« La colonie pénitentiaire de Belle-Ile ouvre en 1880, dans les bâtiments annexes de la citadelle où furent enfermés les détenus politiques de la Commune de Paris, entre 1872 et 1879.
C‘est une des colonies publiques ouvertes en application de la loi du 5 août 1850, sur le patronage et l’éducation des jeunes de tenus. La colonie est constituée d’un ensemble austère de longs bâtiments sur le bord de la falaise ; un mur d’enceinte empêche de voir la mer.
Belle-Ile, qui reçoit des colons de 12 à 20 ans, privilégie la formation maritime ; faire des colons « des apprentis matelots ». En 1895, est installé dans la cour de la colonie un petit trois mâts où des colons font des exercices de marine. La colonie est dotée d’un bateau de 25 mètres « le Sirena » sur lequel quelques colons sont amenés à s’embarquer pour faire des exercices de pêche, à cela s’ajouteront 3 canots à rames et à voiles.
A partir de 1902, l’administration pénitentiaire construit, à l’intérieur de l’île, une annexe sur le site de Bruté pour accueillir les colons de plus en plus nombreux, ils sont environ 320 en 1910.
En dehors de 4 ateliers centrés sur la marine et un atelier de sardinerie qui favorise la rentabilité de la colonie, les colons pratiquent l’agriculture. La discipline est très sévère, Henri Rollet, premier juge des enfants en 1914, visite la colonie dans les années 1890 et parlera d’une « véritable structure pénitentiaire ». En 1908, un incident grave est relaté par la presse, les colons pendront sur un des bateaux, le surveillant de marine à la drisse d’un mât.
En 1924, Louis Roubaud, journaliste au Quotidien de Paris, visite la colonie et dénonce ce qu’il y voit dans son reportage intitulé Les enfants de Caïn. Il conclut son enquête en ces termes : « Ces écoles professionnelles sont tout simplement l’école du bagne », « Il faut raser les murs de toutes ces institutions, c’est la seule réponse ».
L’évènement marquant de l’histoire de la colonie Belle-Île est l’évasion massive de cinquante-six pupilles en 1934, que d’aucuns retiennent sous le nom de la « Chasse à l’enfant », en référence au titre du poème écrit par Jacques Prévert, ou encore « scandale des bagnes d’enfants ».
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est levé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous le braves gens s'y sont mis
Qu'est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Jacques Bourquin résume ainsi cet épisode : « Depuis plusieurs mois, le climat est médiocre à l’intérieur de l’institution. Un soir d’août 1934 éclate un incident au réfectoire, un incident apparemment bénin. Contrairement au règlement, un colon a mangé son fromage sans avoir bu sa soupe. Il est puni [et passé à tabac], ses camarades du réfectoire se solidarisent avec lui, c’est le début d’une révolte que les personnels n’arrivent pas à contenir. Les pupilles franchissent les murs de la colonie, se répandent dans toute l’île où se trouvent, en cette période, beaucoup de vacanciers ».
Une « battue » est organisée afin de retrouver les enfants. Les habitants de Belle-Île et les touristes sont mis à contribution, et pour les motiver, une récompense de vingt francs par enfant trouvé leur est promise, certains gagneront même jusqu’à deux cents francs. Cette forte mobilisation a permis de retrouver tous les enfants, qui ont reçu une sévère correction.
Une campagne de presse qui durera trois ans est alors menée par Alexis Danan, grand reporter pour le journal Paris-Soir, afin de dénoncer les pratiques de ces « bagnes » pour enfants et de sensibiliser l’opinion publique. Il lance des appels à témoignages et met en cause d’autres colonies telles que celle de Mettray, en Indre-et-Loire.
Au début des années 1950, L’IPES (Institution publique d’éducation surveillée) possède un assez large éventail d’ateliers de formation dont la section marine qui prépare au certificat d’apprentissage maritime en vue d’une embauche dans la marine de Commerce ou de Pêche. L’institution toutefois décline, environ 150 élèves en 1950, 90 dans les années 1960. A partir de 1970, l’Education Surveillée remet en cause la pertinence des gros internats de rééducation et évolue vers des structures plus polyvalentes, plus proches du lieu de vie des jeunes, de leur famille, ce qui est incompatible avec Belle-Ile.
L’institution fermera en 1977.
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