J’ai vécu de l’intérieur plusieurs remaniements, certains avec changement de tête à Matignon, les membres du cabinet du Ministre, tels des poussins, se regroupent, un peu inquiets, autour du directeur de cabinet, ils ne sont que CDD et si le boss passe à la trappe il leur faudra dare-dare faire leurs cartons.
Dans le cabinet Rocard Ministre de l’Agriculture, le chargé des relations avec le Parlement, un MRG tendance cassoulet, possédait un réel talent d’imitateur et il nous régalait en appelant certains députés de sa connaissance pour leur conseiller de ne surtout pas quitter leur bureau, les téléphones cellulaires n’existaient pas, afin de ne pas rater l’appel du nouveau Premier Ministre. Son exploit le plus marquant fut de faire remonter de sa circonscription un député. Pas très charitable sans doute mais ça nous occupait.
Le dernier remaniement que j’ai vécu comme directeur de cabinet fut le remplacement de Louis Mermaz par Jean-Pierre Soisson dans le dernier gouvernement de l’ère Mitterrand, Pierre Bérégovoy tentant de sauver les meubles. Mermaz relégué aux relations avec le Parlement était furax et campait dans son bureau. Dès sa nomination le Jean-Pierre m’appelle pour me demander de rester. Je lui réponds que mes cartons son déjà faits. Il me rétorque : attends, j’arrive ! J’ai ainsi vécu une journée entière avec Jean-Pierre Soisson installé derrière mon bureau, au téléphone en permanence, nous avons déjeuné ensemble dans un restaurant-chic du 7e, je n’ai pas cédé et bien sûr je ne l’ai pas regretté. De ma vie entière je n’ai jamais vu un type mentir avec autant d’aplomb.
7 février 2014
Jean-Pierre Soisson : « je traitais la CFDT au chablis… » ICI
Alors imaginez la tronche des membres de cabinet des éminences qui vont passer à la trappe du prochain remaniement qui, depuis plus d’une semaine marine dans leur jus. Comme vous êtes de bons français je suis sûr que ça ne vous tire la moindre larme.
Mais tout ça vaut bien une chronique se raccrochant au MRG de mon collègue farceur, « le veau sous la mère », et au goût très prononcé de Jean-Pierre Soisson pour la tête de veau arrosée de pot de chablis. Cerise sur le gâteau : les vegan terrorisant les bouchers-charcutiers !
C’est tiré de l’art de ficeler aux éditions de l’épure par Patrick Cadour ICI
Tête de l’art
« Désosser une tête de veau est tout aussi compliqué que de couper ce cordon émotionnel (ndlr. l’auteur fait référence au cordon ombilical du veau sous la mère). Il faut la poser bien à plat, se munir d’un désosseur très aiguisé, et l’entailler depuis l’os du front jusqu’aux naseaux. Puis ensuite, on décolle la chair et la peau en suivant le contour de l’os, un peu comme le paletot d’une volaille. On fait le tour d chaque côté, jusqu’à qu’il ne reste que l’os quasiment nu.
C’est bien plus expressif qu’une carcasse de volaille, vous devrez vous décarcassez avec les joues, les oreilles et le museau, tout en étant contemplé par les yeux de la bête : pas franchement un regard mort d’amour. Enlevez les peaux blanches en périphérie, et les poils des naseaux s’ils vous dérangent vraiment.
Une fois cette opération réussie, il vous reste encore un peu de bricolage sur la planche : il vous faut déboîter la mâchoire pour extraire la langue, et scier puis casser l’arrière du crâne pour récupérer la cervelle. Cela reste toutefois plus aisé que de monter des étagères en kit avec une notice allusive.
Il vous est alors possible de la cuire ainsi, puis ensuite de la couper en dés pour la mouler en un pâté de tête, mais c’est moins bon que de la pocher une fois roule, avec en son sein la langue pelée et coupée en deux dans sa longueur, tandis que la délicate cervelle est cuite à part. Vous composez deux rouleaux avec une tête.
La manipulation est un peu délicate avec une simple ficelle de boucher, il faut en effet maintenir le plus élégamment possible l’ensemble, après avoir roulé la demi-tête autour de la demi-langue, tout en laissant dépasser l’oreille. Le résultat doit ressembler à un portrait de Monsieur Spock, la frange étant facultative.
Les professionnels disposent d’un dispositif spécial, consistant en un tube dans lequel on insère le rouleau de tête, et grâce auquel on l’enferme dans un filet élastique. Si vous comptez manger très souvent de la tête de veau, investissez ; sinon, demandez à un proche de vous aider d’abord en serrant le morceau dans sa longueur grâce à deux ficelles, puis avec des liens bien serrés noués à chaque centimètre. »