Qu’est-ce qu’un vin de garage ?
Comme il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints je vous donne la réponse de Jean-Luc Thunevin sur son blog ICI
Ce coquin de d’ex-DJ, un peu rocardien sur les bords, nous y dit « Je ne peux pas ne pas reprendre ce qu’a écrit Oz Clarke sur Valandraud…et moi »
« Jean Luc m’a expliqué que les prix élevés se justifient par le dur labeur et l’engagement. Quand on commence avec rien et qu’on ne peut produire que quelques milliers de bouteilles, il faut vendre cher. Et faire un vin à la hauteur. Et c’est là le secret d’un vrai producteur de vin de garage : c’est quelqu’un comme Thunevin qui se lance sans les moyens d’acheter des vignes décentes ni un équipement convenable, sans même la moindre expérience viticole, avec la seule conviction que sa méthode est imparable : se sacrifier corps et âme aux vignes qu’il a pu s’offrir ; réduire leur rendement de moitié ; en prendre soin pied par pied ; différer la récolte aussi et même plus longtemps que la prudence le permet, la faire si nécessaire baie par baie ; transporter le raisin, dans le cas de Jean-Luc Thunevin, dans son garage blotti dans une petite rue du bas-quartier de Saint Emilion ; acheter les meilleures barriques ; se concentrer totalement à la fermentation et à la maturation du vin, sans triche ni compromis ; éliminer impitoyablement tout le vin susceptible de ne pas refléter sa passion. Qui fait tout cela est un vrai producteur de vin de garage, capable d’obtenir un grand vin dont personne n’a jamais entendu parler. Si l’on accroche des négociants et des médias, et que le marché accepte de payer un prix exorbitant, on a prouvé que l’ordre ancien peut être bousculé et qu’une nouvelle méritocratie y a sa place. Cela s’est vu en Californie et en Australie mais, jusqu’à mon interlocuteur, jamais en bordelais. »
Jean-Luc je l’aime bien, c’est un ami.
Vin de garage ne signifie pas bricolage !
Alors, comme le cardinal Marty, aveyronnais, qui fut archevêque de Paris, je m’interroge sur la soudaine épidémie de « garagisme » qui sévit chez les adulateurs de vin nu.
Voilà t’y pas que la première ou le premier venu se rue sur l’élaboration si facile du vin nu : pas de problème t’as rien à branler, simplement contempler tel un lou ravi le jus fermenter…
J’oubliais, soit tu trouves un bout de vignes au diable vauvert, tu le loues en fermage ou en métayage, soit t’achète des raisins aux viticulteurs du coin.
Voilà t’es vigneronne ou vigneron !
C’est facile, simple, vigneronne ou vigneron, comme chacun sait, ce n’est pas un métier c’est une passion.
Ces braves gens ne travaillent que pour la gloire, le pur plaisir des joyeux licheurs, ce sont des nonnes et des moines – chers aux bourguignons – qui ne sèment ni ne moissonnent, roulent en mobylette, se nourrissent des légumes du jardin, des œufs de leurs poules qui picorent dans la cour, des lapins du clapier, parfois boivent le lait de leurs chèvres, adorent se rouler dans l’herbe de leurs vieilles vignes, faire griller sur les sarments des saucisses, vivre de l’air du temps quoi !
Faudrait peut-être arrêter de déconner ne croyez-vous pas !
Embrasser le dur métier de vigneronne et de vigneron ce n’est pas faire joujou avec le raisin.
Le temps, le prendre, apprendre, observer, faire, prendre des gamelles, à la dure comme ma vigneronne préférée Catherine Bernard.
Le 19 avril 2006
Vin de vigneronne
Hier, j'ai gravi avec humilité la montagne Ste Geneviève. Rassurez-vous, en dépit du renouveau des chemins de croix, ce n'était pas un Golgotha après l'heure. Tout au contraire, juché sur mon grand destrier noir, je contournais le Panthéon pour me rendre 2 rue de l'Ecole Polytechnique afin d'y déjeuner au bistrot "Les Pipos"; un troquet qui serait bien trop petit pour accueillir en congrès nos joueurs de pipos mais qu'a une grande et belle ardoise de vins.
C'est le nouveau-né de Catherine, le 2005, son premier, que je suis allé découvrir sur les hauteurs de Lutèce. Pour les ex de Cap 2010 Catherine c'est Catherine Bernard qui, au temps où ils pensaient à compte d'auteur, pigeait, pas du vin alors, mais de la copie pour Libé et la Tribune. Moi, sitôt mon rapport de 2001 pondu, elle m'avait cuisiné des heures à la terrasse d'un café de la place de la Comédie. Précise, rigoureuse, accrocheuse et rieuse aussi, une pro comme on aimerait bien en croiser plus souvent. Avec ses papiers elle donnait des boutons à la conseillère du Ministre, vraiment une drôle de paroissienne Catherine qui pointait souvent sa plume là où ça dérangeait.
Bref, elle a bien tourné notre Catherine puisque la voilà aujourd'hui vigneronne à Castelnau-le-Lez dans l'Hérault. Elle a remis son sarrau, la théorie et la pratique, et c'est la bouteille de son premier vin qu'on posait sur la nappe à carreaux rouge et blanc. Du côté habillage c'est à son image, sans fanfreluches, une étiquette qui annonce sa bannière : COTEAUX DU LANGUEDOC avec en-dessous Appellation Coteaux du Languedoc Contrôlé et encore au-dessous, en discret, Catherine Bernard.
Le 30 août 2010
La fiche technique de la cuvée 2009 de Catherine Bernard Vin de Pays de l’Hérault :
À la vigne
Trois hectares à Saint-Drézéry plantés de grenache, marselan et mourvèdre en AOC Coteaux du Languedoc
Deux fois trente ares de cinsault à Montaud.
Terroir argilo-calcaire, très argileux et très calcaire, allégé par des galets roulés du Rhône
Vignes travaillées en agriculture biologique, en cours de certification, doses de cuivre inférieures à celles autorisées grâce à des tisanes de prêle et d’ortie.
Vendange manuelle en caissettes
À la cave
Vinification en vendange entière sur un fond d’égrappé.
Courte macération pré-fermentaire à froid
Cuvaisons courtes et extractions légères.
Levures indigènes
Sans sulfite, non filtré, non collé, non dégazé
Composition du vin
Production cette année d’une seule cuvée, assemblage du cinsault (un tiers), du grenache (un quart), du marselan (un quart), et du mourvèdre (un tout petit quart)
«Dans les Vignes» Chroniques d’une reconversion, où elle nous parle sans fard de la taille :
« C’est au cours des mois d’hiver que l’on entre en intimité avec la vigne. La taille est le premier geste de la saison et le tout premier geste vigneron au sens où c’est une promesse de ce qui est à venir, un arbitrage entre la récolte qui se prépare et la pérennité de la souche, un geste singulier dans un ensemble d’autres gestes, un tête à tête qui devient un face à soi, et pour moi cet hiver-là, une première approche de la solitude. Jamais, avant ce mois de février, je n’avais éprouvé le sentiment de solitude. Jamais, je crois, je n’avais éprouvé un tel dénuement.
Quand je suis remontée dans la voiture, j’ai mis le chauffage et la musique à fond. C’est à ce moment-là que j’ai su que, toute la journée, des pensées avaient défilées dans ma tête, comme les nuages poussés par le vent du nord. Maintenant, elles pouvaient s’accrocher. Elles étaient claires. Je dis souvent : quand je rentre des vignes, je pense droit, comme si les vignes avaient la vertu ou le secret de me remettre la tête sur les épaules. Une nuit j’ai rêvé que j’étais un cep, enraciné dans la terre, le feuillage abandonné au gré du vent. »
« Après ma première journée de taille, j’avais les joues en feu. Sur la voie en face, les gens rentraient à la queue leu leu de leur bureau en ville dans leur pavillon à la campagne. Je faisais le chemin inverse. C’est la tombée de la nuit qui a sonné la fin de ma journée de travail, en même temps que mon entrée dans la force des choses.
Le lendemain matin, je me suis réveillé les doigts gourds, les articulations saillantes. Il en a été ainsi, de pire en pire, au fil de la saison. L’année suivante, je ne pouvais déplier les doigts au matin. Je me suis fait opérer d’un tendon à l’auxiliaire de la main droite et je me suis équipée d’un sécateur électrique, comme tout le monde. »
Fermez le ban !
Maintenant Catherine, pour me faire plaisir, fait du Vin de France...