Couvre pieds, édredon, couvre lit, dessus de lit, jeté de lit…
Le pépé Louis et la mémé Marie couchaient dans des hauts lits à rouleau sur des matelas de plumes dans lesquels ils s’enfonçaient comme dans des sables mouvants ; pour se tenir au chaud, leur chambre n’était pas chauffée, sur les draps et les couvertures étaient étendus un couvre-pied en coton piqué rouge et un énorme édredon.
Note de l’auteur : le pépé Louis couchait dans sa chemise à longs pans et il coiffait un bonnet de nuit blanc à pompon, apparié à sa moustache à la Foch ça lui donnait l’allure du meunier tu dors de la comptine.
Ne pas confondre couvre-pied et édredon, le premier est plat comme une galette, le second est tout rond, joufflu comme gros oreiller. Je ne sais pas pourquoi François Hollande m’a toujours fait penser à l’édredon de pépé Louis.
« Pour donner une idée des fantaisies de Tullia, qu'il me suffise de vous parler d'un détail. Le couvre-pieds de son lit est en dentelle de point d'Angleterre, il vaut dix mille francs. »
Balzac, Un Prince de la Bohême, 1840, p. 386.
« Dans un lit immense, capitonné de soie, des cheveux clairs étaient épars sur l'oreiller, un visage se dessinait en demi-profil, de longs cils, la courbe d'un nez aux narines frémissantes (...) et, sur l'édredon doré, un bras nu, mollement déployé. »
Simenon, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 167.
Dans ma jeunesse j’ai vu confectionner un couvre-pied.
Et puis, petit à petit le couvre pied s’est trouvé connoté au vieux monde, la modernité, chauffage et utilisation des couettes nordiques, il a laissé la place au dessus de lit puis celui-ci au jeté de lit et aujourd’hui à plus rien du tout.
LE COUVRE-LIT
« La mer était aussi dense qu’un Rothko, prosaïque et vierge. Mais les ombres, elles, semblaient être partout ; envahissant chaque cavité, chaque lieu secret, comme un battement d’ailes, là où il n’y avait pas d’oiseaux, pas même une mouette.
Hors la cabine, près de la porte, une paire de bottines montait la garde. À l’intérieur, une paire de chaussures sur mesure, dans leurs étuis de feutre, gisait au bord du lit. Un lit magnifique tendu de lin égyptien. Le dormeur y était étendu, rêvant, sous un couvre-lit fané.
C’était chose adorable que ce couvre-lit, d’une nuance de vert très rare. Une feuille satinée prenant sa place parmi les vrilles d’une vigne protectrice. Il avait enveloppé les épaules d’un vieillard et quelque chose de lui demeurait au sein des plis fatigués.
Sur le lit, des objets qui se prenaient dans la lumière changeante. Un paquet de Gauloises jaunes, un anneau taillé dans une pépite et un petit portrait, plutôt flou, dans un cadre ovale. Un jeune garçon en habit de marin, contemplant le monde d’un air un peu soupçonneux et pourtant gardant une allure aussi délicate qu’un cil, des manières à la fois douces et cassantes, comme un étendard de soie plongé dans une mare puis mis à sécher sur un buisson d’épines par une nuit d’hiver. Le même jeune homme dormait, en route pour les Îles Salomon, rêvant de lui-même.
La suite dans La Mer de Corail Patti Smith
Patti Smith, La Mer de corail (à Robert Mapplethorpe)
« Robert (Mapplethorpe) va mourir. Ils le savent tous deux. A son chevet Patti lui demande comment elle pourrait le servir au mieux en son absence. Robert est mort. Patti passe une saison dans la douleur. Puis elle écrit ces poèmes en prose à la mémoire de son compagnon. Des fleurs dispersées sur son tombeau. Qui s’ouvrent sur une photo d’une Piéta de Michel-Ange, à Madrid. Robert adorait Michel-Ange, "démon aux chaussures de cordes". Patti s’élance dans cette courte aventure : réfléchir Robert. Moins le réfléchir du reste, que tenter de le saisir pour en revenir quelques poèmes en mains. Robert, "garnement fabuleux", dont elle se rappelle la première fois qu’elle l’a vu : il dormait. La paupière close cette fois, non pas scellée, immédiatement ouverte à l’approche de son visage, ses lèvres dessinant un sourire complice avant même qu’il l’ait connue. Patti Raconte Robert, gamin espiègle de Long Island, fasciné par l’inattendu. Elle évoque le jeune garçon timide, affable, à la poursuite de regards neufs, chuchotant Baudelaire à l’oreille étonnée. Superbe Mer de corail, ce poème en prose qui donne son titre au recueil, détaché des petits plis amers de la vie, évoquant Robert, endormi cette fois encore, "dans l’étoffe d’un voyage qui s‘étale". »