Les britishs ont très mauvaise langue, ainsi Philip Kerr, né à Édimbourg, qui se la joue allemand dans Prague fatale, tout comme Alan Jefferson qui, en 300 pages, a rédigé une biographie Elisabeth Schwarzkopf publiée par l'éditeur londonien Gollancz.
En 1946, le célèbre chef d'orchestre Herbert von Karajan, lui aussi mouillé avec les nazis, la décrit comme « probablement la meilleure chanteuse en Europe ».
Après la Seconde guerre, sous la houlette d’un producteur et directeur artistique anglais, Walter Legge, qui lui fait réaliser ses premiers enregistrements commence une carrière internationale d’une incomparable qualité. Elle l’épouse en 1953.
1992 anoblie par Elizabeth d'Angleterre.
Lors de la débâcle des vinyles j’ai acheté sur une brocante Les Introuvables d’Elisabeth Schwarzkopf chez EMI 5 33 tours.
Je savais qu’il y avait anguille sous roche. Messieurs les anglais tirez les premiers :
- Philip Kerr La dame de Zagreb
« Qu’est-ce que Küttner a dit exactement sur votre liaison avec cette petite chanteuse d’opéra ? demandai-je à Jury sans prendre de gants.
- Vraiment je tiens à protester. »
Il me décrocha un regard noir, comme s’il souhaitait que je sois allongé sur le lit avec une balle dans le torse.
« Quel est son nom déjà ? Elisabeth quelque chose. Elisabeth Schwarzkopf, c’est bien ça ?
- Et si nous laissions son nom en dehors de cette histoire ?
- Très bien. Pourquoi pas.
[…]
« Le fait est, Gunther, que le capitaine Küttner a appris cette histoire par moi. C’est moi qui lui ai parlé de la liaison du général avec Fräulein Schwarzkopf. Je suis désolé Hugo, mais tout le monde à Berlin est au courant de ce qui se passe. Sauf peut-être le Führer et votre femme, Karoline. Espérons qu’elle au moins pourra rester dans l’ignorance de tout ceci.
« Mais, Herr Kommissar, je pense que la partie de l’histoire qui a le plus offusqué le général Jury à propos de cette Fraülein concerne moins ses talents au lit, qui, je présume sont considérables, que ses qualités de chanteuse. Je regrette, mais c’est vrai, Hugo. Si elle était vraiment valable comme soprano, elle chanterait à l’Opéra d’État et non à l’Opéra allemand de Berlin. Or, vous l’ignorez peut-être, mais le Kommissar a parfaitement raison de dire qu’elle accorde également ses faveurs au Ministre de la Propagande. J’en détiens la preuve irréfutable, que je serais, à un stade ultérieur, heureux de vous soumettre. Il est donc inutile de monter sur vos grands chevaux. Vous la baisez tous les deux, un point c’est tout. Enfin, comment croyez-vous qu’elle a pu devenir soprano principale si peu de temps après avoir intégré le chœur ? C’est Goebbels qui a arrangé ça pour elle. En échange des services qu’elle lui rendait horizontalement. »
Les joues de Jury étaient maintenant écarlates et ses poings violemment serrés. Je me demandai s’il fallait y voir l’image d’un homme suffisamment en colère pour tuer un collègue officier de sang-froid.
« Je n’aime pas vos manières, général Heydrich dit Jury.
ELISABETH SCHWARZKOPF, ÉCHO «NAZILLARD». UNE BIOGRAPHIE ANGLAISE RÉAFFIRME QUE LA DIVA FUT MEMBRE DU PARTI NAZI.
Christian LEBLE
Alan Jefferson se veut exhaustif et a travaillé hors du contrôle d'Elisabeth Schwarzkopf (alors que toutes les archives et les commentaires du film l'Album souvenir diffusé par Arte avaient été sélectionnés par la chanteuse). «Quand Gollancz a proposé d'écrire ce livre, contact fut pris avec Elisabeth Schwarzkopf. Elle a répondu que si biographie il devait y avoir, elle l'écrirait elle-même. Elle n'a fourni aucune aide», commente Alan Jefferson au téléphone et ajoute que «la politique n'est pas l'aspect principal du livre».
Le récit de ses débuts, entre 1935 et 1945, restait jusqu'ici approximatif ou carrément omis. «Je me suis adressé au Berlin Documents Center, poursuit Alan Jefferson, qui possède les dossiers individuels que le ministère de la Propagande du Reich avait ouvert et qui n'avaient pas été détruits au moment de la prise de Berlin. On m'a répondu que le dossier Elisabeth Schwarzkopf contenait 200 pages, j'en ai obtenu copie par l'intermédiaire de l'ambassade britannique, avec l'appui de l'éditeur.» Le dossier Schwarzkopf synthétise, d'après l'auteur, la carrière de la chanteuse au Deutsche Oper, situé dans le quartier de Charlottenburg, sous contrôle du ministère de la Propagande de Goebbels, et qu'elle intègre en 1938. Auparavant, indique Alan Jefferson, Elisabeth Schwarzkopf a été membre de l'Association des étudiants nationaux-socialistes quand elle était à la Berlin Hochschule. Le 1er mars 1939, peu avant de quitter l'université, écrit Alan Jefferson en se référant aux dossiers berlinois, «Elisabeth Schwarzkopf est admise comme membre du Reichstheaterkammer (RTK) du Promi, le ministère de la Propagande et des Spectacles, sous le numéro 67784. (...) Elle rejoignit le Parti national-socialiste un mois après son arrivée au Deutsche Opera. Il fallut deux ans avant qu'elle soit inscrite comme membre, inscription qui ne fut ratifiée que neuf mois plus tard quand lui fut transmis son numéro d'adhésion (n$ 7548960) et son carnet de travail (Arbeitsbuch n$ 40/1 238 359).»
L'auteur s'acharne-t-il à citer les prestations d'Elisabeth Schwarzkopf, en France en 1941, sur le front de l'Est en décembre 1942? Ces précisions semblent plus que nécessaires, pour deux raisons (outre celle de la stricte réalité historique). D'abord, il s'agit là des années où l'interprète prend son élan et que, faute de les prendre en compte, on sous-estime le mélange de talent et d'ambition qui la caractérise. Alan Jefferson explique comment elle s'est lancée dans la mêlée, comment elle a menti sur les rôles qu'elle connaissait pour obtenir son engagement, comment elle a cherché à se distinguer des autres membres de la troupe de chanteurs permanents par des frasques (absence aux répétitions), des revendications sur des rôles de valeur. La correspondance avec Wilhelm Rode, le directeur du Deutsche Opera membre du parti nazi depuis 1933, figure dans son dossier, ainsi que les lettres du directeur à sa hiérarchie réclamant sans succès des sanctions contre la soprano indisciplinée, de même que les avenants au contrat de la chanteuse «confirmant que le président du Reichsmusikkammer, Joseph Goebbels, autorisait les dépassements de cachet par rapport à la grille du Deutsche Opera».
La seconde raison, et peut-être la principale, Elisabeth Schwarzkopf a toujours voulu dissimuler cette période et tout particulièrement à la fin de la guerre. A l'époque, la chanteuse avait déjà fait ses débuts à l'Opéra de Vienne avec le chef d'orchestre Karl Böhm (dérogeant ainsi aux règles du Deutsche Opera) et craignait qu'une condamnation de son passé politique ne se traduise par une interdiction de se produire en scène et l'arrête dans son élan. Alan Jefferson explique comment la cantatrice a rempli quatre questionnaires successifs sur son passé de guerre, le dernier en mai 1946, tous divergents. Au cours du procès mené par la commission Hurdes, chargée en Autriche de clarifier les cas, Elisabeth Schwarzkopf, puis son avocat, reconnurent que les «déclarations avaient été falsifiées et que la chanteuse avait rejoint le parti nazi pour chanter au Deustche Opera». Aujourd'hui encore, néanmoins, face à la publication du livre d'Alan Jefferson, Elisabeth Schwarzkopf a nié avoir été membre du parti nazi, mais prétend avoir simplement déposé une demande d'adhésion à laquelle il n'aurait jamais été donné suite, le tout sous la pression de son père. »
« Le son numérique rend toutes les voix beaucoup trop claires. Elles deviennent perçantes au point de nous faire mal, on croirait des lames de couteau. Mais la jeune génération ne connaît rien d'autre ; son oreille est faussée, pervertie. »
Elisabeth Schwarzkopf