Au temps où le BNIC sponsorisait le festival du film policier de Cognac, j’ai assisté à l’avant-première du film de Claude Chabrol « Le poulet au vinaigre ». On ripaillait et buvait sec du côté des habitués, Jean Carmet en tête.
Le film fut projeté en début d’après-midi aux festivaliers happy few. Le déjeuner ayant été bien arrosé je ne dénoncerai personne mais, je puis vous assurer, que les siestes postprandiales touchèrent une grande part de ce public huppé.
Ce jour-là je n’étais à la table de Claude Chabrol mais à celle du beauf de Tonton, Roger Hanin, et de madame Christine Gouze-Rénal, la sœur de Danielle Mitterrand, qui fut l'impresario de Brigitte Bardot. Roger occupait beaucoup de volume et, lorsque je lui avouai que j’étais membre du cabinet de Michel Rocard, il prononça des paroles très aimables à l’égard de celui-ci.
Pour dîner avec Chabrol je dus attendre quelques années. Ce fut lors des 20 ans du Festival d’Avoriaz, en 1992. Le 18 janvier, au restaurant Les Dromonts , j’étais assis à côté de Dominique Sanda, membre du jury, ce fut un grand et beau moment de conversation détendue. J’étais accompagné de ma fille Anne-Cécile.
Pour elle c’était son second Avoriaz, en effet, en 1985, accompagnée d’une de ses copines du collège, très cinéphile, elles s’étaient gorgées d’horreur, moi aussi par la même occasion. Le jury était présidé par Robert de Niro, les organisateurs lui avait fait une statue grandeur nature en chocolat, et le grand prix fut attribué à The Terminator de James Cameron avec Schwarzenegger.
Voilà pour mes souvenirs.
« Dans une petite ville de province (ndlr comme les aimait Chabrol), un employé des postes bizarre et sa mère infirme subissent les assauts répétés de trois vautours qui lorgnent leur propriété. Survient un accident, peut-être un crime ? L’inspecteur Lavardin, qui aime mes œufs au plat assaisonnés de paprika, mène l’enquête. Magouilles immobilières, morts suspectes, disparitions semblent la métaphore de la recette du poulet au vinaigre, dont raffolait Claude Chabrol – selon la recette d’Alain Chapel – qui consistait à déglacer quatre à cinq fois chaque morceau de la volaille au vinaigre de vin blanc et rouge successivement, aux différentes étapes de la cuisson. »
Ainsi écrivait Jean-Claude Ribaut.
Belle brochette d’acteurs :
Jean Poiret : inspecteur Jean Lavardin
Stéphane Audran : Madame Cuno
Lucas Belvaux : Louis Cuno
Michel Bouquet : Hubert Lavoisier
Caroline Cellier : Anna Foscarie
Jean Topart : Docteur Philippe Morasseau
Pauline Lafont : Henriette
Bien évidemment, Jean-Claude Ribaut « eu le plaisir de déjeuner avec ce monstre sacré à l’humour fracassant, entre deux tournages de l’un de ses derniers films consacré au monde judiciaire, sans autre ambition que de partager les plaisirs de la chère et de la conversation, en juillet 2005.J’ai choisi Michel Rostang pour deux raisons : ce cuisinier faisait figure de classique, un peu à la manière de Chabrol, mais aussi parce qu’il fut enrôlé comme jeune cuistot dans l’équipe de tournage de la Décade prodigieuse (1971) avec Orson Welles, dont Claude Chabrol se souvient avec déférence : « Au restaurant, le Beau Site à Ottrot, il commandait à lui seul deux côtes de bœuf pour deux personnes. Il avait un appétit d’ogre ! »
Après les amuse-bouches, Michel Rostang nous a présenté les cailles rôties sur un gratin dauphinois, en entrée, excusez du peu ! Le chef avait pris la mesure de son hôte, pourfendeur des mœurs de la bourgeoisie, mais pas de sa cuisine. »
[…]
« La pintade en vessie, précédée d’un exquis fumet, nous fut bientôt présentée sur le guéridon par le chef en personne. Claude Chabrol ne perdait pas un geste du manège et bientôt ronronnait de bonheur. Il évoqua fort à propos le souvenir du grand Jacques Manière, dont-il fut l’ami.
La Grande Bouffe ? Il n’a pas aimé. Il adapterait volontiers à ce film le mot de Roger Nimier à propos de Swift : (Instruction aux domestiques). : « La littérature anglaise est accrochée au plafond comme un jambon tranquilles, mais les jambons sont plus inquiets qu’il ne semble. »
Le Festin de Babette ? Esthétisant : « la caille en sarcophage est un plat infaisable ».
L’on mange beaucoup dans les films de Chabrol, mais d’une manière indiscernable ou conventionnelle. Claude Chabrol fut un faux ogre et un vrai moraliste de la table. »
Le Poulet au vinaigre évoque pour moi un autre souvenir celui du Pied de Fouet mais pour aujourd’hui j’en reste là, à chaque jour suffit sa peine.