Qu'est-ce qui j'y peux ?
Pour moi, Peyrefitte, Alain, bien sûr, pas Roger – il changea de prénom afin d'éviter la confusion avec son présumé et sulfureux cousin – reste, à tout jamais, le Ministre de l'Information de Pompidou - quatre années de poigne de fer sur l'ORTF - et le calamiteux Ministre de l'Education Nationale de mai 68.
Avec ses sourcils à la Méphistophélès, ses oreilles en feuilles de choux, sa voix cassante, une mauvaise foi en béton, et un côté très prononcé pour l'échine souple, il avait tout pour me déplaire.
Wiaz [Peyrefitte poursuit Le Monde] Vers 1980
Cette caricature du Garde des Sceaux Alain Peyrefitte en molosse s'accompagne de la représentation traditionnelle de la censure : les ciseaux d'Anastasie.
Et pourtant, le maire de Provins, était un érudit, anthropologue au CNRS, normalien et énarque, qui saura, au travers de 18 séjours en Chine, pressentir l'énorme potentialité de ce pays qui semblait à tout jamais englué dans un régime communiste culminant dans le non-sens et la sauvagerie avec sa Révolution Culturelle instillée par madame Mao Tzé Dung et qui ne faisait fantasmer qu'une poignée de post-soixante-huitard parisiens de la Gauche Prolétarienne.
Pied de nez de l'histoire, ce godillot de luxe, succédera à l'Académie Française, à Paul Morand que le Général avait privé de fauteuil pendant plus de dix ans avec la complicité de Mauriac. Bref, Peyrefitte nous a quitté en 1999 et, c'est fait, la Chine s'est éveillée avec fracas.
Aujourd’hui Yves Montenay écrit :
L’époque est à la crainte de la Chine. C’est un peu tard à différents sens du terme. C’est un peu tard par ce qu’il y a longtemps que nous aurions dû nous réveiller. Mais c’est un peu tard aussi parce que notre crainte de la Chine est de moins en moins justifiée au fur et à mesure que ses fragilités s’accentuent. D’ailleurs la parole chinoise est maintenant beaucoup moins brutale et se veut séduisante.
L’OCCIDENT A TARDÉ À COMPRENDRE LA RUINE DE LA CHINE PAR MAO
Beaucoup imaginaient que la prise de pouvoir des communistes en 1949 allait enfin mettre de l’ordre dans ce pays déchiré par la guerre civile et ruiné par l’invasion japonaise. Pas du tout : derrière une campagne de communication à destination de l’Occident pour donner une image raisonnable du nouveau régime, avait lieu une sévère répression avec 5 millions de propriétaires terriens exécutés, puis, en 1957, la campagne des « Cent fleurs » pour que les opposants se démasquent et soient ensuite éliminés…
Puis « le grand bond en avant » (1958-60), regroupement des kolkhozes en immenses exploitations censées s’industrialiser, fut de nouveau bien vendu à l’Occident, alors que les dirigeants en connaissaient l’échec et éliminaient Mao en mai 1961.
Enfin « La révolution culturelle » (1966-76) fut vécue avec enthousiasme à Saint-Germain-des-Prés alors qu’il s’agissait d’une reprise sanglante du pouvoir par le même Mao détruisant ce qui restait de l’économie, de l’enseignement et de pans entiers de la civilisation chinoise. Dans Une vie chinoise, un ancien garde rouge raconte qu’il paierait très cher aujourd’hui pour récupérer un morceau des multiples chefs-d’œuvre qu’il avait détruits alors. La Chine était tombée à un niveau de pauvreté extrême.
Je ne résiste pas au plaisir de citer cette anecdote :
Dans un recueil d’essais paru en 2012, intitulé « le studio de l’inutilité » Simon Leys revient par exemple sur le voyage en Chine, en avril-mai 1974 (trois ans après la parution des ‘habits neufs), des intellectuels liés à la revue Tel Quel, dont Roland Barthes.
Une visite dont il souligne qu’elle avait coïncidé avec une purge colossale et sanglante, déclenchée à l’échelle du pays entier par le régime maoïste.
Simon Leys garde une plume féroce :
« Le spectacle de cet immense pays terrorisé et crétinisé par la rhinocérite maoïste a-t-il entièrement anesthésié sa capacité d’indignation ?
Non, mais il réserve celle-ci à la dénonciation de la détestable cuisine qu’Air France lui sert dans l’avion du retour : Le déjeuner Air France est si infect (petits pains comme des poires, poulet avachi en sauce graillon, salade colorée, chou à la fécule chocolatée – et plus de champagne !) que je suis sur le point d’écrire une lettre de réclamation. (C’est moi qui souligne.) [...] Devant les écrits chinois de Barthes (et de ses amis de Tel Quel), une seule citation d’Orwell saute spontanément à l’esprit : « Vous devez faire partie de l’intelligentsia pour écrire des choses pareilles ; nul homme ordinaire ne saurait être aussi stupide. »
ET A TARDÉ ÉGALEMENT À COMPRENDRE SON REDRESSEMENT
Les réformes de plus en plus libérales (par rapport à l’époque Mao) conduisirent à un rattrapage tout à fait normal. Le reste du monde vit d’abord dans la Chine un réservoir de sous-traitants bon marché, puis « l’usine du monde » puis, en exagérant à peine, « le nouveau modèle économique mondial » destiné à abattre des démocraties cafouilleuses, tant économiquement que militairement et culturellement.
Avec à chaque fois un temps de retard : les sous-traitants se révélèrent des entreprises dynamiques et certains sont maintenant des géants, « l’usine » se révélait de plus en plus qualifiée, lançait des entreprises mondiales, couvrait la mer de Chine du Sud de navires militaires et menaçait Taiwan. D’où un mélange d’admiration et de crainte qui est en gros l’état d’esprit actuel.
… ET ENFIN À EN RÉALISER LES LIMITES
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