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26 août 2018 7 26 /08 /août /2018 06:00
21 août 1968 : la Vie brève de Jan Palach, le destin d’Alexandre Dubcek agent technique des eaux et forêts, Waldeck Rochet le bourguignon issu de la paysannerie, Aragon la Tchécoslovaquie le « Biafra de l'esprit… »

« Au-delà des malentendus, c’est aussi de la postérité différente des mouvements de 1968 qu’il s’agit. Celle du Printemps de Prague, c’est d’abord l’échec de la réforme à l’intérieur du régime communiste, qui a discrédité définitivement la perspective « révisionniste » dubcekienne à l’Est, tout en inspirant l’Eurocommunisme à l’Ouest (auquel tenta tardivement d’accrocher son wagon le PCF, en quête de crédibilité pour son adhésion au « Programme commun » – qui sera la référence des partis de gauche pendant les années soixante-dix).

 

Ce qui reste de l’échec de 1968 à Prague, c’est « la mort clinique du marxisme en Europe » (Kolakowski) et la perestroïka de Gorbatchev, arrivée vingt ans trop tard. Il reste aussi cet autre Printemps 1968, celui du renouveau de la société civile et de la « citoyenneté retrouvée », évoqué par Vaclav Havel « La citoyenneté retrouvée », introduction.... Ivan Svitak résumait ainsi « l’autre » programme de 1968 :

 

« De la dictature totalitaire vers la société ouverte, la liquidation du monopole du pouvoir, le contrôle effectif de l’élite du pouvoir par une presse libre et une opinion publique. De la gestion bureaucratique de la société et de la culture par les ‘coupe-gorge de la ligne officielle’ (terme de C. Wright Mills) vers l’application des droits de l’homme fondamentaux. » 

 

 

La Tchécoslovaquie, était sous la botte soviétique depuis 1948, Alexandre Dubcek le premier secrétaire du PC entend donner au socialisme « un visage humain ». Le «Printemps de Prague», commence en janvier 1968 et trouve un grand écho au sein de la population. En témoigne le « Manifeste des 2000 mots », en juin 1968, signé par 70 personnalités qui réclament la liquidation de l'ancien régime. Alexandre Dubcek supprime la censure, autorise les voyages à l'étranger et fait même arrêter le chef de la police.

 

Les gérontes du Kremlin craignent que l'aventure tchèque du « socialisme à visage humain » fasse tache d’huile et corrompe les autres « républiques démocratiques » du bloc soviétique. Dès le mois de juillet, Brejnev exige le rétablissement de l'ordre et surtout l'abolition du pluralisme politique tout juste restauré.

 

Au matin du 21 août 1968, les Européens se réveillent en état de choc. Des troupes blindées d'un total de 300.000 hommes ont envahi dans la nuit la Tchécoslovaquie sur décision de l'autocrate soviétique Leonid Brejnev. Des dizaines de milliers de parachutistes ont aussi atterri sur l'aéroport de Prague.

 

Les agresseurs appartiennent à cinq pays du pacte de Varsovie, dont fait partie la Tchécoslovaquie elle-même (URSS, Pologne, Bulgarie, Allemagne de l'Est, Hongrie). Ils prétendent intervenir à l'appel de responsables locaux en vue de sauver le socialisme dans ce pays d'Europe centrale où il a été imposé vingt ans plus tôt par l'Union soviétique à la faveur du «coup de Prague».

 

Dans la nuit du 20 au 21 août afin d'écraser le mouvement tchécoslovaque il envoie les troupes du Pacte de Varsovie afin d'écraser le mouvement tchécoslovaque. Le PC tchécoslovaque tient un congrès extraordinaire clandestin dans les usines CKD, près de Prague, et reconduit Alexandre Dubcek dans ses fonctions. Pendant ce temps, celui-ci a été jeté manu militari dans un avion et transféré en Union soviétique. Le 23 août, il est fermement convié par ses hôtes soviétiques à signer un texte de capitulation. Après trois jours de pressions et de brutalités, il se résigne enfin.

 

Le 27 août, de retour à Prague, abattu et défait, il présente ce texte à ses concitoyens. Il y est question pour la première fois de «normalisation». C'en est brutalement fini du «Printemps de Prague» et de l'illusion d'un «socialisme à visage humain». Devenus inutiles à l'occupant, Alexandre Dubcek et les autres responsables du pays sont rapidement isolés et remplacés.

 

Les premiers jours, la population décide de résister pacifiquement à l'intervention soviétique. Les manifestations sont nombreuses, notamment à Prague. Les manifestants, surtout des étudiants, assiègent les chars. Les forces du Pacte de Varsovie ont l'ordre de réprimer la contestation. En quelques jours, les affrontements font un peu plus d'une centaine de morts et des milliers de blessés dans tout le pays. À l'automne, ce sont les ouvriers qui se mobilisent. La répression fait toutefois faiblir le mouvement, jusqu'à son épuisement en janvier 1969.

 

Désespéré, un étudiant, Jan Palach, s'immole par le feu le 16 janvier 1969 sur la place Wenceslas, à Prague. Des centaines de milliers de personnes assisteront aux funérailles de celui qui est devenu la figure légendaire de la contestation étudiante en Tchécoslovaquie.

 

Croyez-moi Jan Palach je ne l’ai pas oublié et si vous visionnez la vidéo ci-dessous  vous comprendrez ce que liberté veut dire. (désactivez le son pour lire la chronique)

 

Alexandre Dubcek  pendant des années vécut dans un faubourg de Bratislava comme agent technique des eaux et forêts. Dans une longue lettre qu'il adressa le 28 octobre 1974 au Parlement tchécoslovaque figure une esquisse d'autoportrait : « Le bouleau, bien qu'il soit un arbre délicat, fait montre d'une grande résistance et d'une capacité de vivre dans des conditions difficiles.»

 

La Vie brève de Jan Palach

SITRUK Anthony

ICI 

 

L’Histoire, « avec sa grande hache », prend tour à tour tous les visages, ceux d’un général à lunettes noires ou d’un gouvernement endimanché à la placidité rondouillarde, d’un survivant au corps raclé jusqu’à l’os par la famine et la mort ou du badaud qui regarde passer le train-train des événements, ivre d’indifférence. Le 16 janvier 1969, l’histoire tchécoslovaque n’a qu’un visage, celui, défiguré, calciné, de Jan Palach, étudiant praguois de vingt ans dont l’immolation publique, accomplie en protestation contre l’occupation « fraternelle » des forces soviétiques, vient de sidérer l’Europe. Il existe bien des moyens d’afficher son refus de l’asservissement et son désir de liberté, beaucoup optent pour le comptoir ou le mégaphone, le papier et la colle, Palach, lui, a choisi sa peau et le feu, passant en un éclair des partiels à l’Histoire. C’est l’histoire de ce geste qu’Anthony Sitruk, au fil d’un essai-reportage précis et fervent, nous narre avec une précision de témoin. Histoire d’un enfant parmi d’autres, d’un adolescent qui ne fait pas de vague, d’un étudiant moyen, histoire d’un Tchèque parmi beaucoup d’autres Tchèques qui soudainement, à l’issue d’une maturation lente et d’une volonté forcené, sort du lot pour se faire la Torche n°1, celle qui, espère-t-il embrasera le pays. D’autres suivront, d’un éclat égal, donnant à cette résistance l’allure d’une confrérie kamikaze d’« exaltés véridiques ». Médaillée, muséographiée, devenue icône de l’histoire tchèque, la figure de Jan Palach, c’est ce que nous montre cette enquête, résiste à l’embaumement, gardant après un demi-siècle sa véhémence tragique et sa fraternelle proximité.

 

              

Dans son livre “Communistes en 1968, le grand malentendu”, enrichi de nombreuses archives internes du PCF, l'historien Roger Martelli analyse l'attitude du “grand parti de la classe ouvrière” en Mai 68. S'il montre bien que le PCF a méprisé le mouvement étudiant, il réévalue son rôle moteur, via la CGT, dans la grève des travailleurs. Entretien. ICI

 

Un autre événement préoccupe le PCF en 1968 : le printemps de Prague, et la menace de son écrasement par l’URSS. Quelle a été son attitude à cet égard ? A-t-il loupé une occasion de montrer qu’il était moderne, en soutenant ce mouvement de libéralisation ?

 

  • Tout à fait. Quand se déclenche le printemps de Prague, le PC hésite dans un premier temps. Début avril, la direction condamne un responsable communiste, Paul Noirot, très favorable au printemps de Prague. Deux jours après, il fait volteface et le soutient, sans en faire un modèle, car ça revalorise en France l’image du monde socialiste. Mais il garde une attitude ambiguë. Il ne veut surtout pas en faire un modèle avant la crise de l’été. Puis, quand le PC voit la situation se crisper avec l’URSS et les dirigeants du bloc, il tente d’éviter le pire. En juillet, il veut jouer le rôle de médiateur entre les Tchécoslovaques et les Soviétiques, mais cela échoue. Le 21 août les Soviétiques interviennent militairement en Tchécoslovaquie. Pour la première fois de son histoire, le PC condamne l’intervention soviétique. Pour les militants c’est un choc mental, un cataclysme.

 

Le PC condamne, mais il veut éviter la rupture irréversible à l’intérieur du mouvement communiste mondial. Il espère déboucher sur une solution pacifique. Le 27 août, les dirigeants tchécoslovaques arrêtés une semaine plus tôt signent un accord de “normalisation”. Mais ce terme pouvait être entendu de deux façons : la normalité de la paix civile, ou la mise à la norme. Le PCF veut entendre le premier sens, donc il s’en réjouit, mais ne voit pas le second aspect. Or la “normalisation” se traduit par l’éviction de Dubcek [premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque en 1968-1969 et figure de proue du Printemps de Prague, ndlr], et le démantèlement de l’œuvre réformatrice de 1968. Le PCF ne prend pas de distance suffisamment forte avec la mise à la norme qui envahit hélas la société tchécoslovaque. Il ne voit pas que la force propulsive du soviétisme est terminée. En 68, sa position le range du côté de ce monde de l’Europe de l’Est qui révèle de plus en plus son obsolescence, voire même sa nécrose.

 

  • L’année 1968 met en lumière le rôle joué par un secrétaire général du PCF un peu oublié, Waldeck Rochet. Pourquoi n’estil pas retenu ?

 

Il mérite plus de considération que le sort que l’histoire lui a réservé. Il est porté à la tête du PC par Thorez lui-même. C’est un communiste à l’ancienne, un kominternien [de Komintern, Internationale communiste, ndlr], pour qui l’Union soviétique est le pivot de toute avancée démocratique. Mais en même temps c’est un homme très réservé, pas un doctrinaire, ni un violent. En 1956, il accepte de soutenir l’intervention soviétique en Hongrie, mais il le fait en des termes incomparablement plus mesurés que d’autres dirigeants politiques comme Thorez. Quand il devient secrétaire général du PC, officiellement en 1964, quelques mois avant la mort de Thorez, il impulse un aggiornamento prudent mais déterminé. Ça conduit le PC à peaufiner sa stratégie d’alliance, à mettre au centre la question de l’union de la gauche, revalorisée par la bipolarisation du conflit politique. Waldeck porte ce changement.

 

Mais en 1968, cet homme discret et distrait est confronté à deux chocs. En mai-juin, bon an mal an, il arrive à rester dans le jeu. Mais la fin du Printemps de Prague est encore pire à gérer pour lui. Il ne parvient pas à éviter le drame, il doit condamner l’Union soviétique, ce qui pour lui est une fracture mentale absolue, une fracture existentielle. De ce fait, à la fin de l’année il craque et entre dans une maladie neurovégétative qui le fait disparaître brutalement de la vie politique, laissant la place au seul qui donne l’apparence d’être un homme fort dans le parti : Georges Marchais.

 

Waldeck Rochet était issu de la paysannerie, il avait l’accent bourguignon, et ce n’était pas un tribun ni un homme de média. C’est un modèle de dirigeant politique hors du temps, qui a conduit un mouvement prudent mais déterminé de rénovation communiste, mais qui a butté devant ce double malentendu. Le PC n’a pas vu que la crise tchécoslovaque avait sonné le glas de l’expérience soviétique, en faisant la démonstration que décidément, soviétisme et liberté ont du mal à se conjuguer.

 

Propos recueillis par Mathieu Dejean.

 

Communistes en 1968 – Le grande malentendu, de Roger Martelli, éd. Sociales, 304 p., 22 €

 

PRAGUE 1968 : LE SOCIALISME PERD SON VISAGE HUMAIN

Lundi, 25 Août, 2008

Le témoignage de Roland Leroy ICI

 

La réaction du Parti communiste français se voulait sans équivoque. Réprobation vigoureuse de l'intervention soviétique, réaffirmation d'une conception unissant de façon absolue le socialisme et la démocratie, indépendance nationale des pays socialistes. Sans équivoque, mais limitée. Limitée par la volonté de ne pas rompre le « front anti-impérialiste », limitée par la conception du rôle pour le moins prééminent de l'Union soviétique, limitée aussi par une conception du rapport des classes sociales, conception retardant sur la réalité comme l'avaient déjà montré nos difficultés à saisir le sens nouveau des mouvements étudiants et universitaires français de Mai 68. D'ailleurs, ce qui se passa ensuite dans le Parti communiste français en témoigne. Le Comité central du Parti communiste français, en une sorte de balancement que nous appelions depuis longtemps déjà « lutte sur les deux fronts », fut amené à relever de leurs responsabilités Roger Garaudy et Jeannette Vermeersch ; le premier condamnant sans nuance l'attitude soviétique, la seconde tentant de la justifier. Mais, pour le plus grand nombre de communistes, cette épreuve fut douloureuse, à la fois source de déception par rapport à l'idée de la réalité soviétique, source de déchirement pour choisir entre la solidarité avec l'URSS et le respect de nos propres principes et engagements.

 

Nous ne sommes pas allés au bout de notre prise de position avec la conscience de ne pas devoir, de ne pas pouvoir aller plus loin. L'illustration la plus éloquente et sans doute la plus émouvante de cette attitude est donnée par Aragon. Il approuva avec vigueur la prise de position de son parti contre l'intervention. Il l'illustra de façon retentissante par sa magnifique préface à l'oeuvre de Milan Kundera la Plaisanterie : « Je me refuse à croire qu'il va se faire là-bas un Biafra de l'esprit... »

 

Aragon, interrogé sur 1968 en Tchécoslovaquie, explicita clairement cette, notre, position : « En1968, l'entrée à Prague des chars de divers pays socialistes a posé une grave question devant nous. On connaît à cet égard la position qui a été celle du Parti communiste français, et il ne l'a jamais reniée, ce qui n'implique pas que, par là, nous ayons l'intention d'aller au-delà de cette position comme on cherche par-ci par-là à nous le faire faire. Par exemple en niant l'existence du socialisme dans les pays socialistes ». Quarante ans plus tard, il semble évident que nous aurions dû, à ce moment, non seulement condamner l'intervention soviétique, ce que nous avons fait ; mais, plutôt que de préconiser une sorte de prudence, soutenir les efforts de ceux qui, en Tchécoslovaquie comme ailleurs, cherchaient une voie démocratique de transformation de la société.

L’été 68: après Prague, la rébellion d'Emil Zatopek

Une fois la Tchécoslovaquie envahie, le célèbre coureur de fond demande une action forte du CIO juste avant les Jeux olympiques de Mexico. En vain
Publié vendredi 24 août 2018 

Les sportifs sont «en colère» et les Jeux olympiques de Mexico «compromis», annonce la Gazette de Lausanne du 24 août 1968. C’est que la flamme olympique a été «solennellement allumée» la veille, «selon le rite antique aux rayons du soleil d’Olympie». Mais le quotidien vaudois se demande «si elle éclairera le 12 octobre le stade olympique de Mexico», car «une vaste campagne se déclenche en vue d’exclure des Jeux les sportifs soviétiques et les représentants des pays» qui prennent part «à l’occupation armée de la Tchécoslovaquie» depuis trois jours.

Rien de tout cela ne se concrétisera. Malgré le contexte politique extrêmement tendu avec Mai 68, les assassinats de Martin Luther King et de Bob Kennedy, l’invasion de la Tchécoslovaquie, la guerre du Vietnam, le génocide du Biafra, le massacre de Tlatelolco par l’armée mexicaine, commis quelques jours avant la cérémonie d’ouverture – et l’on en passe – les JO auront bien lieu, avec leur célèbre scène de protestation contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis par des sympathisants des Black Panthers.

Les athlètes soviétiques, au nombre de 312, y remporteront 91 médailles, juste derrière les 377 Américains, avec 107 médailles. Sans compter les résultats, brillants aussi, des alliés de Moscou dans l’affaire tchécoslovaque: Hongrie, Allemagne de l’Est et Pologne, notamment. Avery Brundage, le président du CIO de 1952 à 1972, n’avait pas remis en cause le déroulement des Jeux, qui auront finalement lieu dans une atmosphère pesante. Et avec des médias mexicains sommés d’évoquer le moins possible les remous estudiantins et la répression militaire, afin de ne pas «saboter» les JO.

La Locomotive gronde…

 

A l’époque, il fallait aussi compter avec l’aura des athlètes tchécoslovaques – 13 médailles à Mexico, 7es au classement des nations. Voilà pourquoi, adulé du monde entier, Emil Zatopek(1922-2000), le spécialiste des courses de fond (du 5000 mètres au marathon), dit «La Locomotive tchèque», se fâche. «Dans une édition spéciale clandestine du journal sportif Stadion affichée sur les murs de Prague», il demande que «les sportifs soviétiques», au même titre que les Sud-Africains, «ne soient pas admis à concourir aux Jeux olympiques de Mexico en raison de la situation tragique créée par l’occupation illégale de la Tchécoslovaquie».

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commentaires

P
Quand on pense que la Tchécoslovaquie est le seul pays qui resta une république démocratique de 1945 à 1948 soit jusqu'au " Coup de Prague " Ce n'est qu'en raison d'erreurs des parties démocratiques et de positions, comme toujours, égoïstes des Etats Unis que, le plus légalement possibles les communistes accédèrent au pouvoir.Tout ça pour ça !
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