Que la fête commence le film de Bertrand Tavernier, pour ceux qui l’ont vu rappelez-vous Jean Rochefort est l’abbé Dubois, Philippe Noiret le Régent Philippe d’Orléans, Jean-Pierre Marielle le marquis de Pontcallec.
Une fresque cocasse aux 4 César, une chronique acide et un casting royal
En 1719, Philippe d'Orléans assure depuis quatre ans la régence du royaume de France. En Bretagne, où sévit la famine, une révolte éclate contre le pouvoir. Un nobliau ruiné, le marquis de Pontcallec, veut soulever la province. Il se rend à Paris, pour y rencontrer Philippe d'Orléans. Celui-ci est très occupé, la nuit, par de petits soupers galants et de fines débauches, mais gouverne le jour, en compagnie de l'abbé Dubois, son complice en parties fines. Dubois poursuit ses propres ambitions... »
Ses ennemis, faisant abstraction de ses qualités de diplomate et du bilan global positif de son action au gouvernement de la France, attribuent l'essentiel de son ascendant sur le Régent à sa capacité à lui trouver des maîtresses à son goût, d'où l'aphorisme rapporté par Roger Peyrefitte à propos de son élévation au cardinalat : « le pape est un fin cuisinier qui sait faire d'un maquereau un rouget. »
L’abbé Guillaume Dubois (1656-1723) eut une vie trépidante qui commence par « un emploi de précepteur et mentor de Philippe d’Orléans. Celui-ci devenu Régent du royaume le nomme conseiller d’État, puis lui obtient successivement la calotte d’archevêque et la barrette de cardinal. Intriguant et débauché, Dubois est un des plus fidèles compagnons d’orgies de son ancien élève, assidu à ses soirées et habile à repérer les gourmandes remplissant tous les critères…
Ce « petit homme maigre, effilé, chafouin, à perruque blonde, à mine de fouine, à physionomie d’esprit. »
Signé Saint-Simon et sa plume au vitriol.
Les petits soupers du Palais Royal :
« Chaque soir sont conviées de nouvelles têtes : poètes, gens d’esprit, courtisanes, comédiens et libertins en tous genres, rejoignent la clique des inconditionnels de Philippe. Autoproclamés « roués » parce qu’ils se disent prêts à subir la roue pour lui, ils ont tous été sélectionnés pour leurs aptitudes festives : estomacs résistants, bonne descente pour les liquides et endurance à toute épreuve avec les dames. »
C’est à huis-clos « aucun domestique, ni laquais, ni cuisinier, n’est admis lors de ces réunions nocturnes. »
C’est Madame de Parabère, la favorite du Régent, Marina Vlady dans le film, baptisée le Gigot qui est aux fourneaux.
« À peine les portes closes – et strictement gardées – que l’on boit, et sec, des quantités impressionnantes de vin de Tokay et de champagne. Après quoi, toujours selon Saint-Simon :
« on s’échauffoit, on disoit des ordures à gorge déployée et des impiétés à qui mieux mieux. »
Le signal des assauts de ces dames est donné par Philippe en maître de cérémonies.
« Un soir de beuverie, en compagnie de Madame de Parabère, de John Law et bien sûr du Régent, Dubois écope d’un nouveau surnom : incapable de tenir la plume pour signer un papier officiel, Philippe vient de traiter Madame de Parabère de putain, John Law de voleur et Dubois de maquereau… Aucun des trois n’ayant accepté de signer à la place du Régent, celui-ci aurait résumé la situation en une phrase, cri du cœur autant que réflexion lucide : « Voilà un royaume bien gouverné, par une putain, un maquereau, un voleur et un ivrogne ! »
Pour finir, la comptine célèbre, encore chantonnée dans les cours d’écoles, qui dissimule une magnifique contrepèterie qui mettra Pax en joie : « Il court il court le furet… il est passé par ici, il repassera par là… le furet du Bois, mesdames, le furet du bois joli… »
« Il fourre il fourre le curé »
Source : Même les légumes ont un sexe le chapitre La chère, la croix et le gourdin… de Nathalie Hellal
Le cardinal Dubois meurt à Versailles
« Dès qu’il fut mort, M. le duc d’Orléans retourna à Meudon apprendre au roi cette nouvelle, qui le pria de se charger de toute la conduite des affaires, le déclara premier ministre, et en reçut le serment le lendemain »
La vie et l’œuvre de Guillaume Dubois ICI
LA REHABILITATION DE L’ABBE DUBOIS
Emmanuel LE ROY LADURIE
FIGARO LITTERAIRE - HISTOIRE, ESSAIS
11/01/2001
Brive-la-Gaillarde s’enorgueillit en notre temps d’avoir donné naissance au cardinal Guillaume Dubois, qui fut premier ministre du Régent Philippe d’Orléans (tous deux sont morts en 1723). Philippe et Guillaume furent les initiateurs de la belle période de dégel et de détente post louis-quatorzienne, qui, dans ses débuts, s’identifie en effet avec la Régence (1715-1723).
Le cardinal, cependant, n’a pas toujours eu bonne presse. Au début du XIXe siècle encore, un intellectuel écrivant sur la Corrèze qualifiait ce grand homme de résumé ou, comme il disait, « d’épitomé » de tous les vices.
Manque de chance, à vrai dire ! Le malheureux Guillaume, dont l’action fut néanmoins si favorable pour la France et pour l’Europe, était tombé entre temps sous la lourde patte du génial Saint-Simon, qui, dans ses Mémoires, pensait l’avoir déshonoré pour toujours. Une réhabilitation complète, un toilettage intégral s’imposait, et Chaussinand-Nogaret a entrepris de nettoyer les écuries d’Angers de la légende noire saint-simonienne, sur ce point particulier. Initiative couronnée de succès.
Pourquoi Dubois ? En quoi ce personnage importe-t-il ? Disons d’abord qu’il fut l’homme de la paix, après un demi-siècle, ou davantage, de guerres menées au nom du Roi-Soleil et souvent couronnées de succès, mais à quel prix ! Qui plus est, il ne s’agit point de n’importe quelle paix.
Celle que préconise l’abbé puis cardinal implique au premier chef une réconciliation avec l’Europe protestante (anglaise, hollandaise...), celle qui est porteuse des valeurs libérales et capitalistes. Et tant pis pour la révocation de l’édit de Nantes (1685), tellement hostile aux huguenots. Les textes, ou plutôt les traités, parlent d’eux-mêmes, négociés au premier chef par Dubois, et souvent avec les méthodes de la diplomatie secrète.
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