Ce matin je vais encore faire le grand écart entre l’actualité et le passé en m’appuyant sur un footballeur kanak, qui a porté le maillot de l’équipe de France lors de la Coupe du Monde gagnée au stade de France, Christian Karembeu.
Celui-ci était un pur produit de l’école nantaise, celle qui, grâce à un jeu collectif léché et un niveau technique nettement supérieur, domina le championnat 1994-1995. Dans leurs maillots trop larges rayés jaune et vert, les « Canaris » survolaient le football français et restaient invaincus durant 32 rencontres.
Les hérauts du « jeu à la nantaise » s’appellent Christian Karembeu, Patrice Loko, Reynald Pedros, Nicolas Ouédec… et ont tous signé leur premier contrat professionnel au FC Nantes, après avoir poli leur toucher de balle au centre d’entraînement de La Jonelière. Parmi les champions de France cette année-là, deux étrangers seulement : le Tchadien Japhet N’Doram et le Nigérian Samson Siasia. ICI
Une autre époque.
Celle d’avant l’arrêt Bosman.

Dimanche matin Christian Karembeu a donné une interview à France-Télévision :
« Le mot indépendance est périmé » : Christian Karembeu livre son sentiment sur le référendum en Nouvelle-Calédonie
Le champion du monde de football 1998, originaire de la Nouvelle-Calédonie, se confie sur le scrutin d'autodétermination, sur les problèmes de l'archipel et sur ses racines kanakes.
Lisez-là, ça éclaire d’un jour nouveau les enjeux du référendum :
Christian Karembeu a la Nouvelle-Calédonie dans le sang. Le champion du monde de football, né en 1970 sur l'île de Lifou, suit de près la situation de l'archipel dont les habitants sont appelés à se prononcer pour ou contre l'indépendance lors d'un référendum, dimanche 4 novembre.
Arrivé en métropole en 1988, l'année de la prise d'otages tragique de la grotte d'Ouvéa, le Kanak a toujours défendu sa culture et ses racines. Aujourd'hui ambassadeur de la Fifa en Océanie et directeur sportif du club grec de l'Olympiakos Le Pirée, l'ancien joueur a accepté de répondre aux questions de France info à quelques jours du scrutin.
France info : Vous avez exprimé à plusieurs reprises votre attachement à la culture kanake, êtes-vous favorable à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie ?
Christian Karembeu : Il faut d'abord remettre l'histoire en place, depuis le début jusqu'à aujourd'hui. Pourquoi existe-t-il une envie d'indépendance ? Je crois que la France le sait très bien. Cela fait partie du processus, depuis les accords de Matignon [en 1988] et ceux de Nouméa [en 1998] jusqu'à aujourd'hui, tout a été signé par les différentes parties. Aujourd'hui, le mot "indépendance" est obsolète. On va être indépendant de quoi ? L'idéologie au départ est de rendre le pays aux natifs. Mais aujourd'hui, on a une nouvelle génération de l'internet, qui n'a pas connu les violences et cette envie d'indépendance, d'émancipation culturelle et identitaire. Le mot "indépendance" est périmé aujourd'hui.
A l'heure de la globalisation, on interagit, on fait du commerce avec ceux qui nous entourent dans la région : le Japon, la Corée, la Chine, l'Australie... La réalité économique est là, et la France métropolitaine est assez éloignée. Par ailleurs, il y a toujours un problème avec le coût de la vie. Les denrées et les produits sont toujours très, très, très chers par rapport au coût de la vie calédonienne. Si vous achetez une voiture en France, elle est cinq fois moins chère qu'en Nouvelle-Calédonie. Cela veut tout dire.
Selon vous, cette indépendance est donc inéluctable ?
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Et l’arrêt Bosman ?
Le 15 décembre 1995, un arrêt : celui par lequel, à Luxembourg, la Cour de justice des communautés européennes donne raison au joueur belge Jean-Marc Bosman dans la bataille judiciaire qui l’oppose à son ancien club, le RCF Liège, et à l’UEFA (Union des associations européennes de football). L’arrêt Bosman permet aux footballeurs d’être libérés à la fin de leur contrat et autorise leur libre circulation en Europe.
L’arrêt Bosman joue un rôle d’accélérateur de la mondialisation des transferts et de l’explosion des indemnités. « Personne n’a anticipé la spéculation qui allait dénaturer le système des transferts, ni la Commission européenne qui a été naïve sur ce coup-là, ni les instances sportives. » Le système devient « hyper-spéculatif » et profite surtout à une « petite élite » de joueurs, de dirigeants et d’intermédiaires, note le chercheur.
Pour Luc Misson, l’ancien avocat de Jean-Marc Bosman, les excès de ces dernières années tiennent au fait que la Cour de justice n’a posé aucune règle de concurrence dans son arrêt, et que la Commission européenne n’a pas pris les choses en main : « Il aurait fallu veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus de positions dominantes de la part de certains clubs ni des accords qui faussent la concurrence. (…) Il fallait que les autorités étatiques jouent un rôle. C’est en principe le cas dans tous les secteurs économiques. On ne peut pas laisser les entreprises faire entre elles ce qu’elles veulent. Dans le football, cela n’a pas été fait. Résultat, les clubs ont fait ce qui les arrangeait, et les plus gros sont arrivés à dominer un marché mondialisé à leur profit. »
Vingt ans plus tard, chaque week-end de football en France donne l’occasion de revivre le même sentiment d’inéluctabilité. Même aisance technique, même domination collective, mêmes scores fleuves et une série d’invincibilités qui s’étire de l’été à l’hiver. Mais le Paris-Saint-Germain version 2018 n’a que très peu de points communs avec le FC Nantes du siècle dernier. Quand le club de la capitale, propriété d’un fonds d’investissement qatari, dispose d’une enveloppe annuelle de 500 millions d’euros, les Nantais, eux, bouclaient l’exercice avec un budget de 130 millions… de francs (26,3 millions d’euros actuels). Ses succès, le PSG les doit aujourd’hui à des défenseurs brésiliens, des milieux de terrain italiens, des attaquants uruguayen et argentin, sans oublier Neymar, bon y'a M'Bappé...
Ce n’est pas demain la vieille que le FC Nantes sera de nouveau champion de France.
En prime (c’est pour les abonnés du Monde mais je peux vous faire parvenir à la demande un copié-collé)
L’histoire secrète des accords de Matignon
Le référendum en Nouvelle-Calédonie doit tout à une poignée de main historique, il y a tout juste trente ans.
LE MONDE | le 01.11.2018
Par Patrick Roger ICI