Dans son livre Venise à double tour, JPK évoque à plusieurs reprises Napoléon. Ainsi lorsqu’il va prendre un café au bar du musée Correr : « Á l’entrée, sous les arcades, une dalle que foulent quotidiennement les touristes indique l’emplacement de l’église San Geminiano, démolie en 1807. La façade Renaissance, l’une des plus belles de Venise, est dessinée sur le pavement. C’est Napoléon qui a fait raser l’édifice pour agrandir le palais royal. »
Avec Don Raffaele le curé des Gesuiti, JPK prononce le nom de Napoléon, « évoquant les réformes qu’il a apportées » Il le coupe rudement : « Des réformes ! Il n’avait qu’une seule idée : détruire Venise, détruire le lien qu’elle avait avec l’Église. »
JPK soupire en son for intérieur « Napoléon, le grand désaffecteur des églises ! »
Le décret du 28 juillet 1806 ordonna la suppression de quinze monastères d’hommes et de dix-neuf de femmes dans Venise. Neuf églises paroissiales furent fermées. Une nouvelle disposition impériale prise le 23 avril 1810 acheva la liquidation des ordres religieux. Á cette date, on pouvait recenser la fermeture de quarante-sept églises dépendant d’autant de couvents. La plupart des objets d’art qu’elles renfermaient furent bradées.
Et le curé de conclure :
- Votre Napoléon a fait démolir à côté une église splendide, San Vio. Croyez-moi, cet homme était un vandale.
Comme tout bon lecteur de JPK le sait celui-ci a un petit faible pour Napoléon.
Une fois refermé son livre et bouclée ma chronique je suis allé rechercher le livre de Alvise Zorzi La République du lion Histoire de Venise que j’avais acheté avant ma première visite à Venise. Je l’ai retrouvé et entre ses pages j’ai même retrouvé mon billet de retour Venezia San Lucia- Paris-Bercy. En effet, j’avais décidé d’utiliser ce train pour me rendre à Venise.
J’ai repris ma lecture à la signature du traité de Campo Formio le 18 octobre 1797, c’est le jeune général Napoléon Bonaparte (28 ans) l’impose aux Autrichiens et au Directoire. C'est le début d'une éclatante épopée qui affaiblira durablement la France et changera à jamais l'Europe. ICI
Alvise Zorzi écrit « L’Istrie et la Dalmatie à l’Autriche, les îles Ioniennes à la France. L’empereur François, défait par les armes, a gagné par la diplomatie une bataille commencée trois siècles plus tôt ; la convoitise que les deux derniers empereurs n’auraient pas osé avouer est satisfaite. L’impétuosité, l’improvisation, l’ambition d’un jeune et grand général ont joué un mauvais tour à l’Italie, à la France et à lui-même. Il se vengera, certes, il se vengera ! Mais pour Venise, c’est la fin. L’ultime espoir d’une possible indépendance sous condition s’est envolé en fumée. »
18 janvier 1798. En exécution du traité de Campoformio, l’armée impériale occupe la ville de Venise.
19 janvier 1906 : en exécution de la paix de Presbourg, l’armée française rentre à Venise, « au milieu de l’enthousiasme de la population », écrivent les journalistes de l’époque. Alvise Zorzi note : « Que cet enthousiasme fût vrai ou imaginaire, une chose est certaine, cette journée inaugure la période la plus triste de l’histoire de Venise. »
« Les provinces vénitiennes s’inséraient dans un royaume d’Italie qui avait comme roi Napoléon Ier, devenu empereur des Français, et comme vice-roi le fils de Joséphine de Beauharnais, Eugène de Beauharnais. La capitale avait été fixée à Milan ; ce choix signifiait la déchéance au rang de cité provinciale de celle qui avait été durant des siècles la Sérénissime Dominante d’un État s’étendant de l’Asie à la Lombardie. »
« Venu en visite officielle le 29 novembre 1807, dans un tourbillon de festivités et de flagorneries, Napoleone il Massimo, comme l’appelèrent à cette occasion thuriféraires et orateurs officiels, abaissa son foudroyant regard sur la malheureuse ex-reine des mers et pris une série de mesures de nature, selon lui, à lui permettre de se relever : aménagements portuaires, restauration des digues de Pellestrina, mesures de protection de l’industrie du verre de Murano, affectation de huit millions par ab à l’Arsenal pour la construction de navires… (En pure perte puisque le blocus continental du 21 novembre 1806 imposé à toutes les puissances navales s’appliquait aussi à Venise).
« Outre le port franc (limité à la seule île San Giorgio) et la Chambre de Commerce, Napoléon a doté Venise d’un cimetière et d’un jardin public. Le cimetière, s’il a sauvé de la démolition la splendide église Renaissance de San Michele di Murano, a provoqué celle de San Cristoforo della Pace, église gothique construite peu après 1454. Le jardin public, qui abrite de nos jours les pavillons de la Biennale, a coûté la destruction de tout un quartier dont faisaient partie les églises de Sant’Antonio et de Sa Nicolo di Castello avec le séminaire ducal attenant, des Cappucine (les Concette) et de San Domenico di Castello : des œuvres d’art admirables seront en partie dispersées, en partie détruites, très peu seront recueillies par les nouvelles galeries de l’Académie des beaux-arts.
Le vice-roi, qui exigea la construction d’une salle de bal et d’un grand escalier pour le palais royal, installé dans les anciennes Procuraties de la place Saint-Marc (ce fut une grande chance que l’on n’ait pas décidé de l’installer, comme on y avait pensé d’abord, dans le palais ducal), fut responsable de la démolition de l’église de San Geminiano, chef-d’œuvre de Sansovino, qui fermait harmonieusement la place en face de la basilique Saint-Marc. Mais la suppression en masse des communautés religieuses décidées à deux reprises, en 1806 et 1810, et la réorganisation des paroisses de la ville provoquèrent une hécatombe d’édifices sacrés. Entre Venise et les îles de l’estuaire, soixante-douze églises furent abattues : il nous faut nous contenter aujourd’hui de les admirer sur les estampes et les tableaux datant d’avant la tempête »