Si jusqu’à maintenant le vin a en grande partie échappé aux récriminations quant à son empreinte carbone, ce n’était peut-être que partie remise. Drink Business rapporte les propos d’un scientifique qui signale que jusqu’à aujourd’hui, l’empreinte carbone a été, en effet, mise sous le tapis et que le problème vient, majoritairement, de la fermentation (ICI l’original en anglais avec les commentaires)
Les échos #9-2019 de la revue Sésame
par Yann Kerveno
S'exprimant lors de la deuxième célébration internationale du sauvignon blanc à Marlborough le mois dernier, le professeur de génie chimique a déclaré aux participants que la nécessité pour les viticulteurs de capter leurs émissions de carbone était l'un des problèmes environnementaux les plus pressants auxquels le secteur était confronté.
«Les empreintes de carbone ont été poussées dans un coin. Les vignerons doivent mesurer leurs empreintes, les posséder et en être fiers. L'éléphant dans la salle du monde du carbone dans les établissements vinicoles est la fermentation.
«Nous devrions capter le carbone dans les établissements vinicoles pour qu’ils deviennent neutres en carbone. Le carbone issu de la vinification est cinq fois plus concentré que les avions et les voitures. Un litre de jus produit 60 litres de dioxyde de carbone. Pourquoi ne le piégeons-nous pas?
«Une seule bouteille de vin contient 80 g de dioxyde de carbone. En tant que viticulteur, si vous voulez être un leader sérieux en matière de développement durable, vous devez capturer vos émissions de carbone - un bon moyen de le transformer en craie », a-t-il déclaré.
Le géant du vin espagnol Torres a ouvert la voie au développement d'une technologie qui capture et transforme avec succès le dioxyde de carbone généré pendant la fermentation via son programme CCR (Carbon Capture and Reuse).
Jusqu'à présent, l'équipe environnementale de Torres a effectué des tests avec huit technologies différentes offrant des utilisations alternatives pour le CO2 produit lors de la fermentation. L'une de ces expériences utilise des composés organiques pour capter le CO2 afin de créer un produit pouvant être utilisé dans l'industrie des peintures.
Torres explore également l’utilisation de l’électrolyse à l’eau de mer pour générer une solution de base à faible empreinte carbone pouvant ensuite être utilisée pour capter le CO2 sous forme de carbonate inorganique, qui peut être stocké en toute sécurité sur la terre sous forme de carbonate solide plutôt que de s'échapper dans l'atmosphère.
S’il est une entreprise parmi les leaders mondiaux qui s’est saisie de cette question, c’est bien le catalan Torres, depuis que son patron, Miguel A. Torres, a percuté en regardant le documentaire d’Al Gore (vous vous souvenez, c’était en 2006).
Depuis 2008, l’entreprise a investi 12 M€ dans son programme initiatives vertes et y consacre chaque année 11 % de ses bénéfices. L’objectif d’alors était de réduire les émissions de 30 % d’ici à 2020, puis à terme de devenir une entreprise « carbon neutral ». En 2017, l’empreinte carbone de chaque bouteille avait été réduite de 15 % et, depuis, l’entreprise mène des recherches pour capturer le carbone de la fermentation et le transformer en énergie.
La vision de Miguel A. Torres était juste, lui qui annonçait qu’un réchauffement climatique de 2°C serait catastrophique pour la viticulture espagnole. Selon l’université polytechnique de Madrid, c’est même le vignoble du monde qui est le plus exposé aux effets de ce réchauffement. Même en Allemagne la question est étudiée de près. Une expérience a été menée in vivo pour observer le comportement de la vigne dans le futur, en exposant les ceps aux doses de CO2 qu’ils pourraient connaître dans une trentaine d’années.
Peinant à convaincre ses collègues espagnols, depuis 2011 il n’a su convaincre que 20 bodegas du pays à rejoindre sa préoccupation, Miguel A. Torres vient de s’allier avec une autre entreprise, américaine celle-là, Jackson Family Wines, pour créer l’association internationale pour l’action climatique.