2 juin 1975 : Ulla et les prostituées de Lyon déclenchent dans une église un mouvement qui devient national. Photo d’archives Le Progrès
La coupe est pleine, elle déborde, j’en ai ras-le-bol alors je sors ma sulfateuse.
Traiter quelqu’un de pute en voilà bien une expression forte du mépris de classe de la part de gros mâles blancs qui s’affichent pourtant comme des modèles déposés de la gôche de la gauche, des insoumis inoxydables, des défenseurs impitoyables des femmes, des anti-libéraux…
Pourquoi ce féminin qui n’a pas de masculin ?
Les putes, les putains, les grues, les catins sont-elles, sous la plume de ces mecs bien-pensant, le dernier niveau de l’abaissement des humains ?
Que font-elles ?
Elles vendent leur corps à des mecs ! (la prostitution est aussi masculine, transexuelle…)
Est-ce si méprisable ?
La réponse est sans contestation : NON.
En juin 1975, à Lyon, une centaine de femmes prostituées occupent une église du centre-ville pour protester contre la répression policière, interpeller l’opinion publique et revendiquer le droit à la dignité. Avec la très médiatique Ulla à leur tête, elles dénoncent l’hypocrisie évidente d’un « État souteneur » qui, sans interdire la prostitution, en entrave l’activité, en prenant sans vergogne les bénéfices que représentent impôts et amendes de ces « péripatéticiennes ».
Et que l’on ne me renvoie pas dans les gencives que pute, putain, fils de ou enfant de putain sont passés dans le langage courant ; à cette sauce-là espèce de PD l’est aussi. N’est pas Audiard qui veut (celui-ci n’avait pas eu d’ailleurs le nez très propre sous l’occupation. En 1943 dans les colonnes de L'Appel, le jeune Michel Audiard décrit ses personnages juifs avec les termes «une veulerie suante», «une odeur de chacal», «une synthèse de fourberie» et évoque une «conjuration des synagogues». Et quand les protagonistes finissent pendus, il salue une «manifestation de l'immanente justice»
« Si mon cœur est français, mon cul est international » Arletty amoureuse à la folie d’un bel officier allemand, membre du parti nazi depuis 1938, un ami personnel de Goering.
Lequel des 2 est le plus méprisable ?
On a tondu des femmes pour ça !
« Cette Leininger, c'est du vice tout froid, tout arithmétique, que ne monte pas même le vin, enfin une prostituée sans le tempérament d'une vraie putain »
Goncourt, Journal, 1875, p. 1070).
« Je préfère (...) les hommes qui couchent avec les putains sans faire de phrases, aux puritains qui les font enfermer sous prétexte de les relever. »
Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 112
« Je m'en fous, moi, de votre politique d'enfants de putains! »
Malraux, Espoir, 1937, p. 643
J’ai le plus profond respect pour les putes, Sartre a écrit la putain respectueuse où Lizzie, une prostituée blanche refuse de se parjurer à plusieurs reprises pour sauver un blanc ayant assassiné un noir injustement accusé de viol. La pièce se situe une petite ville du sud des États-Unis.
Dans La maman et la putain Jean Eustache en 1973 (Jean-Pierre Léaud (Alexandre), Françoise Lebrun (Veronika), Bernadette Lafont (Marie), Isabelle Weingarten (Gilberte). 2h40, capte l'air du temps, ce n'est pas seulement parce qu'il fait allusion, au détour d'une conversation, à Jacques Duclos, au PCF ou à Jean-Paul Sartre, au MLF ou aux lourdes fictions de gauche italiennes. C'est, plus largement, parce que le film dresse un impitoyable état des moeurs affectives et sexuelles de l'époque. En 1972, les restes de l'idéologie issues du mouvement de Mai 68 règnent encore. On a tenté de réinventer le couple et les rapports amoureux, la "libération sexuelle" est devenue une tarte à la crème. Deux figures parmi d'autres tiennent lieu de modèles dans les esprits : le couple moderne et la femme libérée. Toute révolution, si généreuse, si euphorique soit-elle porte aussi son revers répressif. La doxa de l'après 68, c'est "Jouissez ! ". L'erreur fut de croire que des mots d'ordre pouvaient réglementer le désordre des sentiments. Le film de Jean Eustache témoigne avec une rare lucidité de cette idéologie de la liberté sexuelle, feint d'épouser la doxa amoureuse pour en dévoiler la caractère injonctif, répressif, pour en révéler les zones cachées, celles que l'aveuglement produit par des mots d'ordre interdisait de voir : le tourment, la souffrance. »
Je ne suis pas bégueule dans le privé je jure « fan de pute » et c’est souvent contre moi-même… Les mots crus ne me rebutent pas.
Je ne suis pas adepte de l’amour tarifé, non pour des raisons morales mais parce que tout bêtement parce que ce serait un tue l’amour. Forniquer pour forniquer ce n’est pas mon trip, la jouissance masculine étant très mécanique sans le supplément d’âme, le partage y’a pas d’extase !
Alors camembert les gros beaufs, soyez plus inventifs pour cracher votre exécration laissez les putes et les putains tranquilles elles valent mieux que d’être rabaissées au caniveau de vos qualificatifs méprisants.
Méprisez autrement c’est votre droit !
Bref, n’étant pas un spécialiste de la prostitution j’ai dégoté un article dans le Journal des Femmes : Prostitution : une question de politique et de sexualité
Article mis à jour le 23/11/17 ICI
- Prostitution : ce que dit la loi
- Fascination et répulsion
- Un peu d'histoire
- Situation dans quelques états occidentaux
La mauvaise vie, vraiment ?
Asphalteuses, béguineuses, belle-de-nuits, boucanières, cocottes, coureuses, croqueuses, demi-mondaines, femmes de petite vertu, galantes, légères, fleurs de macadam, gaupes, gourgandines, grues, hétaïres, horizontales, marchandes d'amour, marmites, michetonneuses, peaux, péripatéticiennes, pierreuses, raccrocheuses, racoleuses, sirènes, souris, trimardeuses, turfeuses, catins... Les "travailleuses du sexe" évoluent dans un relativisme ambiant. Elles sont la traduction de l'extension constante du modèle libéral-libertaire, économique et moral à la fois, difficile à contrer à droite pour des raisons de credo économique et difficile à contrer à gauche pour des raisons de credo moral.