À la grande époque du Beaujolais Nouveau ce que j’appréciais tout particulièrement c’était une forme joyeuse de dramaturgie orchestrée par de célèbres ripailleurs bons buveurs qui ne se prenaient pas la tête et qui s’affichaient en public dans les médias sans souci de leur image. On l’attendait comme le Messie le Beaujolais Nouveau dans le monde entier. Une belle saga qui a tourné au vinaigre. Comme chacun sait notre brave Bojolo Nouvo s’est payé une grosse gamelle, entrainant dans sa chute toute l’appellation, et après avoir été adulé il s’est fait méchamment dézinguer. Et plus dure fut la chute, beaucoup d’anciens laudateurs s’empressèrent de retourner leur veste pour rejoindre la nouvelle génération de buveurs qui souhaitaient faire la fête le fameux troisième jeudi de novembre avec un jaja un peu plus authentique, plus nature.
Ces lignes sont de novembre 2012
René Fallet.
« Et le Beaujolais nouveau arriva.
Et du Nord au Midi, comme tous les 15 novembre, un printemps d'affichettes bleu ciel, rouges, orange, vertes, fleurit aux vitrines des débits de boissons, pour annoncer aux passants mornes que le petit Jésus du vin était né. Et les passants mornes s'éclairaient à la vue de ces papillons, et une goutte de rubis tombait sur leur vie grise, leur demeurait à la lèvre en confetti de sang...
LE BEAUJOLAIS NOUVEAU EST ARRIVE !!!
Ce Te Deum éclatait sur Paris, sur toutes les grandes villes, roulait dans leurs artères, chantait Montmartre et Contrescarpe, défilait dans la rue St Denis, tintait louis d'or sur tous les zincs où se pressait le peuple pour voir et toucher le divin enfant de l'année (...)
Le Beaujolais nouveau est arrivé, la fête est revenue pour quelques jours, fête tuée par l'armée des pisse-vinaigre mais ressuscitée en cachette par les chante-la-joie increvables comme elle (...)
Le Beaujolais nouveau est arrivé ! Coquinet de la cuisse, un poil canaille, sans soutien-gorge, un rien pute, léger et court vêtu, un brin muguet, un brin de fille, un doigt de Dieu, un doigt de cour. Il coulait source dans les hommes, il ne repartirait qu'en leur laissant au coeur le plus clair de la vie, la vertu d'un sourire (...)
Il voyageait aussi, ce doux cul-terreux de la Saône, ce joli voyou de la Guillotière, que les anciens paraient du nom superbe et royal de " Fils de l'amour ". Il prenait l'avion, ce fils de la terre, et s'en allait à l'autre bout, fils du soleil, porter la bonne parole, la bonne aventure aux quatre coins, chez les Anglais, les Canadiens et les Américains. New Beaujolais is here ! En Allemagne et en Belgique, ce fafardet soufflait la mousse de la bière, le temps d'une embellie. En Suisse, son voisin et son premier client, il prenait l'accent de Lausanne pour crier "coucou!" dans le fond des bouteilles.
" Me voilà, je suis arrivé ! ", commençait-il partout. Et puis il pérorait avec les mains, bousculait l'éventail politique, perdait le fil, le retrouvait, touchait une paire de fesses par-ci, une paire de seins par-là, tendrement dingue, si gentiment zin-zin qu'on lui pardonnait tout ainsi qu'à un enfant gâté.
Papa Bréchard c’était pépé primeur
« Mais revenons à nos feuillettes. Longtemps, nos vins ont pu se contenter de n’être que de bons petits vins faits pour la carafe et le café. Sensible au charme « écologique » eu barriquaillage qui lui donnait la promesse d’un vin authentique de vrai vigneron – en direct du producteur au consommateur – la clientèle, essentiellement locale, pardonnait la faiblesse ou la rusticité de ce beaujolais de bonne franquette. Par exemple je me souviens de vin livré dans la précipitation et qui démarrait sa « malo » au comptoir, cette malo dont on ne savait pas grand-chose alors, sinon qu’elle faisait un temps le vin revêche et amer, quasi imbuvable et que l’on appelait seconde fermentation. Eh bien, personne ne se fâchait, on supportait cet avatar provisoire avec constance, comme une maladie infantile, la rougeole ou la varicelle, dont le vin sortirait plus fort et meilleur qu’avant. Essayez donc maintenant d’écouler du beaujolais qui n’aurait pas fait sa malo !
Avec la mise en place progressive du négoce qui a considérablement élargi les zones de diffusion de nos vins, mais aussi gommé le folklore, la clientèle frustrée de barriquaillage pittoresque, a retrouvé le goût juste et sans indulgence, elle exigé du primeur mieux élaboré, plus étoffé. Bon gré mal gré le vignoble a suivi pour le plus grand bien de tous. Les vignerons décidés à faire du primeur, ou ceux qui n’avaient pas de meilleure alternative – je pense surtout aux miens, ceux du Sud – se sont appliqués. Ils ont démontrés, nonobstant les tentatives ultérieurs d’autres vignobles attirés par la poule aux œufs d’or, que l’association terroir beaujolais/gamay noir à jus blanc, donnait par vocation et quand on le voulait bien, le meilleur primeur rouge du monde, souvent imité, rarement égalé, jamais dépassé et croyez-moi, c’est pas de la réclame mensongère...
On fit tant et si bien que le primeur est, en quelque sorte, devenu une appellation officieuse dans l’appellation beaujolaise. Conséquence plaisante, Chiroubles, Brouilly, tous les crus ont pu dans l’esprit du consommateur, se démarquer du simple label beaujolais puisqu’ils ne font pas le vin en primeur, prendre leur essor, s’imposer comme beaujolais haut de gamme porte-drapeaux de l’appellation. Conséquence plus préoccupante pour les beaujolais et beaujolais-villages classiques, coincés entre la notoriété universelle des primeurs et des crus. Sans image de marque précise, pour eux la partie se compliquait, elle l’est toujours hélas, et de plus en plus au fur et à mesure que le primeur gagne des parts de marché. » [...]
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Sa conclusion sonnait juste « Le beaujolais n’est pas un produit industriel, et le vigneron beaujolais ne gagnera pas son argent en jouant sur la quantité. Voilà, c’est mon conseil, peut-être le dernier, à mes successeurs. »
Lundi, au hasard de mes pérégrinations vineuses je suis tombé sur un livre signé par Jacques Puisais
Avec l’irruption des naturistes sur la planète vin, le bojolo nouveau retrouve des couleurs, les cavistes, c’est ainsi qu’on baptise les marchands de vin du XXIe siècle, les vrais, les purs et durs, les alternatifs, les survoltés du clavier, les insoumis du litron, déversent ce fameux ce troisième jeudi de novembre des flots de beaujolais nouveau nature bien entendu.
Ça ripaille, ça picole, ça rigole, ça affole les Diafoirus modernes gardien de notre Santé Publique, ça rend folle la caisse enregistreuse, ça colle du rose aux joues des filles, ça vole pas toujours très haut mais ça fait du bien au populo des réseaux sociaux.
- Ici Même 68 rue de Charenton, 75012 Paris dans l’épicentre des vins nus
- La cave des Papilles du 35 rue Daguerre mes voisins du 14e
- Paco le coco d’Ivry 40 rue Marat 94200 Ivry-sur-Seine
Bojos de Julien Merle et Jean Claude Lapalu, et à 17h00 , mise en bouteilles devant la cave du primeur de la Grange aux Belles avec le vigneron Julien Bresteau , c'est un grolleau, à 19h fanfare, dégustation gratuite et possibilité de boire sur place avec assiettes de salaisons et fromages.
Jean Claude Lapalu nous à livré ses Bojos nouveaux , c'est jeudi ...😉
- La cave des Climats 35 rue de Verneuil 75007 Paris là c’est le grand chic bourgeois