Le vin de nos voisins de Casaglione Angelica Santoni et Richard Arnaud Le Foulon le domaine Tremica…
Déjà, l’an passé, M. Bianchi, chez qui je loge, avait attiré mon attention sur des vignerons, nouveaux venus dans la commune de Casaglione à laquelle est rattachée Tiuccia, Angelica Santoni et Richard Arnaud Le Foulon.
Pris bonne note sans pour autant avoir pu trouver un flacon de leur production pour goûter.
Campo dell Oro à nouveau, première provision de livres, dont le dernier Jérôme Ferrari, et, en dépit de mes réticences, trop propre sur lui, le magazine In Corsica car, le dit Ferrari, y occupait la page de couverture.
Je m’attable au café du marché, où il n’y a plus de marché pour cause de fouilles archéologiques, et je jette un coup d’œil sur la page de couverture du magazine papier glacé.
Qui vois-je ?
Triomphe : Nos vins de femmes…
Je me porte page 35 : Le vin Les femmes Une affaire corse.
Suis, l’énumération de toutes celles qui ne figurent pas dans la sélection : 15.
« Elles témoignent cependant de l’importance de la femme dans l’évolution de la viticulture en Corse. Cet ascendant sur la production vinicole, par le nombre et par la qualité, car les femmes ne sont pas étrangères à l’évolution qualitative des vins de Corse de ces 1à dernières années, est appelé à durer compte-tenu de la moyenne d’âge de ces viticultrices, de leur taux de réussite remarquable, mais encore des modifications comportementales des consommateurs qui sont eux aussi, rejoints par des consommatrices totalement décomplexées. Ainsi le vin, en Corse, est-il en passe de devenir une affaire de femmes. Il se dit déjà que ces femmes sont souvent plus ouvertes d’esprits, plus humbles, plus curieuses que leurs partenaires masculins. On leur accorde beaucoup de sensibilité, de finesse, un sens de la nuance qui n’appartiendrait qu’à elles. »
Ce n’est pas signé.
Suis la liste de 5 de ces femmes dans laquelle je découvre Angelica Santoni du domaine Tremica.
3 de ces portraits sont signés par des hommes, la révolution féministe n’a pas encore fait une percée significative dans le petit monde des journalistes, mais par bonheur celui d’Angelica Santoni est l’œuvre de Barbarella Paolaggi et les photos d’Élizabeth Tessier.
Qu’ai-je appris ?
Qu’Angelica et Richard Arnaud Le Foulon ont 33 ans, qu’elle est œnologue diplômée à Montpellier et lui titulaire d’un BTS décroché à Saint-Émilion.
Ils ont créé leur domaine baptisé Tremica* en 2015
Le domaine court sur 4 ha de jeunes vignes et 1 ha de vigne adulte plantée à l’ancienne (en location). Plantation à haute densité : 6000 pieds/ha. Encépagement 100% corse : sciacarellu, vermentinu, nielluciu, mais aussi quelques cépages endémiques dont le carcaghju neru ou le minustellu. »
« Angelica est fille d’éleveur, « l’agriculture c’est le monde dans lequel j’ai grandi, et je me suis dirigée naturellement vers l’agriculture. »
C’est une révélation, leurs vins sont à la carte du Maquis et des Mouettes 2 étoilés d’Ajaccio.
J’oubliais, ils sont dans l’aire de l’AOP Ajaccio.
On me dit que le sieur Stromboni du Chemin des vignobles à Ajaccio assure la vente exclusive de leurs vins.
Sauf que votre serviteur a acheté la cuvée Dolia Rossa 2016 chez François à Sagone.
Mais, pour les petites louves et petits loups ignares en géographie, je vais me fendre d’un petit laïus sur la Cinarca là où Angelica et Arnaud se sont installés.
La route Ajaccio-Tiuccia j’en connais chaque virage. D’abord tu montes et ensuite, passé le col de San Bastiano, tu plonges et la vallée de La Cinarca s'étend sous tes yeux jusqu'au Golfe de la Liscia aux eaux turquoises.
Le chroniqueur Giovanni della Grossa nous rapporte qu’au Moyen Âge, lorsque « le comte Ugo Colonna arriva dans une contrée qu'on appellera ensuite Cinarca, il y vit un beau tertre où se trouve aujourd'hui le Castello qui était alors couvert d'un bois d'oliviers sauvages et cet endroit lui parut si beau qu'il décida d'y construire un château pour son plus jeune fils appelé Cinarco ».
Cinarco donna ainsi son nom à la vallée ainsi qu'à ses seigneurs, les Cinarchesi. Ces derniers tentèrent de rétablir leur domination contre laquelle les populations s'étaient révoltées à partir de 1358.
Le château de Capraja est l'une des dernières demeures des Cinarchesi dont les ruines dominent encore Tiuccia et sa belle petite plage de sable blond où je fais des risettes aux poissons.
Le village de Casaglione, très pittoresque avec son architecture typiquement corse aux murs épais et fortifiés de granite et son église romane remaniée, a lui aussi son site archéologique : prenez le petit chemin qui monte sur la gauche après l'église et vous découvrirez le dolmen de Tremica. Ce site montre la sédentarisation des hommes du néolithique et la pratique de l'agriculture comme en témoignent aussi les cupules de broyage et de polissage du monte Lazzu à Tiuccia.
Voilà, vous en savez un petit bout sur ce jeune domaine, reste à vous dire ce que j’ai pensé de cette bouteille de Dolia Rossa.
Agréable, vif, frais, flatteur, moderne, un poil trop technologique à mon goût mais ce n’est que le mien et je comprends que ce vin séduise.
Une dernière remarque, j’aimerais que nos deux jeunes installés, après les vendanges, la vinification, quand viendra l'hiver,lui dans les vignes, elle au chai, sur leur page Face de Bouc nous expliquent, lui, ce qu’il fait dans les vignes, elle, ce qu’elle fait dans le chai. Le respect de l’environnement et l’approche non intrusive dans l’élaboration du vin intéressent de plus en plus les consommateurs.
Les vins corses restent encore très en retrait dans ces domaines et, sans parler de naturisme débridé, pourquoi ne pas rajouter à leur palette de nouvelles nuances qui renforcerait plus encore leur identité, leur différence.
Bravo à Angelica Santoni et Richard Arnaud Le Foulon pour leur pugnacité, leur enthousiasme, créer un domaine pour aboutir en si peu de temps à la reconnaissance de leurs pairs n'est pas à la portée de n'importe qui.