Il est 21 heures quand Emmanuel Macron arrive enfin sur le pavillon des vins, regrettant son retard.
« Au Salon de l'agriculture 2019, Emmanuel Macron bat tous les records
À la Porte de Versailles à Paris, le président a déambulé pendant près de 14h30 dans les allées du salon. »
L'an dernier, le président était resté 12h30 au salon. Il avait alors battu le précédent record détenu par François Hollande, qui y était resté douze heures lors de la campagne présidentielle de 2012. L'année suivante, en 2013, François Hollande avait encore passé dix heures dans les allées du salon de l'agriculture.
Le président socialiste avait explosé les records de ses prédécesseurs. En 2012, en campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy y avait par exemple passé quatre heures. Jacques Chirac, qui ne manquait pas une édition du salon, pouvait y passer huit heures.
Visiblement ravi d'être là, le président a parcouru lentement les allées, s'arrêtant pour discuter à chaque pas, au point de prendre très vite plusieurs heures de retard sur son programme. L'ambiance de ces échanges improvisés, le plus long bain de foule du chef de l'État depuis la crise des gilets jaunes, est restée très bon enfant, ponctuée de nombreux applaudissements et encouragements, même si ça et là ont fusé quelques sifflets et des « Macron démission »
.
Telle fut l’info majeure de ce samedi d’ouverture du Salon, cette « belle vitrine » proclame-t-on de l’agriculture française.
Est-ce la réalité ?
J’en doute fortement et mon intention en rentrant de mon périple était de pondre une chronique écornant la belle image façonnée pour séduire les visiteurs urbains ultra-majoritaire dans les allées du salon.
Et puis je me suis dit : à quoi bon pousser un nouveau refrain sur ce sujet qui me tient à cœur ?
Peine perdue, effort inutile, écrire pour rien, mieux vaut que j’aille faire pousser des tomates sur les toits de Paris.
Et puis, dans le flot d’infos, est tombé ce compte-rendu surréaliste en provenance de Vitisphère :
Emmanuel Macron fait mouche sur le pavillon des vins
Lundi 25 février 2019 par Bertrand Collard
Le président de la République a séduit les responsables viticoles qui l'ont reçu ce 23 février. Il a marqué des points, faisant preuve d'écoute et de disponibilité après une journée très chargée.
En voilà une bonne chose me dis-je.
Et je lis :
Il s’en est fallu de peu qu’Emmanuel Macron zappe le pavillon des vins lors de sa visite du salon de l’agriculture à Paris, le 23 février. Vers 19 heures, des membres de son équipe débarquent pour prévenir qu’il ne viendra pas. « Il a trop de retard », expliquent-ils aux responsables professionnels qui patientent depuis 16 heures, l’heure initialement prévue du passage du président de la République.
« Coup de sang »
« Nous sommes première filière agricole française en valeur, il n’est pas question qu’il ne vienne pas », s’emporte Jérôme Agostini, directeur du Cniv (comité national des interprofessions viticoles) à la surprise de son entourage. Mais son coup de sang porte ses fruits. Quelques échanges radio plus tard, la venue d’Emmanuel Macron est confirmée.
Il est 21 heures quand il arrive enfin, regrettant son retard. « Cela nous a permis de suivre les matchs de rugby de la France et de l’Angleterre », plaisante Jérôme Agostini. « Et quels sont les scores ? Personne ne m’a rien dit », répond le président. « La France a gagné, l’Angleterre a perdu ». Mais pas question de commenter les matchs, direction l’intérieur du stand.
On est presque dans le vaudeville avec les portes qui claquent, et des présidents qui laissent l’aboyeur de service faire son office. C’est à peine risible…
Ce qui l’est moins ce sont les sujets abordés par la fine fleur de la vigne France : ils sont dignes, en dehors du chiffon rouge glyphosate, d’une rencontre avec le Ministre de l’Agriculture ou même de ses directeurs.
Étonnant, non !
Pas tellement lorsqu’on connaît les préoccupations boutiquières des grands présidents.
Intermède plaisant :
En face de lui, le sommelier Etienne Laporte l’invite à une première dégustation : un vacqueyras blanc du domaine la Fourmone. « C’est une trouvaille, raconte-t-il. Vacqueyras est une appellation de rouge. Ce blanc est produit sur un terroir qui donne une grande finesse au vin. »
« Quel cépage ? » demande Emmanuel Macron. « C’est de la roussanne, un cépage de la Drôme, mais c’est un pur hasard », répond Etienne Laporte en regardant le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, élu de ce département. Comme tous les ans, le sommelier a choisi des vins en rapport avec ses invités.
Insoutenable légèreté !
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Glyphosate
Puis vient le buzz de la journée : la phrase d’Emmanuel Macron lors de son discours du matin : « je pense que nous pouvons faire du vignoble français le premier vignoble au monde sans glyphosate ». Dès que Jérôme Despey l’évoque, les commentaires fusent. C’est le brouhaha.
Jérôme Despey peine à poursuivre. Mais il y arrive. « [Un vignoble sans glyphosate]… sauf Côte Rôtie et Condrieu, finit-on par comprendre. Dans les vignes en forte pente et dans les vignes en terrasses, le travail du sol va créer de l’érosion. » Si la presse généraliste n’a rien saisi de cette difficulté, le président de la République l’a bien comprise. Sa conseillère agricole nous explique en aparté : « On va abandonner 85 % des usages du glyphosate. Les 15 % qui restent correspondent à des impasses : ce sont les vignes en pente et l’agriculture de conservation des sols ». L’herbicide sera maintenu dans ces deux cas.
Tient donc, en voilà une info.
Mais Emmanuel Macron n’écoute plus vraiment. Il est 21 h 30. Son entourage lui a déjà fait remarquer plusieurs fois qu’il est attendu ailleurs.
Mais pas question qu’il parte sans avoir dégusté un autre vin. Etienne Laporte a choisi un corton-renardes millésime 2011, un grand cru du domaine Maillard père et fils. Un vin à son image, allons-nous comprendre. « Ce vin est un oxymore : il est à la fois jeune et déjà évolué. Il est fin et élégant, mais on en perçoit assez vite la densité et l’épaisseur ».
Voilà je n’irai pas au-delà de ce compte-rendu de compte-rendu même si ma plume me démange, que voulez-vous, je sais qu’il est de bon ton, par ces temps de gilets jaunes, de regretter le « mépris » d’Emmanuel Macron pour les corps intermédiaires, mais dans le cas des OPA (organisations professionnelles agricoles) le Président les a brossé dans le sens du poil et il emboîte leurs pas avec enthousiasme.
Ça m’inquiète…
Rajout :
Jérôme Despey, qui préside le conseil spécialisé vins de l’organisme public Franceagrimer, estime que pour 20 à 30 % des 800 000 hectares de vigne que compte la France, il y aura des « impasses ». « Nous avons des zones à forte pente où il est impossible de s’occuper du sol avec des machines, et où on est obligé d’utiliser des herbicides chimiques pour empêcher l’érosion des sols », fait-il valoir.
Il cite notamment les terrasses du Larzac dans le sud de la France : « Si on n’utilise pas le glyphosate dans cette région, la viticulture c’est terminé ».
Les Terrasses du Larzac ont souhaité réagir par la voie de leur attachée de presse, Sarah Hargreaves:
« Nous tenons à rassurer immédiatement les nombreux fans de notre appellation : ils ne risquent pas de voir disparaître leurs vins préférés dans les années à venir.
En effet, non seulement l’AOC Terrasses du Larzac n’est pas menacée par une éventuelle interdiction du glyphosate, mais elle est bien au contraire en avance sur ce sujet ! A ce jour, près de 80% des producteurs de l’AOC sont en bio, ce qui en fait une des appellations les plus en pointe en la matière.
Nous nous réjouissons donc par avance d’accueillir prochainement en toute sérénité tous les amateurs qui souhaiteraient découvrir notre terroir, ses paysages magnifiques, et ses vins magiques. »
PS. Si vous êtes capables de mettre des noms sur la belle brochette de présidents je vous paye un verre...
Lundi, au salon de l’Agriculture, le comité national des interprofessions des vins AOP (CNIV) a relevé le défi lancé samedi par le président de la République. « Nous pouvons aller très, très vite pour sortir du glyphosate, d’autant plus vite que nous recevons des aides de l’État« , a déclaré Jean-Marie Barillère, président du CNIV lors d’une conférence de presse. « Quand je regarde le vignoble français, je pense que nous pouvons faire le premier vignoble du monde sans glyphosate, dans 80% des cas cette transition va d’ailleurs s’effectuer« , avait déclaré samedi le président de la République dans son discours d’inauguration du Salon de l’Agriculture, à propos de ce puissant désherbant, considéré comme « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La question du délai n’est toutefois pas résolue.
« Nous allons sortir du glyphosate, c’est sûr, c’est ce que demande la société, mais à quel terme, on ne sait pas exactement« , tempère Bernard Farges, un Bordelais, qui préside la CNAOC (vins et alcools AOC). « Le président a parlé de 80% du vignoble sans glyphosate d’ici trois ans, mais la sortie du gasoil pour le secteur automobile se fait en 25 ans, et pour celle du charbon, on ne sait pas encore« , relève-t-il. Jérôme Despey, qui préside le conseil spécialisé vins de l’organisme public FranceAgriMer, estime que pour 20 à 30% des 800.000 hectares de vigne que compte la France, il y aura des « impasses« . « Nous avons des zones à forte pente où il est impossible de s’occuper du sol avec des machines, et où on est obligé d’utiliser des herbicides chimiques pour empêcher l’érosion des sols« , fait-il valoir.
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