« Miss Stein fait la leçon. C’est le titre du second chapitre de Paris est une fête, d’Ernest Hemingway. Il résume bien (un peu trop, même, mais c’est du Hemingway [1]) ce qui reste aujourd’hui de Gertrude Stein : l’image d’une muse-mécène-maître à penser qui, à partir de son arrivée à Paris en 1903, chaperonnera des artistes comme Picasso et des écrivains comme Hemingway. »
L'histoire d'amour transatlantique d'une Américaine à Paris.
« ... les écrivains doivent avoir deux pays, leur pays d'origine et celui dans lequel ils vivent". C'est ainsi que Gertrude Stein s'établit à Paris en 1907 pour y vivre jusqu'à sa mort en 1946. Elle y tint, aux côtés de sa compagne intime et secrétaire Alice Toklas, « le plus brillant salon de Paris », que côtoyèrent les plus grands artistes et écrivains de l'époque.
Paris France fut publié en 1940, le jour où Paris tomba aux mains des Allemands. Gertrude Stein y mêle ses souvenirs d'enfance à Paris, ses réflexions sur la France et les Français, la mode, la gastronomie, la guerre, ses caniches et ses amis peintres et musiciens.
Gertrude Stein, par Francis Picabia. 1933
On y trouve également de petites anecdotes, souvent teintées d'humour et de poésie, sur tout ce qui est français. »
La cuisine ainsi que tout le reste en France est logique et mode.
Les Français ont raison lorsqu’ils allèguent que la cuisine française est un art et qu’elle fait partie de leur culture, parce qu’elle est fondée sur la cuisine romano-latine et qu’elle a été influencée par l’Italie et l’Espagne. Les croisades n’ont fait que leur apporter de nouveaux ingrédients. Elles n’introduisirent la manière de faire la cuisine et il en résulta fort peu de changement.
La cuisine française est traditionnelle. Les Français n’abandonnent ps volontiers le passé. En fait ils ne l’abandonnent jamais. Et lorsqu’ils ont eu des réformes – ainsi appelées au XVIIe siècle et au XIXe siècle – ils ne les acceptent que lorsqu’elles devinrent réellement une mode à Paris. Mais quand ils recueillaient quelque chose de l’extérieur comme le baba polonais apporté par Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV, ou le croissant autrichien apporté par Marie-Antoinette, ils l’adoptèrent complètement, si complètement que ces choses devinrent françaises, si complètement françaises qu’elles ne dépendaient plus d’aucune nation. À ce propos, le croissant autrichien fut rapidement créé au siège de Vienne en 1683 par les soldats polonais de Sobieski pour remplacer le pain qui manquait, et ils lui donnèrent le nom de croissant d’après l’emblème des Turcs qu’ils combattaient.
Catherine de Médicis au XVIe siècle amena des cuisiniers avec elle et mit des desserts à la mode, les desserts italiens compliqués. Avant cette époque il n’existait rien de sucré en France sauf les fruits. Ce fut en 1541, à l’occasion d’un bal, qu’elle introduisit ces desserts à Paris.
Sous le règne d’Henri IV les Français retournèrent à la nourriture simple, puisque ce souverain se fit appeler roi de Gonesse, lieu où était fabriqué le meilleur pain de France.
Les Français, cependant, avaient des conceptions que l’on serait tenté de prendre pour des conceptions américaines ou orientales, tels les canards rôtis à l’orange et les dindes fourrées aux framboises. Sous le règne de Louis XIV les Français mangeaient les dindes jeunes et les salades de noix mélangées de pommes.
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Les sorbets venant d’Italie étaient des glaces faites à l’eau. Elles étaient molles. Mais les Français, eux, avec cette base, firent un sorbet consistant qu’ils qualifièrent eux-mêmes par la suite de napolitain. Cette manière de faire leur est habituelle.
La logique de la cuisine française consiste dans le fait que les Français autrefois utilisaient tous leurs ingrédients de la manière la plus compliquée. Des influences étrangères raffinèrent cette méthode et furent à la mode jusqu’à la mort de Louis XIV. Et sous la Régence il y eut tout à coup affluence de cuisiniers français inspirés, des cuisiniers essentiellement français, de même qu’il eut affluence de cuisine française. Le régent lui-même avait un assortiment de casseroles d’argent. Il faisait sa cuisine avec ses courtisans et l’on disait que les casseroles d’argent ne valaient pas moins que ce que le régent y mettait. Plus de la moitié des plats de la grande cuisine française d’à présent fut créé par la cour.
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Les plats qu’ils créaient étaient nommés d’après eux. Il arriva fréquemment, il est vrai, que ce furent leurs cuisiniers qui en réalité les créaient, mais le courtisan, lui, en avait le mérite et les mettaient à la mode.
Louis XV faisait son café lui-même, il ne permit jamais à quiconque de faire son café.
Ce que les plats de cette époque avaient de particulier, c’était les sauces. Ces plats, tous pour ainsi dire durent leur renom à leurs sauces. La cuisson du plat était importante mais la sauce en était la création. La farce de ces plats était augmentée à cette époque d’une quantité de nouveaux ingrédients.
Une autre chose que les Français découvrirent alors, ce fut l’usage des jaunes d’œufs pour lier leurs sauces au lieu de chapelure. Et cela, comme on le conçoit aisément, révolutionna la manière de faire et la cuisine et les sauces. C’était une invention purement française. »
Gertrude Stein, l'audacieuse
10/11/2011 MIS À JOUR LE 22/01/2016
Par Hélène Combis-Schlumberger
Elle n'aimait rien tant que s'endormir dans les musées pour s'éveiller parmi les tableaux. Gertrude Stein, femme au physique colossal, figure incontournable du monde de l'art de la première moitié du 20e siècle, était à la fois écrivaine, poétesse et esthète...
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