C’est l’histoire d’un mec, genre gandin à Richelieu lustrées ayant une haute idée de sa petite personne qui, un soir de février, en bute sans doute à un profond coaltar, faute de mieux se traîna dans un de ces néo-bistrots mal peignés dont Paris a le secret.
Mais, lui, le si bien coiffé, qu’allait-il faire dans cette galère pour hipsters tatoués ?
Mystère !
« Ah! Il veut faire le gandin à son âge! Ah! je ne lui suffis pas! Eh! bien, qu'il aille se faire consoler ailleurs ! » Feydeau, Dame de chez Maxim's, 1914, III, 18, p. 72.
Mais, notre dandy post-moderne, tel un vampire de Transylvanie, abhorrait l’ail…
Il s’enquit, d’une étrange manière, auprès du loufiat, qui peut-être avait aussi les ongles sales, si dans la tortore du chef il se trouvait un plat sans ail.
De nos jours c’est la mode du sans : sans gluten, sans sulfites, sans nitrite, sans lactose, sans OGM, viande sans viande…
La réponse tomba, telle le couperet du docteur Guillotin : « y’en a pas ! »
Que fit alors notre homme ?
Je ne le sais pas car il ne l’écrit pas.
Face à un tel outrage au bon goût, on peut imaginer, qu’il s’est alors éjecté de sa chaise en jetant d’un geste rageur la serviette qu’il venait juste de déplier puis, avec une belle arrogance, conchia cette gargote de bobos asexués, population élevée au Nutella et au burger qui voit dans l’ail une signature du terroir, ironisant sur cette volaille ignare qui se goberge en lichant des vins aux arômes d’écurie ou de pomme blette.
À mon avis, après quelques remarques acides, comme le vin nu du bouiboui tout à l’ail, il est resté sagement assis face à sa compagne en ruminant sa chronique.
Bien sûr, tout bon amant le sait, l’ail est un tue l’amour même s’il est un âge où il faut faire son deuil des belles pelles.
Mais, pour un fin palais, un dégustateur émérite, l’ail est aussi un tue le vin, à ne pas confondre avec Thunevin, Jean-Luc l’ex-garagiste.
Pas grave puisque dans cette galère du tout à l’ail on ne pouvait que lui servir des vins daubés.
Double peine !
Je compatis.
Mais l’ail c’est bon pour le cœur diront en chœur les bobos bouffeurs de racines et licheurs d’huiles essentielles.
Foutaises, obscurantisme, charlatanisme, le genre bio-cons, confirmé par un Diafoirus du cœur qui lui recommandait de s’abstenir de croquer de l’ail afin d’éviter les exhalaisons inappropriées comme on dit du côté de la Maison Blanche pour des relations buccales.
L’obscurantisme est très tendance de nos jours, on jette facilement l’anathème sur les médecines douces.
Alors, pour en avoir le cœur net j’ai consulté la bible de la pharmacopée : le Vidal
« L'ail est une substance phytothérapique à visée vasculo-protectrice.
L'ail est utilisé, en phytothérapie, dans la prise en charge de troubles circulatoires mineurs. »
Bien sûr, lorsqu’on diagnostiqua pour mon cœur un syndrome de Kent, un Wolf-Parkinson-White je ne me suis pas mis à bouffer des gousses d’ail, mais pour un chouïa de tension l’ail c’est bon !
Ceci posé j’avoue, qu’en cuisine, l’ail n’est pas ma tasse de thé.
Je n’en fous pas partout, de temps à autres, j’ai des envies de saucisson à l’ail et, bien sûr, j’adore le pesto de Genovese dans lequel l’ail tient sa place.
La fabrication de saucisson à Paris est ancienne. Au long des siècles, on relève plusieurs types de saucissons. Leur particularité est l’utilisation d’épices lors de leur confection. Il faudra attendre la description d’un saucisson à l’ail par Savary des Bruslons, en 1760, pour trouver les prémices de ce saucisson de Paris tel que nous le connaissons.
Sa texture est assez grossière, au tranché rose criblé de grains de gras blancs, et, bien sûr, au goût légèrement aillé. Il se loge sous un long boyau droit de bœuf de 30 à 40 centimètres et de 6 centimètres de diamètre.
Pour sa fabrication, le maigre (70% de son poids), le gras (25%) sont coupés en morceaux et salés séparément avec un sel nitrité ou non, ça influe sur la couleur. Le pré-salage dure de 12 à 24 heures. Survient ensuite le hachage des viandes, l’adjonction de blanc d’œuf, d’ail frais haché, de sel, de poivre et d’épices. Après le remplissage des boyaux, ceux-ci sont étuvés durant plusieurs heures. Les saucissons sont ensuite pochés dans un bouillon pendant une heure et laissés à refroidir dans ce bouillon.
C’est le saucisson du casse-croûte des gars et des filles qui marnent dans les vignes, du pique-nique du populo, mais il peut aussi se servir chaud avec de la choucroute.
Le 11 février 2011 je m’insurgeais :
Le saucisson à l’ail, lui, est un mal aimé, il pue de la gueule, il sent le gaz, relégué qu’il est en vagues rondelles sur le bord des tas de choucroute de la Taverne de Maître Kanter. Pire encore on le fume, non qu’il fût du belge mais parce qu’on lui inflige le supplice ou le maquillage d’un fumage industriel. Je trouve ce mépris insupportable. J’en appelle à un sursaut national. Je sonne le rappel pour que s’instaure une journée mondiale du saucisson à l’ail. J’invite les défenseurs de la charcuterie artisanale à contribuer au renouveau de cet emblème du bon goût français.
Dans « Bravo Docteur Béru » San Antonio, alias Frédéric Dard nous torchait un Bérurier, ex-interne des hôpitaux de Paris qui savait « aussi bien manier le stéthoscope que le saucisson à l'ail » (sic). Je rappelle qu’Alexandre-Benoît dit le Gros lichait essentiellement du Juliénas qu’il considérait comme son médicament quotidien.
Bien sûr je comprends que cette pitance populacière est fort grossière pour un palais de velours, un gosier raffiné, et que seuls des palais zingués comme les toits de Paris osent l’accord ail-vins qui puent.
Reste en suspens l’énigme première : mais qu’allait-il faire dans cette galère ?
Masochisme ?
Collecte de gaz pour un blog en panne ?
C’est le sieur Vincent Pousson qui m’a alerté sur ce haut fait de la critique gastronomique&pinardière réunies, en me disant que j’allais me gondoler. Lui sait bien que je suis un être grossier cultivant le mauvais goût, un vieil homme indigne capable des pires outrances sur les fragrances d’écurie&d’évier réunis des vins qui ont du poil aux pattes.
Avant de conclure cette odoriférante chronique j’ai une pensée émue pour le Boursin ail&fines herbes, star des années 70, chère aux pousseurs de caddies si chers au cœur de Pousson.
La morale de cette chronique est limpide : aucun plat n’est indigne d’un vin quel qu’il soit.
Pour la partie musicale :
- Le pire de la chanson populacière : Félicie pour Je m'offris une gibelotte / Elle embaumait l'échalote / Félicie aussi
- La chanson titre : Saucisson à l'ail
BOURSIN : FROMAGE/FROMAGE AIL ET FINES HERBES
Archives pub BOURSIN : FROMAGE/FROMAGE AIL ET FINES HERBES