Dans La cuisine de l’exil de Stéphanie Schwartzbrod chez Actes Sud on peut lire dans l’avant-propos : « quand on quitte un pays, la cuisine est peut-être la chose la plus facile à transporter. »
Ce qui l’intéresse « … c’est la façon dont chacun trace un portrait de la France dans sa manière de la regarder et de l’éprouver, et comment celle-ci, au fil des témoignages, transparaît. »
« … c’est le rapport à l’exil, à cette dualité, cette vie comme raturée… Tout au long de ces témoignages, on entend souvent les mêmes réflexions revenir, comme si, que l’on soit riche ou pauvre, parti dans de bonnes conditions ou non, cet exil traçait chez chacun un même sillon. »
L’exil la touche, moi aussi, même si comme elle je ne viens pas d’ailleurs… le monde est pour moi sans frontières.
Par amour, pour accomplir leurs rêves, pour fuir la dictature ou la misère, ils ont quitté leur pays. Venus d’Europe, d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient, des États-Unis – des années 1920 à nos jours –, c’est en France qu’ils ont posé leurs valises, laissant derrière eux leur enfance, leur famille, leurs repères pour découvrir un univers inconnu, parfois fantasmé, et se confronter à une nouvelle réalité. Déracinés, comme coupés en deux, c’est souvent par la nourriture, les recettes emportées dans leurs bagages, qu’ils ont pu retrouver une part de leur passé, de leur culture, et se réapproprier leurs vies.
À travers vingt-quatre témoignages d’hommes et de femmes, chacun suivi de cinq recettes emblématiques du pays concerné (et d’adresses où se procurer les ingrédients les moins communs), ce livre parcourt la grande Histoire, les époques et les continents, mettant en lumière notre richesse multiculturelle. Il invite à découvrir l’altérité dans ce qu’elle a de plus convivial : les plaisirs de la table.
J’ai choisi l’URUGUAY d’Anna Karina.
le 1 juillet 2018 j'écrivais :
L’Uruguay, pays de tous les exils ?
« L’histoire de l’Uruguay est celle d’un pays aux exils multiples. Autrefois « Suisse » d’une Amérique rêvée par des millions d’européens partis en quête d’une vie meilleure, le pays a par la suite joué le rôle capital d’espace-refuge lorsque l’Europe connut ses pires drames (la guerre civile espagnole, la répression franquiste, la seconde guerre mondiale) avant de devenir à son tour, à la fin du même siècle, le théâtre de la tragédie de la dictature et de la répression organisée au sein du Plan Condor. Dans ce contexte, c’est au tour des uruguayens de s’exiler massivement vers les pays de l’aïeul européen : l’Uruguay de l’accueil devient celui de l’ostracisme. Ces différentes facettes de l’exil sont au cœur des œuvres de José Mora Guarnido, Carlos Liscano et Marisa Silva Schultze, des écrivains qui ont connu de façon directe ou non l’effet de ces itinéraires transatlantiques, des contraintes des dictatures et des répressions. Dans leurs œuvres, ils ont choisi de mettre en scène cette condition de l’exilé « en » ou « depuis » l’Uruguay, ces voyages et expériences d’une rive à l’autre de l’Atlantique, contribuant ainsi à façonner une pensée de l’exil uruguayen. »
Novembre 1979 URUGUAY-ANNA KARINA
« L’Uruguay est un pays éminent européen. Comme le dit bien Borges, on ne descend pas des Indiens, on descend du bateau… non pas des colons espagnols mais des mêmes bateaux qui accostaient à Long Island, à New-York, à la fin du XXe siècle, en provenance d’Italie, d’Espagne, d’Irlande… C’était exactement la même immigration, le même melting-pot : des Européens crevant de faim en Italie ou en Irlande s’enfuyant pour une vie meilleure. Mais arrières-grands –parents venaient d’Espagne et d’Italie… »
« L’Uruguay, c’est un tiers de la superficie de la France avec trois millions d’habitants, une étendue vide avec beaucoup de terre et du bétail, une classe moyenne éduquée très importante, une grande tradition démocratique, une Constitution basée sur la Constitution française et le droit de vote pour les femmes avant qu’il ne le soit en France. »
« Ma mère éprouvait un amour inconditionnel pour la France. On a vraiment été élevés avec une image magnifiée de la France. La France c’était le paradis ! Mais je n’ai pas été émerveillée par Paris, je trouvais la ville tellement grise, il faisait froid et je n’avais pas envie d’être là… »
« À l’école, je détonnais car j’avais des cheveux très frisés, je venais d’un pays que personne ne connaissait, je parlais parfaitement français et je ne faisais aucune faute aux dictées Je ne ressemblais pas du tout à l’image des Indiens que se faisaient les Français… Mon père disait toujours : Vous voudriez quoi ? Qu’on arrive avec des plumes ?
« Aujourd’hui, j’ai la sensation d’être un vrai produit français, d’avoir été façonnée par l’école républicaine et laïque. C’est l’école qui m’a emmenée à la montagne, au musée, au théâtre, qui m’a fait découvrir la littérature, ce ne sont pas mes parents. J’ai découvert la peinture grâce à l’école et cela a été un choc esthétique qui m’a bouleversée. »
LA CUISINE
« En Uruguay, il y a deux choses importantes : la viande et les racines italiennes. On se dispute le fait d’avoir la meilleure viande avec l’Argentine comme on se dispute Carlos Gardel. Elle n’a pas vraiment le même goût. Mais on mange aussi des pâtes fraîches, des gnocchis, de la pizza… Si je veux retrouver les goûts de l’Uruguay, il faut que j’aille dans une épicerie italienne.
J’ai toujours mangé de tout et pour cela la France a été un cadeau… J’ai découvert le fromage que j’ai tout de suite adoré. La nourriture française a été un enchantement… »
« Je sais faire à manger avec ce que j’ai sous la main et ça, je le tiens de ma mère. Je ne fais pas beaucoup de cuisine à la française. Je mélange… »
« Quand je retourne chez mes parents, je sais que ma mère va me préparer du riz au lait car c’est le dessert de mon enfance. »
« Autre chose importante, le maté, une boisson très amère. En Uruguay, elle rythme la vie et tient une large place dans la vie quotidienne. C’est une boisson qu’on se passe, on boit tous à la même « tasse ».
TRANSMISSION
« Je me rends compte que j’ai beaucoup transmis l’Uruguay à mes enfants. »
CONCLUSION
« L’endroit où il y a tout n’existe pas. Même mes enfants ont du mal à dire quel est leur pays. Et ce n’est pas grave. Et c’est tant mieux. Cet endroit dont je pourrais dire c’est ma terre n’existe pas. Je n’éprouve aucun sentiment d’identité nationale et cela me réjouit. »
Bien sûr dans les recettes j’ai choisi les GNOCCHIS DE POMMES DE TERRE.