Qui se souvient de la RDA d’Honecker ?
Dans Le pays disparu Sur les traces de la RDA Nicolas Offenstadt raconte :
Question préalable : quand la RDA a-t-elle disparue ?
Lisez bien c’est très instructif.
L’alcoolisme en RDA, République Démocratique Allemande c’est la partie communiste de l’Allemagne, parti unique, Stasi, une démocratie comme l’aime les insoumis et les gilets jaunes, fut une question politique, pas seulement une affaire individuelle. En effet, le sujet socialiste que l’État voulait former se devait de mener une vie saine, et les vices du capitalisme devaient disparaître dans ce monde nouveau : « L’abus d’alcool est non-socialiste unzozialistisch » (brochure de 1964). L’alcoolisme n’est reconnu que progressivement et tardivement comme une maladie (165), qui n’est pas seulement la conséquence d’un comportement asocial. Le processus de prise en charge s’améliore, dès lors, dans les années 1970, alors que les caisses d’assurance maladie s’étaient montrées jusque-là réticentes à payer pour les maladies déclenchées par l’alcoolisme.
Pourtant, la réalité, dont témoigne Harry (ndlr un chauffeur routier alcoolique), était loin de l’idéal. D’abord l’accès à l’alcool était extrêmement facile, pas de pénurie ici. Si le vin n’est pas très répandu, en revanche, les eaux-de-vie et autres alcools forts sont extrêmement consommés, et peu chers ; la bière également. Tout au long de l’existence de la RDA, la consommation augmente dans des proportions considérables. Elle fait partie de l’affirmation d’une masculinité socialiste et aide à pallier les difficultés du quotidien.
L’État prend d’ailleurs un ensemble de mesure contre cela – mais sans limiter la production –, qu’il s’agisse de développer des lieux alternatifs aux habituels « bistrots » (Kneipe), d’augmenter les prix ou de limiter la publicité pour les boissons alcoolisées. À la Schwarze Pumpe, les ouvriers ont droit au « Schnaps du mineur » selon une vieille tradition, que les autorités, malgré leur lutte contre l’alcoolisme, n’arrive pas à briser.
L’alcoolisme n’est pas en effet éradiqué. Une enquête conduite parmi les patients de la clinique de la même ville, Schwerin, montre qu’un bon nombre de sujets consomment, comme Harry, de l’alcool sur leur lieu de travail. Les occasions collectives de boire au sein de la brigade, dont on a vu la fonction de socialisation, sont d’ailleurs nombreuses : les fameux jours des métiers… les attributions de titres… Pour Sandrien Kott (Le communisme au quotidien) « si l’ivresse est tolérée, voire magnifiée, si les petits vols sont excusés, l’ivrognerie débridées ou les vols répétés sont assimilés à des maladies mentales et le salarié, considéré comme asocial, et alors menacé de traitement ou d’enfermement psychiatrique. »
Dans les archives de la Stasi, Emmanuel Droit (La Stasi à l’école) a relevé aussi l’ampleur de l’alcoolisme chez les enseignants.
En 2017
DDRDA. Éclats de la RDA. Institut français de Berlin, 211 Kurfürstendamm. Commissaires : Rita Aldendorf-Hübinger et Nicolas Offenstadt. Photographies de Pierre-Jérôme Adjedj.
Rien d’aussi imposant dans l’exposition de l’Institut français. Collées à même le mur, conformément à la volonté du photographe, et hors de tout cadre qui leur aurait attribué un statut contraire à l’esprit de l’exposition, les photographies de Pierre-Jérôme Adjedj ont visé l’anodin à partir duquel « faire parler ces lieux » : des images qui accrochent paradoxalement le regard par leur insignifiance finalement dérangeante. Des photos de friches industrielles, de fragments d’affiches, de carreaux cassés, d’échelles qui ne conduisent nulle part, forment le support de textes distribués sur papier libre recyclé où l’on peut lire des pans d’histoire de la RDA. Ni didactique, ni accusatrice, une histoire qui informe sur ce qu’on entendait par « culture socialiste » aussi bien que sur l’alcoolisme en RDA ou sur des réalisations comme celle de la ville « sortie de rien » et fierté du régime, Eisenhüttenstadt, du temps où l’acier était trempé.