Ce matin, en faisant ma revue de presse, je suis tombé sur une chronique dans le Quotidien du Médecin – oui je lis aussi le Quotidien du Médecin, éclectique comme le souligne Pax – « Comment se fait-il que ce qui fasse le plus défaut en médecine aujourd’hui soit l’humanité, la bienveillance et l’écoute ? En un mot l’empathie. »
Ce n’est pas un patient mais un médecin qui pose la question.
Cette année, et dans le passé, je suis passé entre les mains de sommités médicales de l’Assistance Publique, de grands professeurs, des sommités, compétents, et je dois à la vérité que je n’ai jamais eu à me plaindre de leur comportement même si parfois ils m’ont donné le sentiment de traiter un « beau cas », mon syndrome de Kent, Wolf-Parkinson-White par exemple, plutôt qu’un patient.
Il m’a fallu beaucoup pour dénicher un généraliste qui corresponde à ce qu’on nommait un médecin de famille, et non un débiteur d’ordonnances à la chaîne qui se contrefout de ce que vous lui dites. Je suis dur au mal, je ne demande pas qu’on me plaigne mais la douleur physique ça existe – mon valdingue à vélo, mon poumon perforé et mes côtes cassées ce n’était pas une partie de plaisir – et elle ne soigne pas qu’avec des médocs.
Récemment, une amie qui souffrait d’une double hernie vertébrale s’est vu balancer aux urgences de la Pitié-Salpêtrière, « il faut souffrir, madame ! » après un parcours médical erratique elle a dû se faire opérer.
Le corps médical ne détient pas le monopole de l’absence ou du peu d’empathie, la pandémie touche toutes les catégories de la population, c’est le tout pour ma pomme qui prime à tous les étages de la vie sociale, au travail, à la ville, à la campagne, sur la chaussée, sur les trottoirs, dans les commerces, nous ne savons plus vivre ensemble.
Pessimiste ?
Oui, alors que l’émotion individuelle, en chambre, sur les écrans, vit de beau jour, l’empathie est une valeur rare.
Qu’est-ce que l’empathie ?
Étymologiquement, « empathie » provient du terme einfuhlung, qui fait référence à la projection d’une personne dans la situation de l’autre.
L’empathie, est la capacité à ressentir une émotion qui est appropriée, en réponse à celle qui est exprimée par autrui. En plus de ce ressenti de l’émotion de l’autre, il faut être capable de dissocier soi de l’autre, et de réguler ses propres réponses émotionnelles. C’est ainsi une source de connaissance de l’état psychologique de l’autre.
Il convient de faire une distinction entre empathie, sympathie et compassion.
« La personne qui nous paraît « sympathique » est un peu comme notre propre reflet dans un miroir. A priori, puisqu’elle partage les mêmes sentiments que nous, elle nous paraît proche de nous. Ainsi, il est possible d’être sympathique (car partageant la même émotion) et pas forcément empathique (car je ne sais pas vraiment à qui appartient ce que je ressens ici et maintenant). »
« La compassion est définie comme le désir de mettre fin aux souffrances d’autrui et à leurs causes. L’objectif est plus orienté vers la notion de souffrance. Compatir, c’est “souffrir avec” d’après la racine latine cum patior. »
Revenons au cas spécifique du médecin, surtout lorsqu’on se retrouve en état de dépendance sur un lit d’hôpital ou lorsque la vieillesse vous prive de votre autonomie :
Dans un livre intitulé « Médecin, lève-toi ! » paru le 8 novembre (*), le Dr Philippe Baudon lance un véritable cri d’alerte auprès de ses confrères et les invite à renouer avec les valeurs du serment d’Hippocrate qu’il estime « quotidiennement bafoué, voire ignoré, par des médecins qui se placent au-dessus des fondamentaux de la médecine ».
Arrogants et méprisants
Dans cet ouvrage parsemé d’anecdotes personnelles, le généraliste raconte comment il a fait lui-même l’expérience de ces dérives alors que sa femme était traitée dans un grand hôpital parisien pour un glioblastome. Le Dr Baudon passe alors de l’autre côté du miroir et découvre la « maltraitante psychologique » dont sont victimes, dit-il, des patients déjà gravement malades. Il stigmatise plus particulièrement le comportement de certains médecins hospitaliers « toxiques », devenus « arrogants et méprisants » et dépourvus d’« humilité ».
« Madame, si dans six mois vous êtes toujours en vie, compte tenu de votre pathologie, vous ferez partie des 5 % de survivants », répondra à sa femme le praticien chargé de la suivre. « Qui peut, dans une situation d’inquiétude aussi majeure, supporter ce type de réponse ? », s’interroge le Dr Baudon pour qui le médecin, s’il a le devoir de dire la vérité à ses patients, ne peut en aucun cas réduire leur espoir à néant.
Certes, ces praticiens ont des circonstances atténuantes, reconnaît le généraliste : usure, manque de temps et de moyen, pression de la rentabilité… Mais ce n’est pas une excuse, suggère-t-il en écrivant que « nous, médecins, avons choisi d’exercer ce métier difficile et tourné vers autrui, quitte à s’exposer au burn-out, aucun malade lui n’a choisi d’être malade ».
Réapprendre à communiquer avec les patients
Comment sortir de ce cercle vicieux ?
En « positionnant l’humilité et l’écoute au sommet de la médecine », répond le Dr Baudon qui milite pour un enseignement de l’empathie au cours des études de médecine. Il faut « réapprendre à communiquer avec nos patients », écrit le généraliste qui prône une plus grande place pour l’interrogatoire et pour l’examen clinique qui doit être réalisé « avec la plus grande précision ». Cette séquence « immuable depuis la nuit des temps » serait aujourd’hui négligée par les praticiens, trop prompts à se réfugier derrière des examens techniques qui ne devraient que valider un diagnostic.
Le généraliste plaide également pour une meilleure coopération entre confrères. « En aucun cas il ne doit y avoir de compétition entre la médecine hospitalière et la médecine de proximité », écrite Dr Baudon qui évoque l'histoire vécue d'un enfant décédé dramatiquement en raison d'une mauvaise coopération entre praticiens.
Très critique, ce livre n'a pas la violence d'un pamphlet à la Winckler (« Les brutes en blanc »), et ne constitue pas une charge contre la profession dans son ensemble, mais davantage une invitation à se remettre en question, dans un environnement où la technologie prend toujours plus de place. « Aujourd’hui plus que jamais, notre humanité, notre intuition, notre bon sens et surtout notre empathie, sont nos seules chances d’exister en tant que médecins », considère le Dr Baudon.
Source : Lequotidiendumedecin.fr
Le serment d'Hippocrate
Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.