 11
1966 Argnou