Laval fils d’aubergiste entreprenant n’est pas né dans une famille pauvre, mais il vient du peuple et ne cherche pas à le cacher. Son appétit de pouvoir et de richesse est-il une revanche sociale ? Ses contemporains n’en doutent pas, lorsqu’il achète le château de son village puis quand il unit sa fille au rejeton d’une famille aristocratique en vue ; Est-il paradoxal que l’inventeur de la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie, à l’été 1940, soit un enfant du peuple, à l’instar de Hitler, Mussolini, Staline et Pétain, quand des patriciens comme Churchill, Roosevelt et de Gaulle se font les champions des démocraties libérales ?
L’époque est au vertige démocratique ; les libéraux craignent les masses soumises à la démagogie électorale, émancipées par l’idéal socialiste. Ils ne détestent pas recourir à des enfants du peuple pour les encadrer. Laval fait un Mussolini acceptable pour une bourgeoisie inquiète, un Mussolini tempéré, adapté au régime parlementaire, capable de dompter le peuple sans sacrifier les libertés des élites. Il est troublant de la comparer avec Pétain, d’origine modeste comme lui. L’image du Maréchal transcende la probité simple du fils de paysan pour devenir le symbole de tous les Français. Laval, lui, apparaît comme un traître à sa classe, sans jamais être considéré comme un bourgeois.. Avant d’être détesté, il est exilé dans un entre-deux social, qui résonne avec son rejet des taxinomies idéologiques et partisanes. À la veille de sa mort, il en est encore à revendiquer son origine sociale, comme si elle n’allait pas de soi. Il en fait une garantie d’honnêteté intellectuelle et de cohérence politique. On peut lire l’histoire de cet homme palindrome dans tous les sens, on en revient toujours à cette qualité, la seule dont il n’est pas responsable : il est un fils du peuple, un enfant d’Auvergne. « On m’a représenté comme un malin, comme un roublard, alors que j’ai toujours lutté avec l’intelligence vierge et simple d’un enfant du peuple. On m’a toujours représenté comme un ennemi du peuple, alors que ceux qui me connaissent savent que c’est lui que je défendais. »
Extrait de Pierre Laval Un mystère français Renaud Meltz Perrin
« Qu’est-ce donc que M. Laval ? Ce n’est pas l’Université où il ne fit que passer. Ce n’est pas le Palais, car il n’a pas l’esprit chicaneur du robin. Ce n’est pas davantage le journalisme, car il se contenta d’essayer sa plume chez un de nos confrères. Non ! M. Pierre Laval, c’est le peuple. C’est au peuple qu’il a emprunté son bon sens souverain, son amour du réel, son horreur du verbalisme. »
Le Petit Journal 15 octobre 1934