La réponse est NON !
Mon grand âge m’offre un double privilège : pouvoir témoigner du fil de l’Histoire que j’ai vécue et être chiant en rappelant à ceux des jeunes pousses qui écrivent sur la vigne et le vin que l’Histoire n’a pas commencé avec eux.
Sur le BIO c’est un étrange méli-mélo.
Dévidons l’écheveau du BIO :
Premier temps du bio : « les illuminés » la méthode Lemaire-Boucher, elle m’a de suite intéressée car je suis friand du bon pain, au début des années 70 alors que j’enseignais à l’école d’Agriculture des Etablières, établissement privé géré par les professionnels, je m’étais permis d’inviter des paysans pratiquant la méthode LB, je fus traduit devant le Conseil d’administration qui me menaça de me vider. Parler Bio c’était pécher !
Deuxième temps du bio : le bio politique, la Confédération Paysanne née à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, fait du bio une arme contre l’agriculture intensive. Le choc est violent entre la FNSEA et ces trouble-fête dont José Bové est la figure emblématique. Je l’ai vécu au sein des cabinets ministériels car je fus le père du texte permettant la reconnaissance de la représentativité de la CP.
11 avril 2006
Habillé pour l'hiver
En quelques mots, depuis la naissance de la FNSEA, au lendemain de la Libération, sur les restes de la Corporation paysanne de Vichy, au nom de l'unité du monde paysan, le gouvernement n'avait qu'un seul interlocuteur la FNSEA flanqué de sa branche jeune le CNJA. Sur le flanc gauche pendant longtemps le Modef, peu représentatif nationalement, jouait les utilités. Et puis, 1981 aidant, la Confédération Paysanne voyait le jour. Elle exigeait plus qu'un strapontin.
En 1988, je vous passe les détails, il fallait trancher entre les ultras des 2 camps : les touches pas à l'unité paysanne sinon je barre les routes et les puisqu'on est de gauche et que vous êtes de gauche imposez nous partout. Avec l'accord tacite du Ministre je choisis de passer par la voie du droit et de soumettre notre démarche à l'avis de l'Assemblée Générale du Conseil d'Etat. La représentativité syndicale dans la loi française est fondée sur des critères qui s'appliquent aux organisations de salariés. Pour l'agriculture : rien ! Alors nous avons proposé de constater la représentativité sur la base des résultats aux élections aux Chambres d'Agriculture.
Une belle fin de journée je suis donc allé défendre le texte devant l'AG du CE présidée par Marceau Long, la fine fleur du droit public français, tous les présidents de Chambre, un débat de haut niveau de plus de 2 heures où j'ai ferraillé avec pugnacité. Résultat : approbation du CE et publication du décret n°90-187 du 28 février 1990. Je l'ai baptisé le "décret félon " car dans les deux camps j'étais le traître, celui par qui la solution était arrivée.
Troisième temps du bio : la reconnaissance, d’abord des pratiques culturales en France puis dans l’Union, puis de la vinification au plan communautaire. (Voir ci-dessous)
Quatrième temps du Bio : « les ouvriers de la 25e heure », c’est le déferlement, comme un petit goût de mauvaise conscience de ceux qui ont entonné en leur temps « bio-cons », souvenir d’Hubert le Forestier ironisant, bref si je puis me permettre cette image, le cuivre s’est transmuté en or.
Vin bio, un marché en pleine expansion
La production et la consommation de vins bio augmentent, et stimulent l’ensemble des exportations de la filière. ICI
« Face à la vague du discount, le vin bio doit innover » ICI
La réalité du Bio : des textes normatifs
La culture biologique de la vigne est régie comme l’ensemble des productions végétales biologiques par le règlement européen CE 2092/911, commun à l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Le respect de ce cahier des charges est assuré par des contrôles effectués par des organismes certificateurs agréés (Ecocert, Qualité France, Ulase...) par l’état et donne le droit aux producteurs d’utiliser pour leurs produits la mention “agriculture biologique” ainsi que le logo AB. Les substances actives autorisées pour les traitements, les types d’amendement et de fertilisation sont définis dans des listes positives, toute alternative n’y figurant pas est de fait interdit. Depuis 2012, le règlement UE N° 203/2012 encadre la production de vin biologique.
La réglementation sur la vinification biologique a été adoptée à Bruxelles le 8 février 2012 au cours d'un vote au comité permanent d'agriculture biologique de la Commission Européenne réunissant les 27 Etats Membres. Le texte qui s'applique à compter du 1er août 2012 fait l'objet d'une fiche spécifique. ICI
Les détails ICI
Même si je ne vais pas me faire des amis en l’écrivant : la vinification en bio est cousine germaine de la vinification dite traditionnelle. Je défie les grands dégustateurs de déceler à l’aveugle un vin vinifié en bio dans un univers de vins vinifiés avec les armes des vendeurs de poudre de perlin-pinpin.
C’est du pipeau, de la pure communication, beaucoup sont autant formatés que les vins traditionnels.
Attention, lisez-moi bien, je parle de la vinification (j’ai suivi l’intense lobbying des marchands de produits œnologiques à Bruxelles lors de la définition du vin biologique, croyez-moi ils ont gagné avec la complicité de certains de nos partenaires, tout particulièrement les allemands).
Le type de discours ci-dessous est emblématique du gloubiboulga à propos du bio, on en fait un bloc alors que, désolé, la césure entre la vigne et le chai est une réalité.
« Le bio coûte 30 % plus cher que le conventionnel à produire. Et la biodynamie coûte 50 % plus cher. Pour qu’une propriété soit rentable, elle doit résoudre l’équation entre le coût de revient, le rendement et la valorisation. Or, cette dernière se fait sur la qualité du vin, qui transmet le terroir et fidélise les clients. »
Hé oui, on ne sort de ambiguïté qu’à son détriment…
ÉDITO.
Le Point Vin inaugure une série d'articles et d'interviews sur l'avenir des pratiques et labels biologiques dans la viticulture.
Par Jacques Dupont