Voilà t’y pas que pendant le Salon des vaches, cochons, couvée mais aussi des médailles en chocolat du Concours Général, monsieur Xavier Planty copropriétaire de Château Guiraud se fend d’une tribune dans le Monde « C’est une grave erreur que de parier sur un avenir stérile pour le vin »
Baptisé viticulteur par l’ex-journal de référence, auquel je suis abonné, Xavier Planty qui sans doute comme notre cher Hubert met la main au sécateur, y dénonce, l’introduction en France de cépages résistants au mildiou qui, à terme, risquent de mettre en péril le patrimoine des vignes en modifiant l’intégrité de nos AOC.
« Guiraud, c’est quatre compères, Robert Peugeot, majoritaire grâce à son holding familial, Xavier Planty, qui fait les vins du domaine, Olivier Bernard du Domaine de Chevalier et Stephan von Neipperg de Canon La Gaffelière, La Mondotte et autres vignobles. »
C’est signé par un expert l’inénarrable François Audouze le licheur de vins vieux.
Xavier Planty
Olivier Bernard, Xavier Planty
Né le 30 mars 1955 à Bordeaux, Xavier Planty est depuis toujours un passionné de la nature et du vin.
Après des études de Biologie (Maîtrise en physiologie et génétique végétale) et l’obtention d’un Diplôme National d’Œnologie, il commence à travailler dans le négoce bordelais.
En 1982 il travaille dans un premier grand cru de Saint-Emilion avant de rejoindre en 1983 le Château Guiraud, 1er Grand Cru Classé de 1855 pour en devenir le gérant dès 1986.
Très vite il y engage une réflexion écologique globale de l’exploitation viticole qu’il continue aujourd’hui.
Xavier Planty est aussi propriétaire avec son épouse du Château du Carpia à Castillon de Castets, lui aussi est en agriculture biologique.
Il se définit comme viticulteur et agriculteur.ICI
Qu’écrit donc M. Planty :
« Face à la pression sociétale contre les pesticides et face aux défis du réchauffement climatique, les pouvoirs publics et certains syndicats de vins d’appellation d’origine contrôlée (AOC) engagent d’importants moyens financiers et déploient leur lobbying pour favoriser l’introduction de cépages hybrides résistants. Cette solution signe à terme la mort de nos AOC.
Un peu de botanique est nécessaire pour comprendre en quoi cette approche peut s’avérer destructrice à plusieurs titres. A l’origine de notre vigne, on trouve Vitis vinifera, une espèce européenne qui a donné naissance à près de 5 000 variétés de cépages. En France, on en dénombre quelque 250 dont, parmi les plus utilisés, le merlot, le grenache, le syrah pour les rouges ou l’ugni et le sauvignon pour les blancs.
Malheureusement, notre vigne de prédilection n’est pas résistante au mildiou, ni à l’oïdium, au contraire d’espèces sauvages venues d’Amérique. L’idée a donc germé de croiser notre espèce, domestiquée depuis des siècles, avec une autre, Vitis muscadinia, fière sauvage qui arrive tout droit du sud-est des Etats-Unis où elle fait merveille dans les climats chauds et humides. L’objectif étant de rendre résistante notre Vitis vinifera en l’hybridant avec sa cousine d’Amérique.
Mais ce choix se heurte à une question génétique de base : Vinifera et Muscadinia sont deux espèces différentes et leur croisement ne peut engendrer que de la stérilité. Comme elles ne peuvent être fécondées avec leur parent direct, il faut les croiser à plusieurs reprises avec des lignées très éloignées qui, inévitablement, vont faire perdre ses caractéristiques au cépage d’origine. Faisons l’expérience avec un cabernet sauvignon, cépage emblématique du Bordelais. Au bout de l’aventure, Vitis vinifera, en dernier croisement, pourra ne représenter que 1,56 % de la variété obtenue et au mieux 50 %.
Apprentis sorciers la suite ICI
J’ai lu mais ignorant comme je suis-je n’ai rien compris même si je suis un élève du frère Bécot grand défenseur et promoteur des hybrides.
« Bécot, dans l’immédiat après-guerre 1945, fit avancer l’idée d’un vin de qualité primant sur le vin de petite façon, donc de quantité. On l’a dit apôtre des hybrides. Des bons hybrides, oui ; mais des grands cépages aussi. Quand il me conviait à la découverte d’une cave, c’était avant tout pour apprécier tel sauvignon, tel groslot, tel traminer (eh ! oui) ; je ne me souviens pas qu’il m’ait « débauché » pour quelque seibel, ravaz ou orberlin, même s’il ne les dédaignait pas. Ce professeur de géographie et d’histoire, né au pays de Vallet, mais originaire de Bazoges-en-Pareds, fidèle à ses racines paysannes, n’avait cure d’économie vinicole. Ce qui le préoccupait, c’était le bonheur du vigneron occasionnel, dont le labeur céréalier ou le soin asservissant des bêtes méritait la récompense du fier plaisir de la vendange. Il condamnait fermement les étranges fidélités qui l’attachaient, ce paysan, aux plants américains et prêchait pour qu’on les remplaçât par les meilleurs hybrides français couronnés à la foire annuelle de Chantonnay où son inusable soutane et son rabat bleu flottaient au vent de son enthousiasme comme l’emblème de la vigne vendéenne.
Mais le frère Bécot est allé rejoindre Bacchus et Dionysos me restait plus qu’à m’adresser au pape actuel des hybrides le dénommé Lilian Bauchet.
Le Lilian Bauchet vu par la Fleur Godart
Celui-ci, en partance pour le Japon vendredi prochain, ces naturistes sont toujours par monts et par vaux pour vendre leurs vins qui puent, a pris le temps de me transmettre des éléments de réponses au sieur Planty.
Ce n’est pas une tribune mais ça tient la route.
Schéma trouvé sur le site de l'IFV qui montre une génétique à 98 % vinifera, contrairement à ce qui est écrit dans l'article du Monde.
Le genre Vitis est divisé en 65 espèces regroupées en deux sections différentes, la section Vitis, nommée aussi Euvitis, qui compte 62 espèces et la section Muscadinia qui comprend trois espèces. « Toutes les espèces de la section Vitis peuvent se croiser entre elles et donner des descendances viables et fertiles » écrit l'ampélographe Pierre Galet en intro de son dictionnaire encyclopédique des cépages.
A Bouquet, seul chercheur de l'INRA à travailler jadis sur l'hybridation et sans doute plus à des fins de recherche que dans la volonté de créer des variétés resistantes cultivables par les vitis a croisé avec muscadinia. Les anciens hybrideurs et les hybrideurs étrangers ont croisé au sein du genre vitis et ont donc obtenu des individus parfaitement fertiles qui peuvent être à nouveau croisés (rétrocroisement)
Sur la biodiversité, il n'y pas meilleure pratique que l'hybridation qui entraine du brassage génétique.
Le bémol, c'est le catalogue national qui contraint les vitis voulant experimenter les cépages résistants à se "servir" dans un panel d'une trentaine de variétés, quand il en existe des milliers. le problème, ce n'est donc les cépages résistants, mais la législation
Variétés anciennes, une fausse bonne idée. il y a un avant et un après introduction du phyloxéra et maladies américaines. Rien dans la génétique de nos variétés anciennes pour lutter contre les pathogènes de la vigne, c'est bien dommage, mais c'est ainsi.
Si on veut limiter les traitements, il faut donc revenir aux recettes des hybrideurs pionniers, croiser américains/asiatiques et vinifera.
De mon côté, les premiers résultats sont encourageants, ma petite parcelle expérimentale se porte à merveille sans traitement, je plante cette année une autre parcelle de 5 vieilles variétés hybrides, et l'année prochaine une derniere parcelle d'un cépage suisse.
Le problème de fond, c'est le foncier et la perte du leadership des + vertueux d'entre les vitis, le reste c'est plus ou moins du baratin.
Chez moi, où la valeur vénale du foncier est tombée à 10 000 euros l'hectare, et où l'appellation Beaujolais-Village a pris un sérieux coup dans l'aile, ce n'est pas un problème de basculer en vin de France. Mais quand le foncier atteint des montants délirants comme en Bourgogne ou en Champagne, où le million d'euros l'hectare est allègrement franchi sur certains terroirs, la question est plus difficile à envisager Ce n'est pas Bernard Arnault ou François Pinot qui, après avoir investi des centaines de millions d'euros dans l'acquisition du clos des lambrays et du clos de tart, vont demain arracher leur pinot et leur chardonnay pour planter des cépages résistants.
Les cépages résistants vont donc logiquement se développer en priorité sur les terroirs les moins prestigieux. Le mouvement est déjà amorcé, et d'après mon pépiniériste la demande en pieds de vigne est déjà impossible à assurer. Des caves coopératives s'y mettent, qui produisent des vins de consommation courante pour la grande distribution.
On risque dès lors de vivre une drôle de situation, où les "méchants" d'hier avec leurs gros tracteurs, tout juste bon à faire pisser la vigne, deviendront les "gentils" de demain qui cultivent leurs vignes sans traitements ! Et il m'est d'avis qu'ils ne se gêneront pas pour le faire savoir ! En réaction, il sera de bon ton de critiquer les qualités gustatives des cépages résistants. Comme une sorte de remake du passé, où les cépages résistants seront dénigrés, comme ils le furent hier, par ceux qui veulent préserver leur leadership et leurs intérêts. Je le sais, je l'ai déjà entendu à de maintes reprises et nous en avons avec cette tribune une illustration parfaite.
Sauf que l'histoire aura du mal à bégayer, car un nouveau paramètre de taille vient bouleverser les équilibres qui s'appelle le réchauffement climatique. Toute la société civile attend de l'agriculture des pratiques plus vertueuses. Et quoi de plus vertueux que de cultiver des cépages résistants ? Bonne soirée.
Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de donner la parole au docteur Michon, qui présida en 1902, le 3 ieme congrés international de l'hybridation, et qui dit bien mieux que je ne pourrai le faire tout l'intérêt à cultiver les cépages résistants.
« ... Il ne faut pas perdre courage, si le résultat cherché n'est pas atteint du premier coup, il ne pouvait l'être et nous avons eu tort de l'escompter, ou si la marche en avant est trop lente au gré de notre impatience.
Faisons donc crédit aux hybrideurs et collaborons à leur travail d'utilité publique en les renseignant exactement, sans puéril enthousiasme et sans préoccupations mercantiles, sur les vertus et les vices de leurs enfants. Dans leur intérêt autant que dans le nôtre, ne craignons pas d'être sévères.
(...). Il faut qu'il chante dans nos verres, rubis chatoyant, nectar ensoleillé, composto di umore e di luce, comme l'a si bien défini Galilée. Alors il regagnera les faveurs de tous ses amants perdus. Agréable et hygiénique, solide et abondant, ce vrai vin, qui réchauffera le cœur sans monter à la tête, sera du vin bon marché, facile à faire, et ne nécessitant, pour sa réussite et sa garde, pas plus de soins et de drogues que les cépages robustes qui l'auront produit n'en exigeront pour leur culture.
En disant adieu aux sulfures et aux sulfates, il nous faudra prendre congé également des acides et du sucre.
Du bon vin par le raisin et par le raisin tout seul, tel sera le miracle de l'hybridation !
Ce retour aux simples procédés du temps jadis et à l'honnête routine sera un grand progrès; cette marche en arrière sera une course triomphale en avant !
Et nous reverrons enfin le sang de la vigne, débarrassé de ses impuretés industrielles, régénérer encore une fois le sang de la France et rendre à ses citoyens, énervés par l'alcool, la santé et la gaieté que, seul, donne le vin. «
Plaise au ciel que les vœux du Docteur Michon soient enfin exaucés !
PS. À propos des cépages autotochnes et de leur culture séculaire / respect tradition aoc, Gallet nous dit que le merlot était considéré comme un cépage secondaire jusqu'au 19ieme . Il fait maintenant la gloire de Pétrus...