ADC : Que pensez-vous de la vogue des vins dits « nature » ?
- Ça n’existe pas ! La nature ne fait pas du vin, mais du vinaigre : le vin est une invention de l’homme. Le vin nature est une offense à l’esthétique, une offense au terroir, car le vin nature exprime rarement le terroir. Sans parler des défauts : oxydation, reprise de fermentation, autolyse des levures… Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le vin qui désoiffe mais celui qui inspire.
« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »
C’est la cinquième demande du Notre Père que j’ai si souvent rabâché, débité à toute blinde comme on se débarrasse d’une corvée.
« Demander le pardon, écrivait Sainte Thérèse d’Avila, c’est reconnaître notre faiblesse, notre péché, nos résistances à l’accueil de l’amour de Dieu, et ainsi nous ouvrir à la grâce. »
Je n’ironiserai pas sur le sens de l’esthétique de nos winemakers goulus, ces stakhanovistes de l’extraction, ces mondialistes de vins sans âme, formatés, tripatouillés, maquillés, la quintessence du faux luxe pour les nouveaux riches, les oligarques.
C’est la culture Louis Vuitton !
Quand à ce pauvre terroir, invoqué, jamais défini, leurre absolu, il est bien plus offensé par tout ce qu’on y balance, avec la complicité des consultants indifférents, depuis des décennies que par l’érection des vins dit nature.
Cette charge outrancière, bien plus aigre que ce fameux vinaigre si souvent invoqué par ces pharisiens des chais, c’est le marketing du buzz.
Posture, imposture, les plus ardents défenseurs de l’art officiel, celui des grands vins à la mode winemakers, même lorsqu’ils se disent rock-and-roll, ex-mauvais garçon, on peut aimer Tom Waits tout en n’étant guère borderline, ne sont que la queue de comète d’une société d’hyperconsommation où la distinction se mesure à l’épaisseur de son compte en banque.
Faut assumer les mecs !
115 domaines en France et 19 à l’étranger, des États-Unis à la Syrie, c’est du taylorisme moderne.
Votre suffisance est un vrai signe de faiblesse.
Remettez votre nez dans vos éprouvettes et laissez-nous le soin d’exprimer nos goûts qui, ne vous en déplaise, sont tout aussi respectables que les vôtres.
Vos vins ne m’inspirent pas, sans doute suis-je trop peu cultivé, je n’ai pas fait la LPV, je préfère les vins du défunt Henry-Frédéric Roch à vos vins sans âme, fruit de calculs, photoshopés, je ne vois pas au nom de quoi vous vous érigez en juge des élégances.
Vous l’êtes, si peu, élégants.
La nature ne fait rien, même pas du vin, ni du vinaigre d'ailleurs, c’est la main de l’homme qui fait, alors de grâce à l’image de ces confesseurs impérieux listant nos fautes, cessez de nous emmerder avec celle des prétendus défauts des vins nature, bien sûr qu’il y a des vins nature imbuvables mais que dire des vins de faux-luxe assis sur une masse à 2 balles qui peuple les rayons de la GD ?
Rien, les œnologues et les marchands de poudre de perlin pinpin, alliés aux marqueteurs, ont habillé le vin populaire avec les fringues des bourgeois, certains winemakers y posent leurs signatures pour quelques euros de plus.
Les affaires sont les affaires, je n’ai rien contre, bien au contraire, mais de grâce ne venez pas du haut de votre chaire nous donner des leçons d’œnologie.
On s’en branle de votre tambouille mais n’affirmez pas que vous n’en fassiez pas !
Sur votre lisse tout glisse, morne plaine, ennui, vous tentez de nous faire accroire que vous sculptez des vins alors que vous ne faites que des décalcomanies.
Comme le Père Noël le vin nature n’existe pas mais, même si ça vous énerve, il est bien présent, se vend, s’exporte, prend place sur des belles tables, fait découvrir le vin à des néo-consommateurs, joie et bonne humeur dans les bars à vin, tout le contraire des airs compassés de vos master-class.
Que « Tu parles Charles… » ne vienne pas ramener sa fraise pour me taxer d’aigreur, je ne fais que répondre, avec mesure, à un propos outrancier.
Et puis, cerise sur le gâteau, voilà t’y pas que les récupérateurs de tendance, le Grand Gégé en tête, se ruent, comme la vérole sur le bas-clergé, sur la dénomination nature pour fourguer leur jaja de GD.
Reste le péché mortel, l’horreur absolue, celui qui te jette dans la géhenne, les affres des feux de l’enfer, mais qui, d’un petit coup de machine à laver plus blanc que blanc, la confession, un acte de contrition, 2 pater et un ave, te remet sur pied, te redonne ta virginité.
Il en est ainsi de nos winemakers en transit dans les hubs d’aéroport, c’est leur storytelling, ils sont les rebouteux modernes, ceux par qui les vins bancals remarchent, les vins malades guérissent, les vins mal foutus se refont une beauté pour défiler sur les podiums.
C’est un métier, pas un sacerdoce, alors merci de cesser de nous faire la morale. Allons, allons, les gars, y'a pas de filles ou peu, si le génie se nichait dans la technique ça se saurait depuis le temps.
En buvant ce je bois je n’offense ni l’esthétique, ni le terroir, je bois, je me donne du plaisir, je partage, je n’ai à implorer aucun pardon pour mes fautes de goût auprès des gardiens du temple, qui ne sont d’ailleurs que des marchands du temple, je suis un vieil homme indigne vos boulevards ne sont pas les miens, je préfère les chemins de traverse, la nature quoi !
C'est également un grand acteur qui a joué dans Short Cuts deRobert Altman, Dracula de Francis Ford Coppola, Coffee and Cigarettes, Down by Law de Jim Jarmush dont il a écrit la bande son qui est une petite merveille