Dans le débat obscur sur : faut-il cesser de manger de la viande afin de sauver notre planète, où ce mot valise recouvre la rouge, celle des bovins ruminants et dégazant, les plus claires celles des ovins, porcins, caprins, volailles et autres volatiles domestiques ou sauvages, j’avoue qu’en dernier recours seules les cochonnailles, affreusement mauvaises pour la santé, seraient pour moi dignes d’être sauvées.
Mes envies de pieds de cochon nature sont irrésistibles !
Porcus Sapiens
« Les créateurs à l’extérieur regardèrent du cochon à l’homme, puis de l’homme au cochon et à nouveau du cochon à l’homme, mais il était impossible de distinguer l’un de l’autre. »
Georges Orwell Animal Farm chapitre 10, 1945
Revenons au sujet du jour, le palais porcin, saviez-vous que la langue de porc est dotée de d’environ 19800 papilles gustatives alors que les humains en ont environ 10 600.
Cela signifie que le cochon peut percevoir environ 50 % de saveurs de plus qu’un humain grâce aux papilles gustatives situées au fond de sa gueule, et plus de 200% grâce à celles qui sont situées au bout sa langue.
Pas étonnant que ma copine Isabelle la cathodique qui est folle du cochon ait baptisé son blog : le bout de ma langue.
Et pourtant, nos scientifiques si friands d’étude ne se sont jamais penché sur le sujet du sens du goût du cochon.
Tout ce que l’on sait c’est que le cochon est connu pour aimer le goût sucré (la parkérisation, quoi) puisqu’il boit jusqu’à 6 fois plus d’eau que la normale si on y ajoute une petite proportion de sucre.
Une expérience a été réalisée en 1990 pour mesurer le sens du goût plus affiné des cochons. Elle visait à tester une gamme de 13 substances paraissant sucrées aux humains. Les cochons, quant à eux, ont considéré que seulement trois d’entre elles étaient vraiment sucrées.
Fort bien me direz-vous, mais si le cochon surpasse les grands amateurs pour la phase gustative, qu’en est-il de son sens de l’olfaction ?
Le groin, le nez plat du goret est constitué de cartilage et d’une multitude de filaments nerveux. Il est très bien irrigué par les vaisseaux sanguins sous une peau fine très tactile avec beaucoup moins de poils que le reste du corps. Le résultat donne une extrême sensibilité, aussi bien au toucher qu’à l’odorat.
Les porcs sauvages en font très bon usage : ils doivent détecter leur nourriture au ras du sol, sous une végétation et des feuillages plus ou moins épais, et quelque fois même sous le sol lui-même (comme lorsqu’ils déterrent les truffes – une spécialité porcine bien exploitée par les propriétaires humains dans beaucoup de pays d’Europe)
Le groin est si sensible qu’on a suggéré qu’il pouvait contenir autant de récepteurs sensoriels que les deux mains des humains.
Pas étonnant que ma copine Isabelle la cathodique, encore elle, soit fan du bouiboui la Pointe du Groin, 8 Rue de Belzunce, 75010 Paris et j’ose, rien pour elle, de saluer son copain Nicolas Dugrouin.
Source : Les Miscellanées de Trott le cochon
La conclusion de cette chronique en tire-bouchon comme la queue du cochon, ne pouvait que revenir à un Contrepied (de cochon) de Philippe Meyer.
Il est écrit : « l’homme ne vivra pas seulement de pain » et l’homme, en effet, étale sur ses tartines des rillettes d’oie, de langue de veau, de cuisse de chapon, à moins que ce ne soit de la terrine de lapin, de la mousse de foie de canard, des rillons, des grillons, des grattons, des frittons ou des chichons. Puis, son appétit ouvert, il mord dans quelques tranches de saucisse sèche finement découpées, s’attable devant un jambon en croûte, ou un boudin aux deux pommes ou une andouillette à la poêle, au four, grillée, en papillote ou à la ficelle. (J’ai connu et fréquenté à Paris, passage de la Bonne-Graine, un restaurant qui avait à son menu sept variétés d’andouillette différentes : de Troyes, de Jargeau, de Cambrai, de Lyon, de Rouen, à la provençale, de l’Argoat.) Pressé un jour d’expliquer à des habitants d’Atlanta (Géorgie) quel était ce mets dont l’anglais n’offre pas de traduction, je soutins qu’il s’agissait tout simplement d’une preuve de l’existence de Dieu.
Il devient de plus en plus difficile de réunir ces preuves. Dans la capitale, le plus réputé des marchands de boudin a cédé la place à un vendeur de bijoux fantaisie que les touristes s’arrachent. Le plus estimé débit de francforts, de jarret, de montbéliards et de palette s’est mué en épicerie coréenne. L’impératif social catégorique de la minceur est venu à bout d’autres échoppes où pendaient les trésors de la salaison…
Chaque troisième dimanche de novembre, sans interruption depuis 1808, en l’église Saint-Eustache, dans l’ancien quartier des Halles, on célèbre la messe du souvenir des charcutiers. La confrérie de Saint-Antoine s’y rassemble pour honorer la mémoire de ses membres décédés dans l’année, avant d’offrir aux fidèles un savoureux buffet dressé dans l’abside et arrosé de vin nouveau. Il y a fort à craindre que ce pieux rassemblement ne serve bientôt plus qu’à pleurer la disparition de leur art, celui des anciens chaircuitiers, dont la profession fut si opulente qu’elle fit ériger un immeuble entier, rue Bachaumont, à quelques pas des regrettés pavillons de Baltard. L’entrée en est ornée de somptueuses plaques de marbre gravées à l’or fin encadrant un majestueux escalier de chêne à double volée surmonté d’un vitrail à la gloire de l’aimable métier de ceux qui firent bâtir ce temple. On ne visite pas : l’endroit a été vendu à une agence de graphisme : O tempora, o mores, sic transit gloria porci.
Toutefois, une lueur d’espoir brille dans ces ténèbres. La locavoracité ne se limitant pas aux légumes, on voit de plus en plus d’éleveurs offrir des produits de leur façon. Ventrèche, saucisses, fricandeaux, jambonneaux, coppa, pâté de tête : bien des paysans ont su trouver les moyens de valoriser leurs troupeaux de cochons en transformant eux-mêmes leurs bêtes. Le surcoût dû à l’expédition est raisonnable pour peu que la commande soit de conséquence, et, compte tenu des prix pratiqués sur les lieux de production, on peut considérer que l’amateur paierait plus cher les mêmes produits achetés dans une charcuterie en ville, à condition qu’il en trouve une qui ne se soit pas transformée en fournisseur de sandwiches pour hipsters. Hélas, la multiplication des normes menace sournoisement ces producteurs locaux qui voient le glyphosate autorisé tandis que le poids de sel entrant dans leurs préparations fait l’objet de contrôles tatillons. Allez prouver l’existence de Dieu avec du jambon sous cellophane.