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28 novembre 2018 3 28 /11 /novembre /2018 06:00
Les gilets jaunes sont les symptômes du mauvais état d’une part du tissu social de la France mais il serait vain de croire que le pouvoir dispose à court terme des moyens de le ravauder…

Commençons par une analyse qui me semble mesurée et pertinente : 

La couleur des gilets jaunes

par Aurélien Delpirou , le 23 novembre

 

Jacquerie, révolte des périphéries, revanche des prolos… Les premières analyses du mouvement des gilets jaunes mobilisent de nombreuses prénotions sociologiques. Ce mouvement cependant ne reflète pas une France coupée en deux, mais une multiplicité d’interdépendances territoriales.

 

La mobilisation des gilets jaunes a fait l’objet ces derniers jours d’une couverture médiatique exceptionnelle. Alors que les journalistes étaient à l’affut du moindre débordement, quelques figures médiatiques récurrentes se sont succédé sur les plateaux de télévision et de radio pour apporter des éléments d’analyse et d’interprétation du mouvement. Naturellement, chacun y a vu une validation de sa propre théorie sur l’état de la société française. Certains termes ont fait florès, comme jacquerie — qui désigne les révoltes paysannes dans la France d’Ancien Régime — lancé par Éric Zemmour dès le vendredi 16, puis repris par une partie de la presse régionale [1]. De son côté, Le Figaro prenait la défense de ces nouveaux ploucs-émissaires, tandis que sur Europe 1, Christophe Guilluy se réjouissait presque de la fronde de « sa » France périphérique — appelée plus abruptement cette France-là par Franz-Olivier Giesbert — et Nicolas Baverez dissertait sur la revanche des citoyens de base.

 

Au-delà de leur violence symbolique et de leur condescendance, ces propos répétés ad nauseam urbi et orbi disent sans aucun doute moins de choses sur les gilets jaunes que sur les représentations sociales et spatiales de leurs auteurs. Aussi, s’il faudra des enquêtes approfondies et le recul de l’analyse pour comprendre ce qui se joue précisément dans ce mouvement, il semble utile de déconstruire dès maintenant un certain nombre de prénotions qui saturent le débat public. Nous souhaitons ici expliciter quatre d’entre elles, formalisées de manière systématique en termes d’opposition : entre villes et campagnes, entre centres-villes et couronnes périurbaines, entre bobos et classes populaires, entre métropoles privilégiées et territoires oubliés par l’action publique. À défaut de fournir des grilles de lecture stabilisées, la mise à distance de ces caricatures peut constituer un premier pas vers une meilleure compréhension des ressorts et des enjeux de la contestation en cours.

 

La suite ICI 

 

Michèle Cotta, analyste pertinente du vieux monde politique, dans une chronique titrée Gilets jaunes : la nouvelle donne politique, met le doigt sur le désarroi du pouvoir :

 

Mobilisation, sociologie... Tout est inédit dans ce mouvement social, qui a échappé à tous les partis, mais aussi aux syndicats. ICI 

 

J’ajouterai nos inutiles sénateurs, soi-disant sont les représentants des territoires ruraux, confits dans leur Palais du Luxembourg, gavés de privilèges et de prébendes, qui n’ont, depuis des décennies, laissé cette France dites périphérique se vider, se déchirer, pire certains maires y ont mis la main en favorisant l’implantation de zones commerciales qui ont vidé les centres des villes moyennes et tué le commerce de proximité des bourgs ruraux.

 

Mais exonérer totalement de toute responsabilité les habitants de ces zones serait réducteur, en effet le « tout bagnole », en dehors de la pure nécessité pour des raisons professionnelles, a accéléré le mouvement, condamné les petites lignes de chemin de fer et de cars, fait fuir boulanger, épicier, boucher…

 

Cependant, comme l’écrit, Xavier Alberti, Avant qu’il ne soit trop tard, se contenter de pointer du doigt, d’analyser, souvent avec des œillères, le parti-pris de son idéologie, les causes du malaise, ne débouche sur rien de concret.

 

C’est à dessein que j’ai utilisé le verbe RAVAUDER.

 

Raccommoder à l'aiguille, rapiécer, repriser de vieux vêtements. Ravauder des chaussettes.

 

« Sa mère tôt veuve, lavant et ravaudant le linge des commères dans sa pauvre chaumine » Bernanos, Imposture, 1927, p. 364.

 

« Trois sœurs, destinées, non seulement à enseigner à lire, à écrire aux jeunes paysannes (...) mais encore à coudre, à tricoter, à ravauder, à rapetasser » Fabre, Courbezon, 1862, p. 47.

 

Raccommoder, rapiécer, ravauder, rapetasser… c’est l’ancien monde, celui de ma mémé Marie, aujourd’hui on jette, on rachète, on gaspille, on veut du tout préparé.

 

Nos politiques, aussi bien ceux, aux extrêmes, qui soufflent sur les braises en espérant tirer les marrons du feu, que ceux qui ont longtemps tenus les manettes du pouvoir et qui sont amnésiques, gourmands qu’ils sont de les reprendre, que ceux qui sont en charge des responsabilités et qui n’ont pas su maîtriser leur victoire.

 

À force de voter, depuis des décennies, pour des promesses non tenues beaucoup ne votent plus et maintenant descendent dans la rue avec pour seul point commun, ou presque, un gilet jaune et des refus.

 

« Pour ce qui est de notre environnement social, les signaux sont plus faibles en apparence mais ils sont bien là. L’accaparement du pouvoir, des ressources et des richesses, par une aristocratie qui ne dit pas son nom, ainsi que l’illisibilité de modèles technocratiques hors sols et l’empilement depuis des décennies de politiques publiques inefficaces, ont poussé les opinions à se retrancher et à revenir sur leurs bases arrières, celles de l’identité et de sa défense. Ce retranchement se traduit dans les urnes du monde occidental depuis plus de 10 ans et commence désormais à porter au pouvoir de grandes démocraties, des gouvernements ouvertement identitaires et nationalistes.

 

En France, la dernière élection présidentielle a offert, en guise de fin de non-recevoir à la classe dirigeante en place jusqu’à présent, une surprise démocratique et progressiste, un Président jeune, inattendu et déterminé. Pourtant, quel que soit son talent, son empressement a vite donné le tournis et a rendu son projet illisible à une bonne partie des Français pendant que son parler cash finissait de creuser le fossé qui séparait déjà le peuple et ses dirigeants. Son intention était sans doute bonne, la perception est néanmoins désastreuse. Pendant ce temps, les nationalistes français continuent  inexorablement de se nourrir du déclassement social ou de la précarité qui fragilise et qui pousse à vouloir se protéger, de tout et de tous.

 

C’est dans ce contexte que surgissent çà et là des initiatives plus ou moins structurées, qui témoignent d’un ras-le-bol qui se nourrit de tout et de rien. Ainsi, les  Gilets Jaunes ne sont-ils que la manifestation visible d’un mouvement social profond par lequel les populations qui subissent les violences économiques depuis des décennies, convergent finalement vers le plus petit dénominateur commun, la recherche de l’ennemi. C’est ainsi, et ça l’a souvent été dans l’Histoire moderne de notre continent, que le ras-le-bol mène à la colère et que la colère mène à la détestation… Aujourd’hui cette détestation n’habite pas chaque protestataire mais elle se lit, sur quelques barrages, dans quelques manifestations, dans quelques scrutins, dans quelques quartiers, dans beaucoup de sondages et évidemment, sur les réseaux sociaux, véritables caisses de résonance de la haine ordinaire.

 

Ainsi, loin de se satisfaire d’une simple revendication sur la taxe carbone, les gilets jaunes ont-ils rapidement emprunté les chemins qui mènent à l’opposition de classes ou de castes avant de se retrouver sur l’essentiel, la détestation, des politiques bien sûr, mais aussi des banquiers, des bourgeois, des bobos, des technos, des journalistes, des urbains, des homos, des Frangins, des juifs, des musulmans et bien sûr des migrants… On pourrait facilement se dire que dans nos sociétés pacifiées, ces mouvements naissent, s’agitent et disparaissent comme nombre de ceux qui leur ont précédé. Mais voilà, un jour, la détestation devient majoritaire, alors vient la violence. »

ICI 

 

Tout comme pour le tissu des banlieues déglinguées, celui de ces zones rurales délaissées, de ces citoyens qui se sentent ou se disent marginalisés, la seule délivrance d’une ordonnance vite fait bien fait sur le gaz, comme chez son médecin généraliste, ne suffira pas, elle ne fera qu’atténuer les symptômes sans s’attaquer au fond.

 

La détestation de Macron n’est qu’un exutoire qui ne fera pas long feu même si celui-ci, enfermé dans sa tour d’ivoire, trop inféodé aux analyses de la haute-fonction publique de Bercy, très éloigné de la méthode Rocard, a généré la mèche lente.

 

70 % des Français disent soutenir le mouvement des gilets jaunes mais reste bien au chaud pendant que la piétaille forme des barrages dans toute la France, envahit les parkings de la GD, défie le pouvoir sur les Champs Elysées.

 

C’est la révolte par procuration, la pétition en ligne un clic et c’est tout…

 

Tout et le contraire de tout, le refuge du virtuel, le miel des chaînes dites d’infos, l’audience, la consommation toujours la consommation… ICI BFM, UN LYNCHAGE PAR LE SIMPLE SILENCE 

 

Allons-nous faire nôtre cette citation attribuée à Félix Houphouët-Boigny :

 

« Nous étions au bord du précipice et nous avons fait un grand pas en avant ! »

 

Allons-nous confier notre sort à un pouvoir qui se dira fort ?

 

À force de dégager la volaille politique qui restera-t-il ?

 

Je n’ai pas de solutions clé en mains dans ma boîte à outils car c’est nous tous qui sommes la solution, car à des degrés divers nous sommes le système vilipendé.

 

Nos gilets jaunes sont nés sur le Net au travers d’outils érigés par les GAFA, ce ne sont pas tout à fait des gueux, des laissés pour compte, on les qualifie de Français moyen et, ne leur en déplaise, leurs revendications sur les taxes, le plus d’Etat, de services publics chez eux, ne seront que des cautères sur des jambes de bois.

 

Que faire ?

 

C’est notre défi.

 

Le défi du vivre ensemble qui, pour être relevé, ne pourra être que refus, exécration, dégagisme brutal, mais acceptation du compromis collectif, d’un nouveau pacte.

 

Belles paroles me direz-vous, mais on a souvent reproché à Michel Rocard ses visions planétaires tout en se moquant de lui lors de son discours d’investiture :

 

« Repeindre les boites aux lettres et les cages d'escaliers ».

 

Rocard surprend par son « parler vrai » qui contraste avec les envolées lyriques de Pierre Mauroy en 1981 et le ton mesuré de Fabius en 1984 : c'est le « style Rocard », le « ton Rocard ». Le Premier ministre va jusqu'à prendre des accents de Martin Luther King : « Je rêve d'un pays où l'on se parle à nouveau, je rêve de villes où les tensions sont moindres (...) ».

 

« Accueilli sur certains bancs par des ricanements ou de la commisération, ce discours est prémonitoire », jugent Pierre Favier et Michel Martin-Roland. « Il prend la mesure d'un mal, celui des banlieues, qui peu à peu s'imposera à tout discours politique de droite ou de gauche ». Le deuxième sujet, plus technique, présente les principales mesures sociales envisagées par le gouvernement Rocard, notamment le RMI et l'impôt de solidarité sur la fortune.

 

Embrasser d’un même mouvement l’infiniment petit du quotidien et les grands défis du monde, ravauder le tissu social tout en assumant les désordres du monde.

 

Ce n’est pas une mince affaire, vaste programme, mais j’ai du mal à croire que nous relèverons ces défis en confiant notre destin à la rue car l’Histoire nous enseigne où l’aventure se termine. Prenons notre destin en mains, l’intelligence n’est pas le monopole de quelques-uns, commençons par balayer devant notre porte avant de demander aux voisins de le faire. Sortir de l’aquoibonisme tout en exigeant de ceux qui nous gouvernent, qui tiennent les rênes de l’économie de donner l’exemple, je suis vieux jeu  je crois dur comme fer à la vertu de l’exemple.

 

Pour finir, un point de vue francophone :

Gilets jaunes et cols blancs ICI 

MIS EN LIGNE LE 25/11/2018 À 06:00      PAR VINCENT ENGEL

 

  

 

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commentaires

P
Voila une superbe chronique, un point de vue original et instructif, qui modestement montre qu'il y a quelque chose à faire en tirant les leçons de l'expérience et de l'histoire mais que le chemin est long et rude et doit être consensuel.Et qu'il ne doit y avoir d'autre but que la victoire .Pas celle de la lutte des classes proclamée comme déjà gagnée par ce pauvre Warren Buffet.Puisque nous sommes en temps de guerre rappelons le langage de vérité de Churchill annonçant du sang et des larmes.<br /> Logé en Alsace je suis plus particulièrement les nouvelles de nos voisins allemands et suisses.<br /> Merci de rappeler qu'il y a aussi les Belges* et nous donner envie de m' abonner , cela à lire l'excellent article de Vincent Engel.<br /> Mais incapable de rester sérieux plus de 10 ligne je redoute que ce curieux choix de couleur pour un mouvement,ne finisse, compte tenu des parties en présence et de la nature humaine, à ne faire que des cocus de part et d'autre.<br /> * Dans la série on n'est jamais si bien servi que par soi même, définition d'un Alsacien : Un Belge qui n'a pas trouvé la Suisse
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