D’un si bel article sur un milliardaire face à l’art contemporain, dont le miracle donne un sens à une vie accomplie, le bruit et la rumeur ne retiennent qu’une phrase sur Emmanuel Macron... Nous mourrons d’anecdotes et de fausse politique.
C’est signé Claude Askolovitch sur Twitter @askolovitchC, dans sa revue de presse de France Inter
Dans un long portrait troussé par Raphaëlle Bacqué paru dans le Monde de vendredi, consacré à ses activités de collectionneur d'art contemporain, François Pinault se montre inquiet de la politique menée par le président de la République.
« On en est au café quand François Pinault aborde un terrain qu’il n’a jamais tout à fait délaissé : la politique. « Macron ne comprend pas les petites gens, glisse-t-il. J’ai peur qu’il mène la France vers un système qui oublie les plus modestes… » En 2012, Pinault avait confié voter François Hollande contre Nicolas Sarkozy, dont il n’apprécie ni les manières, ni la proximité avec son rival Bernard Arnault, ni les trahisons passées contre son ami Chirac. Manifestement, il fréquente moins les Macron. Toujours, il a usé de ses réseaux politiques pour ses affaires. Se peut-il qu’il ait pris ses distances ?
Magie des géographies du pouvoir, François Pinault croise justement sur le trottoir François Henrot, le numéro deux de la banque Rothschild et père de l’artiste Camille Henrot dont Pinault possède plusieurs œuvres. Le bras droit de David de Rothschild est celui qui, en 2008, repéra le jeune Macron et, bluffé par son brio, en fit un associé de la banque. Salutations chaleureuses dans la lumière du printemps new-yorkais. Éloge du nouveau président de la République par Henrot. François Pinault se contente de sourire aimablement. »
L’année dernière, c’est pourtant Henrot qui a appelé pour lui l’Élysée et Bercy. Pinault avait appris que le Clos de Tart, grand cru fameux de Bourgogne, était à vendre. Bien placé au rang des acheteurs, Jack Ma. Le médiatique propriétaire d’Alibaba, l’Amazon chinois, pèse sept milliards de plus que François Pinault. « Mais on ne pouvait pas laisser un Chinois rafler un fleuron de la Bourgogne », souligne le Français. À sa demande, Henrot a fait valoir l’argument auprès du secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, et du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui ont eux-mêmes pesé sur la famille Mommessin, propriétaire du Clos de Tart… Pinault l’a emporté. »
Étonnant !
Si Français… Pinault se posant en défenseur des petites gens… Pinault qui a bâti son empire, tout comme Arnault, grâce à une forme de concubinage avec la puissance publique quelle que soit la couleur politique de celui-ci.
« L’homme connaît pourtant la valeur des amitiés désintéressées. Juste avant de partir à New York, il est passé voir Jacques Chirac rue de Tournon, dans l’ancien hôtel particulier qu’il a mis à disposition de l’ancien président et de son épouse. C’est là qu’en 1995 la CX de Chirac, suivie par une armada de photographes, avait déposé Bernadette, pour fêter sa victoire.
Des années durant, Chirac et Pinault furent amis, passant des soirées à Saint-Tropez à siroter des bières pendant que Maryvonne et Bernadette sortaient dîner chez des amis. «Ils étaient faits pour s’entendre, ce sont deux grands Français enracinés dans leur terre et totalement ouverts sur le monde», souligne Claude Chirac.
Quelle est belle la légende d’un Chirac proche des gens de la terre parce qu’il savait tâter le cul des vaches tout en brossant dans le sens du poil les seigneurs céréaliers du Bassin Parisien.
Quant à François Pinault, le collectionneur je sors mon joker…
Lire Grands et petits secrets du monde de l'art, de Danièle Granet et Catherine Lamour : dans les coulisses de l'art business.
Comment se fabrique un artiste tendance ? Par quels mécanismes peut-on maintenir sa cote ? Qui sont les maîtres de ce jeu planétaire, dont le chiffre d'affaires vient juste après les stupéfiants et les armes ?
Le lecteur découvre pas à pas les rouages d'une étrange machine : ports francs où sont stockées les œuvres (Genève ou Zurich), spéculations et reventes qui font les profits, jeu des enchères, rôle des chasseurs, fonctions des critiques, délits d'initiés systématiques et encouragés. Encore quelques chapitres et l'on a presque l'impression d'avoir vraiment rencontré les Lorenzo Rudolf, Larry Gagosian, Charles Saatchi - ces grands manitous dont les deux journalistes brossent le portrait, à côté de ceux de François Pinault ou de Yona Friedman, deux figures emblématiques et dissemblables.
Le portrait de madame Bacqué est plaisant mais se garde bien d’aborder les questions qui fâchent, il reste prudemment à la surface médiatique des choses, faut jamais fâcher les puissants…
« À sa demande, Pinault a acheté une concession, dans le ravissant cimetière de Grosrouvre, à deux pas de son château de la Mormaire. Là où sont enterrés l’acteur Jean Rochefort et Lucien Herr, le légendaire bibliothécaire de Normale-Sup. La famille Pinault a détesté le projet imaginé par l’Italien. Le collectionneur, lui, en a souri. Sur la pierre funéraire dessinée par Cattelan, on lit seulement deux mots : « Why me ? »
Le portrait ICI
"De la part de quelqu'un qui, pendant longtemps, n'a pas payé d'impôts...", a répondu Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement. "Je ne suis pas certain qu'il comprenne lui-même les petites gens."