Des esthètes…qui ont du goût s’interroge Marwan Cherry le négociateur.
- Des esthètes qui pissent dans des bouteilles à Quatre cents dollars lui rétorque Jackie Chan chef de la brigade.
C’est le ton du trépidant roman noir, affûté comme une lame de Céline Minard : Bacchantes
"Bacchantes", Céline Minard
(Rivages - 106 pages - 13.50 €)
Un ton que je connaissais après avoir lu son Bastard battle
11 août 2014
« L’eau étant putride, nous fîmes à Gevrey et Chambertin provende de vin… » Denysot-le-clerc ramassé deux mois devant le clos des Riceys…
« Bastard Battle » est « jouissif, truculent et grand guignolesque à souhait, qui ne laisse aucun répit au lecteur et n’oublie même pas d’être drôle. Ciselé avec passion et précision, à la manière d’une miniature médiévale. Un livre vivant, qui le reste longtemps après la dernière page tournée… »
Empruntant vocabulaire, orthographe et syntaxe au moyen français, elle recrée un parler médiéval émaillé de touches d’anglais, d’espagnol, d’allemand [la majorité des personnages sont des mercenaires venant de tous horizons], un faux vieux français qui sonne juste et étaie la construction d’un imaginaire universel. Fortement évocatrice et curieusement poétique, truculente à souhait, la langue est finalement le personnage principal de Bastard Battle, déstabilisante au premier abord mais - pour peu qu’on se laisse porter - tout à fait compréhensible, notamment grâce au parti pris très visuel de la narration.
« … Je portai un muid de Gevrey dont je fis sauter le couvercle et les vapeurs espicées me plongèrent dans un charmement délicieux, il me fallut tenir de sauter dans le vin… »
« Enguerrand et le sabreur, tous deux accroupis en tailleur dans un coin de la salle, buvaient en se tendant tour à tour le gobeau, sans parler… »
« Lors puisant une fois encore dans le muid de Gevrey, haut les gobeaux, entrechoqués, nous portâmes la plus belle bride de la soirée, à nous aultres nous-mesmes… »
« Ainsi fut-il, et ainsi en nos murs, aux aguets, aux manœuvres, passa le mois de septembre mil quatre cent trente-sept et la saison de vendanger.
Les raisins du coteau des Poutils, moy et Pierrot Fagotin et mes aultres gens de bonne boyte, nous les avions ramassés pour presser et faire ce que nous disions le premier cru de coste-grillée, eu égard à la poterne grillagée qui nous donnait accès aux vignes. »
En lisant Bacchantes j’ai pensé à Jean-Bizot.
« ECWC est la cave de garde la plus sécurisée de Hong Kong. Installée dans les anciens bunkers de l’armée anglaise, elle attire les collectionneurs depuis des années. Des chinois, des Européens et des Américains avertis ont confié leurs vins aux bons soins de M. Coetzer, ancien ambassadeur sud-africain reconverti dans la gestion de la vitiviniculture. Ses talents de diplomate sont venus à bout de leurs dernières réticences, essentiellement liées au climat de la baie. Le système de climatisation multizone dont il a équipé les douze bunkers de son entreprise, à hauteur de trente millions de dollars, assure une température constante de 13 à 13,5 degrés Celsius et un taux d’humidité compris entre 65 et 75%. Un éclairage ponctuel par lampes à sodium basse pression et un système de sécurité dérivé du secteur bancaire ont convaincu les connaisseurs les plus sourcilleux. Des bunkers enterrés à plus de vingt mètres de profondeur ne laissent passer ni vibrations ni lumière naturelle. Les bouteilles vieillissent mieux un environnement physique optimal. Physique et fiscal.
Grâce aux mouvements de stock rapides et discrets, au club privés et aux soirées à thème réservées aux membres Gold et Platinium, la clientèle d’Ethan Coetzer a très vite dépassé la sphère de ses contacts personnels.
En dix ans, il a fait de si belles et fructueuses rencontres que la valeur de son stock est estimée à trois cent cinquante millions de dollars et, jusque-là, il s’en est félicité.
Ce sentiment l’a quitté depuis soixante et une heures et a laissé un grand vide dans son esprit »
Pourquoi ?
Un mystérieux trio féminin braque une prestigieuse cave-bunker... Pour le vin ? Pour la gloire ? Un trépidant roman noir, affûté comme une lame. ICI
« L’enquête policière et l’épilogue de l’affaire apporteront quelques réponses — pas toutes, bien sûr… —, mais l’attente du dénouement n’est pas ce qui captive, dans ce roman fulgurant, intense et ludique. Un authentique engin (littéraire) explosif…
Céline Minard « y met plus que du brio : une énergie hyperbolique, une élégance inouïe, une aptitude époustouflante à construire une phrase qui dans un même mouvement épouse la beauté du monde et en révèle la noirceur. »
« Bacchantes », le bon millésime de Céline Minard
Céline Minard ne s’embarrasse ni du pourquoi ni du comment ; la narration se mène sans flash-back au présent immédiat d’un braquage peu ordinaire, jusqu’au dernier souffle, celui de l’explosion finale, qui laissera le lecteur sans nouvelles des protagonistes, dont ne restent que les traces subversives, fin de partie. A lui, s’il insiste, d’imaginer les épisodes précédents ou les suivants. Il peut aussi se contenter du spectacle ironique d’une économie ruinée par trois « folles dingues » très organisées – et plus rationnelles que les conseillers en systèmes de sécurité et autres négociateurs de crise.
D’une écriture vive et acérée, mais non sans en rire, et en s’autorisant aussi une célébration lyrique du divin breuvage : « A partir de ce moment et jusqu’à la fin de la carafe, Coetzer se suspend. Il se contente de goûter le vin (…), il sent la forme des nuages, le cri des bêtes et les plumes, le départ d’un lièvre, la nuit comme une vasque, sans dessus ni dessous, aussi vaste en lui qu’un état de l’âme et du cœur. Il plane. Il absorbe autant qu’il est absorbé. »
Braquage loufoque à Hong Kong
L’imagination folle de Céline Minard lance une bombe, une brune et une clown à l’assaut d’une cave à vin.
Les romans de Céline Minard sont tranchants, coupants, explosifs. Ils vous secouent par leur énergie combative et leur humour. Il est souvent question d’héroïnes armées, impitoyables et drôles. Bacchantes met en scène trois guerrières follement colorées en train de braquer une forteresse plutôt masculine comme l’indique son nom: «bunker alpha».
Note du Taulier
Céline Minard, boit que du bon, elle a sûrement une bonne descente, lorsque Coetzer réclame une poire pour se remonter le moral, ses ravisseuses déjantées lui rétorquent :
« Besoin d’un remontant ?? Envie d’usiner ? Binner, Mayer, Cazottes, Rose Guala ?
Spécial vins : passions hongkongaises
Idylle. L'ex-colonie britannique devient une plaque tournante des grands crus, surtout français, entreposés dans d'anciens bunkers ultra-sécurisés. Par Margot Clément le 13/09/2016