Depuis quelque temps le dimanche c’est ainsi, je tire sur les fils de l’écheveau de mes souvenirs sans trop savoir où ça me mènera, d’ailleurs peu importe où ça me mènera, l’important c’est que je puisse tisser une chronique avec une queue et une tête.
« Voilà comme je suis fait, ce n'est pas être bien fait sans doute, mais que voulez-vous? La faute en est aux dieux, et non à moi pauvre diable qui n'en peux mais ; je n'ai pas besoin de réclamer ton indulgence , mon cher Silvio , elle m'est acquise d'avance, et tu as la bonté de lire jusqu'au bout mes indéchiffrables barbouillages, mes rêvasseries sans queue ni tête ; si décousues et si absurdes qu'elles soient, elles t'offrent toujours de l'intérêt , parce qu'elles viennent de moi, et tout ce qui est moi, même quand cela est mauvais, n'est pas sans quelque prix pour toi. »
Théophile Gautier - Mademoiselle de Maupin : double amour – 1837
Ça me vient souvent sur mon vélo, alors je m’arrête, pose pied à terre, me gare dans le caniveau, sors de mon sac mon petit carnet et griffonne l’idée qui m’est passée dans la tête ; à nos âges la mémoire parfois est bien volage.
Arno, Bashung, Cohen c’est A, B, C… les 3 premières lettres de l’alphabet.
Eurêka j’ai trouvé…
Me reste plus qu’à broder avec mes bobinettes de fil…
A
Arno, est toujours vivant toujours doté de son humour ravageur « Ce qui est bien avec les strings, c’est que quand tu en mets un à l’envers, tu t’en rends même pas compte. »
- Bashung, auquel on vous compare souvent ici, a chanté Ostende, votre ville natale. Et vous, seriezvous prêt à rendre hommage en chanson à la sienne, Strasbourg ?
« Pourquoi pas, si on met le prix, je suis ouvert comme une vieille pute, je fais tout du moment qu’on me paye. C’est le lot des chanteurs de charme ratés… »
Le voilà mon fil rouge baiser Ostende
Arno Comme à Ostende signé par Jean-Roger Caussimon et Léo Ferré, superbe chanson.
Arno au festival des Nuits secrètes.
B
Et bien sûr je noue mon fil rouge baiser avec un fil rouge garance :
Alain Bashung – Ostende
« A Ostende, je tire au stand ». Il ne retient d’une plage de Belgique qu’une fête foraine fictive. C’est le pouvoir des toponymes. On n’est pas loin des vers équivoqués d’Alphonse Allais ou de Victor Hugo : « Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime, galamment de l’arène à la tour Magne, à Nîmes ». D’ailleurs on est sûr que la référence à Allais plairait beaucoup à Jean Fauque... « A Ostende » reprend le thème dylanien de « Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again » : on n’est jamais bien là où l’on est (naît), l’herbe est toujours plus verte de l’autre côté de la vallée : « A Ostende, j’aime Gibraltar, à Ostende, j’aime, Epinal, à Oslo, j’aime Agadir ». Quand on est en Suède, on regrette le Maroc, et réciproquement. « A Java, j’aime la Villette ». En Russie, on voudrait le Portugal : « En Ukraine, j’aime le fado ». Des jeux de mots basés sur des glissements phonétiques : « Et je pleure mon collyre, ma colère »
Mine de rien, ce lyrisme emprunte à Alfred de Musset : « Flottes hippocampes, droits comme des i », cela rappelle la fameuse « Ballade à la lune » : « C’était dans la nuit brune, sur le clocher jauni, la lune, comme un point sur un i »
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Les souvenirs sentimentaux restent lapidaires. Cette retenue dit la pudeur : « A Ostende j’ai la hantise de l’écharpe qui s’effiloche à ton coup ». On a l’impression que le texte est né d’un souvenir raconté, qu’on n’en a gardé qu’un tout petit détail, on n’a pas voulu laisser émerger le reste.
Publié le 26 octobre 2009 par Johnny Mitchell BASHUNG DANDY FULIGINEUX ICI
C
Avec Leonard je brode ma chute avec du fil noir…
« Je suis traducteur de profession. Quand je ne traduis pas, je suis aussi un fan un peu obsessionnel de Leonard Cohen. Donc je traduis parfois des textes de Leonard Cohen, juste pour moi, juste comme ça, pour sentir leur musicalité, pour me plonger plus profond dans leur langue à la fois cryptique et lumineuse, pour me trouver plus heureux encore de ne rien faire de ces traductions quand je comprends à quel point elles sont bancales, lourdes et impuissantes face aux images fabriquées par Cohen. J’écris cette chronique dans le train entre La Souterraine et Paris, Leonard Cohen est mort et j’écoute «Suzanne» par Alain Bashung, en français. Je crois que c’est la dernière reprise qu’il avait enregistrée avant sa disparition et je pense à Bashung et Cohen en faisant résonner dans ma tête l’entêtante mélodie circulaire de ma phrase préférée: «Maintenant tu n’as plus peur de voyager». Un vers de Graeme Allwright pour un autre qui disait «And you want to travel blind», un vers comme le cœur battant de la célèbre adaptation d’une des chansons de langue anglaise préférées des Français, un vers comme un miroir d’une œuvre polymorphe et fuyante. »
Felix de Montety — 14 novembre 2016
Arno avait accepté de reprendre la version française de "The Partisan", célèbre titre de Leonard Cohen pour un docu-fiction de 2x90 minutes diffusé sur France 2 en prime time, et en série documentaire historique de 4x52 minutes pour France 5, "La Résistance"
Malheureusement je n’ai pu retrouver une vidéo de ce moment.