Ambroise DE RANCOURT DE MIMÉRAND
Nous sommes nés adossés à un demi-siècle de barbarie, la grande boucherie de 14-18, l’immense saignée de la 2ième guerre mondiale, la Shoah, le triomphe de la guerre industrielle de fer et de feu. Nous ne l’avons pas fait exprès mais une fois tournée la page de ce siècle, petit à petit s’est installée l’idée, devenue vite condamnation, que notre insouciance, notre inépuisable esprit de jouissance, nos inconséquences, étaient la cause de tous les maux de notre Terre. Nous aurions nourri le Système, nous nous serions gavés du Système, maintenant retraités nous ne nous soucierions que de sauvegarder nos avantages accumulés, laissant derrière nous le déluge, la désolation.
Le mauvais esprit de mai 68, dénoncé par Sarkozy et repris avec gourmandise par une extrême-gauche de salon tel cet apprenti pianiste coulant des jours tranquilles sur les bords du lac Léman.
« Je crois qu'il faut à tout prix que quelqu'un écrive un livre, non pas seulement sur les baby-boomers, mais de façon générale, sur la méta-génération née entre, mettons, 1946 et 1973. Entre le rêve de la fin de la 2e guerre mondiale, et le formidable dépucelage qu'a constitué le premier choc pétrolier.
Parce qu'à bien y réfléchir, la moitié environ des gens avec qui je débats de politique sont nés dans ce créneau. Et il me semble de plus en plus manifeste que ces gens portent sur eux non seulement la responsabilité des immenses erreurs du passé (choix socio-économiques, mais aussi stratégiques), mais également celle des fiascos qu'ils nous préparent pour l'avenir avec une sorte de jubilation malsaine à persévérer honteusement dans l'erreur.
[Précision importante à ce stade : j'ai une foule d'amis et camarades nés dans cet intervalle qui ne correspondent absolument pas à ce que je vais dire maintenant. Je parle donc d'un climat générationnel d'ensemble, et absolument pas d'une sorte de malédiction collective, soyons clairs.]
NDLR. C’est dans le même ton j’ai des amis noirs, arabes… etc.
J'ai l'impression que sur tous les sujets, cette génération s'est lamentablement trompée, mais qu'elle prétend malgré tout souvent, depuis son crépuscule, continuer de toutes ses forces à nous faire poursuivre ses erreurs. Je ne compte plus les sujets, vraiment.
L'UE ? « Tu n'as pas connu la guerre, petit ». L'autre jour, même Bellamy, pourtant porteur d'un euroscepticisme excessivement mou, s'est fait traiter d' "enfant sans mémoire" par...Frédéric Mitterrand. On leur répond qu'il y aurait peut-être à redire sur l'Acte unique et sur l'euro ? La plupart du temps, ils ne savent même pas ce qu'est l'Acte unique. Et l'euro, c'est leur retraite : alors là, ils le défendent, avec l'énergie du désespoir. Une énergie qu'on aurait bien aimé leur connaître dans les années 80-90, au moment de faire travailler leurs méninges quant aux conséquences de leurs actes (politiques).
La mondialisation ? « Arrêtez de vous plaindre, les jeunes ! Un peu d'optimisme, marre du populisme ! De mon temps on prenait le boulot qui venait, et ça marchait. » Tu cherches à leur expliquer que la mondialisation dont ils ont profité a malencontreusement abouti à la disparition de millions d'emplois en Occident, que ne pourront donc pas occuper, en toute logique, leurs descendants, puisqu'ils les ont laissé partir en Chine ou au Bangladesh ? Et qu'ils te récitent du Smith, du Hayek, qu'ils t'expliquent que le communisme, on a essayé, qu'on a bien vu les résultats...des dizaines de millions de morts, petit, tu sais ? Tu as beau tenter d'expliquer qu'il y avait peut-être des possibilités intermédiaires, un peu moins naïves, un peu moins bêtes : rien n'y fait. C'est une génération qui n'est pas du genre à se remettre en question.
Le plus savoureux : le modèle social. « Soyez agiles, les jeunes ! Créez vos boîtes, soyez votre propre patron ! Marre de cet État obèse qui se ruine en dépenses de santé ! » Venant de gens qui ont connu, pour l'essentiel, un marché du travail à 5-6% de chômage, ont bossé pour de grandes industries semi-publiques avec une sécurité de l'emploi que même un haut fonctionnaire vénézuélien pourrait jalouser, c'est toujours un immense bonheur que d'entendre ce genre de phrases. Ils ont profité de l'Etat-providence comme des nababs, d'une sécurité de l'emploi démentielle - et de l'assurance d'avoir une retraite, denrée rare pour toute personne née après 2000 - et maintenant, ils aimeraient bien fermer le robinet pour les clients suivants. C'est prodigieux, non ?
Vient maintenant le clou du spectacle : les populismes. Parce qu'une fois les constats ci-dessus faits, la grande et passionnante question qui se pose aux descendants de cette génération inconséquente parmi les inconséquents, naturellement, c'est : que faire ? Parce qu'il y a, c'est évident, tant à faire, tant de problèmes passionnants qui se posent aujourd'hui à nous, que notre époque s'apparente, politiquement, à un vrai jardin d'Eden pour névrosés. Eh bien là, nouveau tour de piste : « Fais ce que tu veux, fiston, mais reste raisonnable. La libre circulation des biens, des capitaux et des personnes ? Pas touche. L'UE ? Pas touche. Ma retraite ? Pas touche. Ma monnaie ? (rire gêné) » Et voilà ce que ça donne : des quinqua-sexa-septuagénaires nous expliquant aujourd'hui doctement que la première urgence, c'est de ne surtout rien changer au château de cartes consternant qu'ils ont bâti en soixante ans. À en écouter la plupart, il faudrait voter, comme un seul homme, Macron/Trudeau/Renzi/Merkel. Chercher, éventuellement, à négocier la couleur du papier peint, mais pour rien au monde, ne demander à abattre quelques cloisons : « Trop risqué (sous-entendu : pour eux), petit, trop risqué... »
Bref, je crois vraiment qu'il y a un bouquin à écrire là-dessus. Des ex-soixante-huitards devenus des clones de Cohn-Bendit, aux droitards terroir devenus macronistes bon teint, en passant par les libéraux-libertaires devenus de petits bourgeois conservateurs, accroc. »
C’est beau comme une petite copie de petit sous-doué, joliette comme une bluette, avec une pincée de piment populaire tel qu’un fils de bourgeois de Versailles peut l’imaginer, idées courtes, arrogance, mépris, mais que peut-on espérer d’autre de cette génération élevée dans la soie et qui se refait une virginité populaire en trouvant un bouc-émissaire tellement évident à dézinguer. Si c’était aussi simple, ça se saurait.
Je signale tout de même qu’il faudra attendre l’extrême queue de cette méta-génération avec Sarkozy né en 1955 et Hollande né en 1954 pour qu’elle soit portée au pouvoir suprême en ce pays.
Ça s’apparente à un grand n’importe quoi et n’attendez pas de moi que le je me couvre la tête de cendres, que je me batte la coulpe, que je réponde de nos fautes collectives, de nos insuffisances collectives, de nos aveuglements collectifs face à un petit procureur adulateur d’un Mélenchon qui est à mettre dans le même sac que nous.
En effet, par le hasard de ma date de naissance je suis tout prêt à prendre ma part responsabilité, rien que ma part, dans les dérives du Système car tout bêtement je suis un infime rouage de ce Système. Je l’assume, je la revendique sans honte ni satisfaction.
Face à tous ces petits et nombreux procureurs, dont on peut encore tirer du lait de leur nez, je cultive la plus totale indifférence, libre à eux de pondre des tribunes, c’est leur droit, je leur demande simplement d’arrêter de travestir l’Histoire, de la réécrire au profit de leurs rêves de révolutionnaires en chambre.
Tout ce petit monde passe par pertes et profits, la guerre froide, la faillite des pays dit socialistes, l’élargissement de l’UE aux ex-pays du bloc socialiste, l’irruption de la mondialisation, la financiarisation, la monté en puissance de la Chine, des BRICS, des pays émergents, la digitalisation, les GAFA, des peccadilles tout ça, la France peut tout, elle peut à elle seule se dresser contre, condamner, dire non, jeter à bas le Système et après, tout ira dans le meilleur des monde des pianistes.
Malheureusement, après ces effets de manche c’est morne plaine, comme sœur Anne nous ne voyons rien venir.
Tout ce petit monde est constitué d’idiots utiles au fameux Système. Grâce à eux qui agrègent dans le même sac les mécontents, les gilets jaunes, les brexiteurs, les frexiteurs, les RIC, le bon peuple conservateur de notre doulce France, risque de faire une élection de maréchal à Emmanuel Macron.
Face à lui, hormis la fille du borgne, c’est l’armée mexicaine des miettes de la gauche qu’elle soit molle ou dure, verte, rouge-brune…
Lorsque le vieux Mitterrand a sonné la charge de la France Unie pour se faire réélire c’était le moment de la mettre en pratique cette France-là, non en débauchant quelques sous-fifres de droite, mais en s’engageant résolument sur le chemin de la social-démocratie de nos voisins du Nord.
Mauvaise pioche, la vieille garde mitterrandienne veillait avec la bénédiction des Mélenchon, Dray and Co, exit le petit Rocard, à la niche avant de le faire assassiner politiquement par ce brillant marchand de tapis, désolé c’est le Bernard Tapie tel qu’en lui-même.
J’ai fait partie, derrière Michel Rocard, de ceux qui ont mis la main à la pâte pour réformer le système, le débloquer, lui redonner du souffle, les appareils nous ont balayés, vilipendés, renvoyés sèchement à notre naïve volonté de lutter contre l’immobilisme fédérateur de tous les conservatismes.
C’est la vie, ce fut ma vie, alors vous comprendrez que je ne vais pas me laisser coller sur le dos tous les maux du système par la cohorte des lendemains qui chantent.
J’ai lu les longs papiers du sieur de Rancourt, comme toujours chez ce genre de personnage, une bonne compilation de tous les errements, les insuffisances du système mais en revanche rien, queue de chique et eau de boudin sur les voies et moyens pour le rendre juste.
Y’a qu’à le foutre en l’air !
Sortez-les sortant !
Le peuple, le peuple, à la sauce gilets jaunes…
Je ne suis pas un grand admirateur de Guy Sorman mais sa tribune donnée au Temps de Genève me donne plus à réfléchir que les niaiseries du pianiste insoumis.
Guy Sorman: «Les «gilets jaunes» ont raison de manifester»
Le mouvement social français est révélateur d’un blocage de la mobilité sociale, estime l’essayiste libéral français. Estimant que tout se joue avant l’âge de 1 an chez l’enfant, Guy Sorman milite pour un revenu minimum universel
Surnommé le «Saint-Père du libéralisme», l’essayiste français Guy Sorman décrypte les raisons qui font qu’un tiers de la population des pays développés a perdu sa capacité à s’intégrer dans un monde en pleine transformation. Le Temps l’a rencontré à Genève en marge d’une conférence organisée lundi par la Banque Eric Sturdza.
Le Temps: Montée des populismes, migrants, «gilets jaunes»: ces phénomènes montrent que la société libérale n’apporte pas les solutions nécessaires depuis une quinzaine d’années. Qu’en pensez-vous?
Guy Sorman: Les «gilets jaunes» ne savent parfois pas pourquoi ils manifestent, mais ils ont raison de manifester. Ils ressentent quelque chose de très vrai et qui affecte toutes les sociétés industrielles. Etre 20 et 30% de la population vit au bord de la pauvreté, craint de tomber dedans et a le sentiment que la situation sera pire pour ses enfants. Les «gilets jaunes» ne savent pas vraiment analyser les raisons de cette situation, mais leur intuition est juste.
Quelles sont ces raisons?
Dans nos sociétés développées, si vous n’avez pas l’expertise nécessaire pour jouer dans la cour de la mondialisation, vous allez être largué. En conséquence, ces 20 à 30% de la société sont en voie d’être rejetés sur les bas-côtés du développement. Les enfants aussi, car la pauvreté est devenue transmissible: la mobilité sociale fonctionne de moins en moins bien. Les «gilets jaunes» sont le symptôme de la dévalorisation d’une partie de la société. Pour l’instant, personne n’a trouvé d’analyse ou de réponse satisfaisante.
Est-ce le signe que la société libérale ne fonctionne plus?
La société fonctionne, mais pas pour tout le monde. Dans nos sociétés très sophistiquées, si vous avez une expertise – technique ou de l’ordre de l’agilité intellectuelle, souvent acquise au cours de vos études ou au sein de votre milieu familial –, vous pourrez vous adapter au changement. Si vous ne venez pas d’un milieu familial qui a cette flexibilité ou cette expertise, vous n’allez pas l’acquérir, car on s’aperçoit que si vous n’avez pas deux parents formés, vous ne serez pas formé. On a une sorte de congélation de la mobilité sociale.
Comment la «décongeler»?
Pour des parents qui n’ont pas ce capital social, la seule solution pour compenser consiste à scolariser leur enfant dès l’âge de 1 an. A cet âge, l’avenir d’un enfant est déjà quasiment déterminé, selon la stimulation qu’il reçoit. Le vrai capital aujourd’hui n’est pas l’argent, c’est là que Thomas Piketty a complètement tort, c’est la connaissance.
Quelles mesures peuvent être prises maintenant pour ces 20 à 30% d’individus proches de l’exclusion ?
D’une part, élargir les accès à la formation, même d’élite. Le discours anti-élites est tout à fait ridicule. D’autre part, améliorer la solidarité et la redistribution, car la société libérale est injuste par nature. La chance y joue un rôle très important: il faut être né dans la bonne famille, en bonne santé, ou choisir le bon métier. Mais les méthodes actuelles de solidarité sont archaïques, car ce sont des aides très ciblées, pour le logement, ou l’isolation du logement. Depuis plus d’un demi-siècle, l’école à laquelle j’appartiens propose un système complètement différent: l’impôt négatif.
C’est ce qu’on appelle aussi le revenu minimum universel. Pourquoi pensez-vous qu’il s’agit d’une bonne solution?
Dans les sociétés suffisamment riches, on peut mettre de côté une certaine somme d’argent et la redistribuer à tout le monde. Chacun déclare son revenu. Ceux qui sont au-dessus d’un certain niveau de revenu paient un impôt; ceux qui sont en dessous reçoivent de l’argent. Ce revenu minimum universel repose entièrement sur la responsabilité des individus. La société fait en sorte d’éviter la pauvreté, mais ne décide pas de l’utilisation faite de cet argent. Des expériences ont été menées au Mexique, au Brésil, au Bangladesh, en Finlande récemment. On s’aperçoit que les gens sont assez raisonnables, surtout lorsqu’on donne l’argent à une mère de famille.
Vous vivez aux Etats-Unis et en France. Quel regard portez-vous sur Donald Trump?
Aux Etats-Unis, Donald Trump n’est pas si important. La vie américaine, un peu comme en Suisse, se passe beaucoup au niveau des Etats. Washington semble très lointaine. Donald Trump a peu de pouvoirs en politique intérieure, encore moins depuis les élections de mi-mandat. Il laisse les gens assez indifférents. Donald Trump est plus dangereux en politique extérieure. Je pense qu’il lui sera très, très difficile d’être réélu. Il a un noyau dur d’électeurs de 30%, qu’il n’arrive pas à élargir. Enfin, les institutions américaines sont plus fortes que les hommes. La Constitution a été écrite exactement pour les circonstances actuelles. Comme si les constituants avaient prévu Trump.
Ce pianiste insoumis est fécond en écriture, il pond beaucoup, du côté musical il enseigne à Genève, pas de concerts au programme, je vous offre donc deux prestations anciennes, qui je l’avoue, ne m’ont guère convaincues, c’est besogneux et lourd.
Comme tout bon insoumis qui se respecte le sieur Ambroise, suite à quelques remarques sous sa chronique publiée sur Face de Bouc, m'a bloqué. Des démocrates adeptes de la discussion entre soi bien sûr.
Il n'y a qu'un Maurizio Pollini par siècle, mais en dépit de mes 70 balais (Ambroise m'a souhaité finement une bonne fin de vie) je suis certain que le sieur de Rancourt ne sera pas celui du XXIe....