Dans l’immense affaire Benalla, qui fait les choux gras de la presse, des médias radio-TV, des réseaux sociaux, on nous présente le sénateur Bas, qui préside la commission d’enquête du Sénat, comme le monsieur « opération mani pulite » à la française, le frère de lait du juge Garzon, l’Eliott Ness du 6e arrondissement exilé dans la Manche…
Et là, je me marre grave !
Philippe Bas est l’archétype du haut-fonctionnaire qui a fait de la politique dans le système Chirac dont on connaît le haut degré d’honnêteté. »
Secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac et ministre dans le gouvernement Villepin de 2005 à 2007 (ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, puis ministre de la Santé et des Solidarités), il est sénateur de la Manche depuis septembre 2011 et président du conseil départemental de la Manche depuis janvier 2016.
Il est président de la Commission des Lois du Sénat depuis le 1er octobre 2014. »
Outre que ce probe sénateur fait partie d’un groupe au Sénat qui fait l’objet d’une enquête pour un possible système de détournement d'une partie des enveloppes destinées à rémunérer des collaborateurs parlementaires. Mais les élus contestent au pouvoir judiciaire le droit de contrôler l'usage des fonds mis à leur disposition pour leurs missions.
On a chez nous les gaulois des haridelles politiques amnésiques et qui se permettent de faire la leçon aux petits jeunots du nouveau monde.
« La voix d’un Philippe Bas claque aujourd’hui comme une revanche. Quand le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, tente le 26 juillet pendant son audition au Sénat de jouer la connivence entre grands commis de l’Etat – « Vous avez occupé le poste que j’ai l’honneur d’occuper aujourd’hui » –, le président de la commission d’enquête l’interrompt sèchement : « C’était la préhistoire et l’ancien monde, je veux bien reconnaître qu’il y ait des différences. »
De qui se moque-t-il ce gourmé qui se refait une virginité « Fini la vie parisienne : son chemin de Damas passera donc par Villedieu-les-Poêles – réputée pour sa fonderie de cloches –, et une élection de conseiller général, en 2008. « Ça a été l’acte de naissance du Philippe Bas politique. Il y a un métal qui s’est forgé ce jour-là », assure Frédéric Salat-Baroux, qui lui a succédé comme secrétaire général de l’Elysée de Jacques Chirac. Cela n’empêche pas l’élu d’aborder le chaland avec une circonspection propre aux hommes de l’ombre. »
Retour sur images pour éclairer votre lanterne sur l’incorruptible sénateur Bas :
Laissons la parole à Olivier Bertrand du journal Libération
18 novembre 1996
Un hélicoptère fantôme s'est écrasé bruyamment, samedi, sur le plateau de Canal +. Jacques Toubon, ministre de la Justice, était l'invité de Michel Field, dans l'émission l'Hebdo. Il a reconnu ce que le pouvoir politique s'obstinait à nier : un hélicoptère a bien été envoyé dans l'Himalaya, à la recherche du procureur de l'Essonne, Laurent Davenas, dont l'adjoint venait d'ouvrir une information judiciaire contre Xavière Tiberi, épouse du maire de Paris. Michel Field, qui anime l'émission, venait d'offrir au ministre la maquette réduite d'un Puma, lorsque Jacques Toubon a décidé de se mettre à table. «Quand le procureur est parti en vacances, a-t-il expliqué, il a donné des instructions très précises à la PJ, et notamment en ce qui concerne l'audition de Xavière Tiberi. Mais son adjoint (a pris) une décision inverse. Devant cette contradiction [...] on a cherché à savoir si le procureur confirmait la décision de son adjoint. Comme on a appris qu'il était parti au Népal, on a donc saisi la représentation française dans ce pays, qui, pour le trouver, a utilisé les moyens que l'on utilise à 5 000 mètres d'altitude, c'est-à-dire un hélicoptère.»
Le financement.
Le ministre reste malheureusement un peu vague.
Qui se cache derrière le «on», pilote de l'opération?
Selon l'hebdomadaire le Point, la décision est venue «des services du Premier ministre». Elle aurait été «financée sur les fonds secrets» de Matignon. Toubon a affirmé samedi que les frais ont été pris en charge par la représentation française au Népal. Le ministre a estimé que la procédure a été utilisée «de façon tout à fait régulière». Or le parquet est indivisible, et l'adjoint du procureur, Hubert Dujardin, disposait, au moment où il a ouvert l'information, des pleins pouvoirs. «Il assurait la continuité du service», reconnaît du reste Laurent Davenas, qui ajoute: «De toute façon, même si l'hélicoptère m'avait trouvé, je n'avais pas les éléments pour répondre à la question.»
Ce versant de l'expédition risque, de toute façon, de rester anecdotique après la tempête déclenchée par cette affaire au sein de l'exécutif. La semaine dernière, les ministères de l'Intérieur et de la Justice, ainsi que Matignon, n'ont cessé de nier l'histoire de l'hélicoptère. Mais cette position devenait intenable, à mesure que les informations sur l'expédition devenaient plus précises. Samedi, le ministre de la Justice a décidé de faire machine arrière.
Embarrassant dossier. L'étonnant déroulé de cette affaire montre à quel point le dossier Xavière Tiberi embarrasse le pouvoir. L'épouse du maire de Paris a touché 200 000 F en 1994 du conseil général de l'Essonne, où elle n'a jamais mis les pieds. Xavier Dugoin, président RPR du département, l'a embauchée en mars 1994, puis a renouvelé son contrat au lendemain des élections cantonales. En octobre 1994, il lui a confié la rédaction d'un rapport sur la coopération décentralisée. Cette très modeste contribution a été découverte par le juge d'instruction Éric Halphen, lors d'une perquisition au domicile des époux Tiberi. Le dossier est ensuite arrivé à Evry, où Laurent Davenas a demandé l'ouverture d'une enquête préliminaire. Le procureur, qui ne souhaitait pas ouvrir une information judiciaire dans l'immédiat, est parti à l'assaut des neiges éternelles.
Pendant son absence, son adjoint, Hubert Dujardin, a décidé d'ouvrir l'information contre Xavière Tiberi. Puis une autre instruction a été confiée au juge Jean-Marie D'Huy, sur un «manuel de corruption» retrouvé en mai 1996 en Essonne. A ces deux dossiers s'ajoutent des informations déjà ouvertes en Essonne à propos du salaire de madame Dugoin, que la justice soupçonne d'être fictif, et de ceux que des militants RPR touchaient de Parachini, groupe industriel qui travaille beaucoup avec les collectivités, et dont le directeur général est en détention préventive depuis quatre jours (Libération du 16 novembre). Une perquisition a été menée mercredi au conseil général, par les trois juges chargés des différents dossiers. La secrétaire du directeur de cabinet de Xavier Dugoin a été placée en garde à vue et interrogée toute la journée. Elle n'est ressortie libre qu'en début de soirée. Au même moment, Xavier Dugoin s'apprêtait à voir un match, confortablement installé dans une loge du parc des Princes. Un stade où on l'a vu fréquemment ces dernières semaines, aux côtés de Jean Tiberi.
Le procureur Laurent Davenas raconte comment et pourquoi un hélicoptère l'a cherché dans l'Himalaya
- Le titre de votre livre, Lettre de l'Himalaya (Seuil), est une allusion ironique à l'histoire rocambolesque de cet hélicoptère qui vous a recherché au Népal, dans le cadre de l'affaire Xavière Tiberi. Que s'estil passé exactement?
Passionné de montagne, j'organise chaque année une excursion. En 1997, j'avais choisi l'escalade de l'Island Peak (6 200 mètres), au Népal. Quinze jours avant mon départ, je reçois, via le procureur de Créteil, des documents saisis par le juge Halphen dans l'appartement des époux Tiberi à Paris. Il est question d'un rapport sur la francophonie écrit par Mme Tiberi et de fiches de salaire provenant du conseil général de l'Essonne. Le juge pense visiblement qu'elle n'a pas rédigé ce rapport. Dans ce cas, j'applique ma règle personnelle: «A situation extraordinaire, solution ordinaire.» Je réunis mes substituts financiers et nous décidons de lancer une enquête préliminaire pour savoir si Mme Tiberi a bien bénéficié d'un «emploi cabinet» au conseil général. Nous saurons alors s'il y a lieu d'ouvrir une information judiciaire ou de classer sans suite. Je mets au courant, juste avant mon départ, le n° 2 du parquet, Hubert Dujardin, qui me remplacera en mon absence.
- Vous partez donc le cœur léger...
Absolument. Direction Katmandou, puis le mont Kala Pattar. Le 2 novembre, je rejoins mes compagnons, qui sont restés à Pheriche. Quand je rentre dans le lodge, un éclat de rire m'accueille. Un ami médecin me dit: «Un hélico t'a cherché toute la journée et il a déposé une lettre pour toi.» Je pense d'abord à un accident familial, mais, quand je vois la fameuse lettre, je crois à une blague: une enveloppe à en-tête de l'ambassade de France à Katmandou, entièrement entourée de ruban adhésif, adressée à M. Davenas, procureur général de l'Essonne... (Une promotion: je ne suis que procureur.) A l'intérieur, un papier sans en-tête avec un texte surréaliste, maladroitement tapé à la machine: «Pour répondre à la question qui suit, veuillez cocher la case suivante: oui, non...», et la question: «Pouvez-vous confirmer le cadre préliminaire de vos enquêtes dans l'affaire Tiberi?» Seuls apparaissent les noms de Bernard Gravet, directeur central de la PJ, et de Marc Moinard (avec une faute d'orthographe), directeur des affaires criminelles... Eberlué, je lis la lettre à mes amis, qui pouffent de rire, ce qui me persuade qu'il s'agit d'une plaisanterie. Mon ami médecin m'assure pourtant que c'est vrai, et, d'ailleurs, l'hélicoptère doit revenir le lendemain matin chercher la réponse! Le lendemain, pas d'hélico. Je repars donc tranquille, persuadé qu'il s'agit d'une blague. Ce n'est que huit jours plus tard que je lis, en première page du Kathmandu Post: «Le procureur d'Evry (je croyais que c'était moi...) a ouvert une information sur l'affaire Tiberi.»
- Dans cette comédie judiciaire, on a voulu vous faire jouer le mauvais rôle, celui de l'étouffeur en chef.
Cette histoire m'a considérablement meurtri. J'estime faire mon travail honnêtement, or on m'a présenté comme un pleutre et un manipulateur. Dujardin avait parfaitement le droit de faire ouvrir une information en mon absence. Toutefois, je soutiens que c'est une erreur technique - d'ailleurs, la procédure a été annulée. Et, surtout, il a laissé croire que je cherchais à étouffer l'affaire, alors que c'était exactement le contraire. J'en veux aussi à ceux qui ont organisé cette expédition, car ils ont voulu me piéger.
- Vous évoquez dans ce livre tant votre travail dans l'Essonne que les relations entre le pouvoir et la justice. Il est très rare qu'un procureur parle si librement...
Je suis un procureur heureux et sans complexes qui est depuis vingt-cinq ans au service de ses concitoyens. Le dossier Xavière Tiberi est passé au pilon; la justice n'a pas été rendue, ni dans un sens ni dans l'autre. J'ai le droit d'en parler.
- Votre attitude est paradoxale. Vous êtes très sévère pour les politiques et, en même temps, vous ne voulez pas couper le cordon entre la chancellerie (le pouvoir) et les procureurs.
Je reproche aux politiques leurs effets d'annonce, leur inculture judiciaire, leur entourage - ils ne choisissent presque jamais des hommes qui ont l'expérience du terrain. Pour autant, le procureur est le représentant des pouvoirs publics; il applique une politique voulue par le gouvernement. On ne peut pas poser le principe que les hommes politiques sont malhonnêtes ou pourris. La grande majorité d'entre eux font leur travail avec passion et probité. Le cordon, c'est le lien entre l'Etat et le droit; il fonde l'Etat de droit. Les «affaires» ne représentent que 1% de l'activité judiciaire. Que l'on confie donc à la Cour de justice les dossiers concernant les élus et qu'on nous laisse travailler pour le quotidien, dans les 99% restants. La semaine dernière, par exemple, j'ai organisé avec l'office HLM de l'Essonne une journée de formation pour les gardiens d'immeuble. Ça, c'est un véritable travail de prévention judiciaire.
Faites vos comptes des protagonistes de cette brillante équipée :
- Jacques Toubon est Défenseur des Droits nommé par Hollande
- Éric Halphen et Xavière Tiberi ont soutenu Macron, le juge Halphen s’est même présenté aux élections dans la Manche où il a pris une veste.
- Laurent Davenas retraité de la magistrature en 2012, se spécialise dans la communication judiciaire, il met ses compétences au service de «la communication sous contrainte
- Hubert Dujardin « Tintin judiciaire ? SaintJust ? Hubert Dujardin, tour à tour juge d'instruction ou parquetier, mais aussi juge correctionnel et conseiller technique au cabinet de Robert Badinter, a aussi été taxé de juge rouge ou gauchiste. »
- M. JeanMarie D'HUY avocat général près la cour d'appel de Versailles 15 Avril 2016 (il est rapporté, concernant l'affaire Clearstream, que les deux juges, dont JeanMarie d'Huy, se sont vu reprocher par le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, des méthodes qui « témoignent d'un mépris ou d'un manque de considération du ministère public ». Ces propos peuvent être compris dans le cadre du "jeu" opposant les juges d'instruction, indépendants, au parquet, soumis au pouvoir politique)
Reste le sénateur Bas à qui il faut rafraîchir la mémoire !
De Gaulle et son porte-plume constitutionnel, Michel Debré, aimaient tant le Parlement, Assemblée Nationale et Sénat, qu’ils l’ont cantonné dans un rôle de chambre d’enregistrement. Les commissions d’enquête parlementaire ne produisent rien d’intéressant car leurs conclusions sont toujours des compromis entre le parti dominant et son opposition.
Monsieur le sénateur Bas est un bel exemple du régime des partis Cette expérience permet au sénateur de juger avec sévérité la présidence d’Emmanuel Macron. « Le parti En marche n’existe pas, il n’a pas de racines idéologiques, pas de racines territoriales, pas d’expérience politique », fustige-t-il. Le pouvoir macronien, avant l’affaire Benalla, était jeune et insolent comme un héros du Quartier perdu, de Patrick Modiano, d’un « âge où les conseils sont inutiles et où ceux qui les donnent vous semblent prononcer des phrases bien vaines ».
« Le régime des partis, c’est la pagaille. » entretien télévisé avec Michel Droit, 15 décembre 1965 « Le régime des partis […] se montrait hors d’état d’assurer la conduite des affaires. Non point par incapacité ni par indignité des hommes. Ceux qui ont participé au pouvoir sous la Quatrième République étaient des gens de valeur, d’honnêteté, de patriotisme. »
Du côté des Marcheurs de Macron, avec cette buse de Ferrand, la présidente de la commission d’enquête Yaël Braun-Pivet, députée La République en marche des Yvelines, a elle aussi sombré dans l’attitude classique des godillots ; son co-rapporteur Les Républicains (LR) Guillaume Larrivé traîne lui aussi des casseroles.
Clap de fin, tout ça ne nous mène à rien, sauf à renforcer l’emprise des populistes extrémistes rouges-bruns…