Le meilleur restaurant du monde est (encore) italien ! titrait Challenges
Et le meilleur restaurant du monde est... l'Osteria Francescana du chef Massimo Bottura.
Meilleur
« Qui possède le maximum de qualités requises pour répondre à certains critères d'appréciation; qui ne peut être surpassé en son genre. »
« Le meilleur d’entre nous » comme disait Chirac à propos de Juppé.
Ça s’applique parfaitement au 50 Best qui est décerné depuis 2002 par un jury de 1.040 « experts indépendants » (chefs, journalistes spécialisés, propriétaires de restaurants...), répartis en 26 régions, chacun devant sélectionner (et classer) 10 établissements (dont au moins quatre se situent à l'extérieur de leurs propres frontières), tous testés durant les derniers 18 mois. Le tout sous l'égide du magazine "Restaurant", du groupe de presse britannique William Reed.
Pour ne rien vous cacher, comme le Grand Jacques, « cela m’en touche une sans faire bouger l’autre »
Je trouve ça bête, sans intérêt, le genre médaille en chocolat décernée par l’entre soi, le triomphe des fabricants d’image, les experts avec tout ce qu’il faut de conflits d’intérêts, le nouveau monde où l’on ne sait plus qui est qui : un vaste bordel sans nom.
Attention, je n’écris pas que le lauréat et ses suivants ne font pas bon, qu’ils ne sont pas dans le haut du panier mondial, mon propos est basique : à quoi ça sert ?
À faire le buzz !
Un dépêche AFP reprise à l’envie par tous les grands médias écrits et audiovisuels.
C’est le cas mais, rassurez-vous, ça ne durera même pas le temps que durent les roses.
Autre objection, épiderme franchouillard : je me fiche comme de ma première chemise qu’aucun restaurant français ne s'est vu décerner le titre de meilleur restaurant du monde depuis sa création, là n’est pas la question.
Mais pour autant il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages : le 50 best est sponsorisé, entre autre, par San Pellegrino propriété de la petite maison suisse Nestlé. Ces gens-là ne sont pas de généreux mécènes, le retour sur investissement est la règle.
« Il faut certes se garder de juger stupide ce qu’on désapprouve. Mais aussi de prétendre que toutes les opinions se valent. Stigmatiser la bêtise, généralement celle des autres, revient à se décerner un brevet d’intelligence, de bel esprit, d’arbitre du bon sens, s’autoriser à l’arrogance ou au mépris, quoiqu’on soit toujours, chacun le sait, l’imbécile d’un autre. Mais les insuffisances de l’accusateur n’excusent pas celles de l’accusé. D’ailleurs quel sot manque l’occasion de dénoncer la bêtise du voisin, et, de plus en plus souvent, celle d’une époque ou d’une société ? Ce n’est pas une preuve, non, c’est un signe. Et puis, l’avantage de la bêtise, c’est que plus on est bête moins on le sait. Chacun peut donc parler sans gêne, moi autant qu’un autre. »
Armand Farrachi Le triomphe de la bêtise.
J’ai vu les photos de la remise des trophées ça avait la gueule des Oscars avec un côté surjoué très agaçant. Bottura en costume de pingouin sur tennis de jeune c’est à chier et sa déclaration « C'est incroyable, c'est quelque chose que nous avons construit tous ensemble (...) Je vais profiter d'être sous les feux de la rampe pour montrer qu'en 2018, les chefs sont beaucoup plus que la somme de leurs recettes » me laisse perplexe quant à la capacité de ces chefs à défendre une autre agriculture de petits producteurs alors qu’ils sont les rets de l’argent de l’agro-alimentaire
« D’autres déconstruisent. En suivant vaguement les principes de Jacques Derrida, le chef italien Massimo Bottura de l’Osteria Francescana de Modène exploite le hasard. Son plat de référence est une tarte au citron d »composée, une assiette qui vit le jour après qu’une tarte au citron tomba littéralement par terre – et fut ensuite recomposée de façon à représenter un plat ; donc recomposée en étant en effet à chaque nouvelle prise décomposée comme si elle l’avait été involontairement. La composition est donc composée de décomposition. Il y a là un simulacre et un artificiel dignes d’un Esseintes et d’un Durtal réunis. »
« Les déchets font la une des journaux. La masse de nourriture jetée par la production colossale de l’industrie agro-alimentaire devient insupportable, au mépris de toute éthique(…) Plusieurs prophètes de cette vague se trompent de public. Au lieu de viser les foyers et les familles, qui en effet, feraient bien de ne pas jeter ce qui traîne dans leurs frigos, ainsi que la grande distribution qui pourrait donner ses produits périmés aux sociétés de charité ou les vendre à bon marché par l’intermédiaire d’applications en ligne, les promoteurs visent la restauration. Le chef multi-étoilé modénais Massimo Bottura, nommé meilleur chef du monde, plusieurs années de suite, réalise ainsi une tournée pour vanter les mérites d’une cuisine « de poubelle » en en réutilisant les déchets. »
Chef engagé, Bottura a ouvert en mars son restaurant solidaire "Refettorio" à Paris, dans la crypte de l'église de la Madeleine, après Milan, Rio et Londres.
A Paris, le Refettorio, restaurant fin pour migrants, n’affiche pas complet
Près de deux mois après son ouverture à la Madeleine, le restaurant pensé par le chef italien Massimo Bottura pour les personnes démunies ne tourne pas à plein régime.
LE MONDE | 09.05.2018 par Elvire von Bardeleben
Un restaurant qui réconcilie les chefs ennemis de la gastronomie française, où Marion Cotillard assure le service, où la cuisine voit défiler les trois étoiles, où l’on dîne dans un décor raffiné pensé par l’artiste JR… vous pensez que ça n’existe pas ? Et si, et en plus, c’est gratuit ! Il s’agit du Refettorio, ovni de la cuisine solidaire apparu à la mi-mars dans le foyer de l’église de la Madeleine, à Paris.
Bien sûr, Marion Cotillard n’est pas là tous les soirs, pas plus qu’Alain Ducasse ou Yannick Alléno qui ont épluché des oignons lors de la conférence de presse. Mais ces célébrités ont assuré un écho retentissant au projet. Tous les journaux ont parlé de ces « chefs étoilés [qui] cuisinent pour les sans-abri et les migrants ». Cette surmédiatisation et la dimension luxueuse interrogent. Car s’il est évidemment très louable d’offrir un cadre agréable à des personnes dans le besoin, la Madeleine, dans le très chic 8e arrondissement de la capitale, est-elle le lieu le plus adapté ?
Pour ceux qui n’auraient pas suivi : à l’initiative de ce projet, il y a Massimo Bottura. Chef italien dont on parle partout et tout le temps, pour sa table l’Osteria Francescana, à Modène, trois étoiles au Michelin et désignée à plusieurs reprises « meilleur restaurant du monde » par le classement des « Fifty Best ». Massimo Bottura a fait l’objet d’un documentaire sur Netflix, a sorti plusieurs livres chez Phaidon, dont le dernier, Le pain est d’or (424 pages, 39,95 euros), parle de gaspillage alimentaire.
Ce problème est au cœur de ses « refettorio », ses restaurants où l’on ne cuisine qu’à partir de surplus de nourriture. Massimo Bottura a ouvert le premier à Milan à l’occasion de l’Exposition universelle en 2015, puis a décliné le concept à Rio, Londres, Modène, Bologne et, enfin, à Paris. Dans la capitale française, le chef italien est associé à Jean-François Rial (fondateur de l’agence Voyageurs du monde) et l’artiste JR. Tous les soirs, du lundi au vendredi, des repas gratuits sont servis à des personnes démunies.
Le projet parisien est financé par des partenaires privés, dont Carrefour, qui fournit aussi les invendus de nourriture. La marque de design Flos a pourvu les lampes, Bernardaud a offert de la vaisselle, notamment les assiettes conçues par JR qui coûtent près de 100 euros pièce… « Avec la beauté, on va reconstruire la dignité de ceux qui viennent manger ici », promettait Massimo Bottura lors de l’inauguration. « Je ne dirais pas que c’est luxueux, mais qualitatif », nuance Jean-François Rial.
Riz cantonais et ragoût de légumes
Le problème de ce projet fort estimable, c’est qu’il ne semble pas vraiment tourner à plein régime. Les migrants ne se déplacent pas jusqu’au quartier de la Madeleine, loin des camps du Nord-Est parisien. Pour eux, les obstacles sont nombreux. Ceux qui n’ont pas de papiers n’ont pas envie de s’exposer à des contrôles de police.
« Quitter sa tente, c’est risquer de se la faire voler, ou de se faire prendre son emplacement », explique Letizia Calcamo, fondatrice de l’association Va faire cuire un œuf, qui vient en aide aux migrants. « Et tous ceux qui ont une place dans un hôtel doivent souvent pointer à 18 h 30 pour conserver leur place. » C’est justement l’heure à laquelle commence le service du Refettorio, qui ferme à 20 h 30.
Jusqu’à présent, le Refettorio rassemble surtout quelques dizaines de sans-abri qui reviennent régulièrement. Le mercredi soir de mai où l’on a assisté au service, la plupart d’entre eux étaient connus des bénévoles. Certains sont ravis, d’autres bougons ou hésitants, craignant de ne pas avoir de place parce qu’ils n’ont pas la carte du Refettorio (délivrée gratuitement), plusieurs signalent le bonheur que leur procure ce repas chaud, entrée-plat-dessert, servi comme au restaurant par des bénévoles enjoués.
La cuisine est assurée par le chef résident Maxime Bonnabry-Duval, régulièrement épaulé par un chef invité (et souvent réputé : César et Michel Troisgros, Jean Imbert, Olivier Roellinger…). Une dame se plaint du service, pas assez rapide (« mais pourquoi vous n’apportez pas un charriot pour distribuer les plats ? »), un autre du menu (« Y a pas couscous plutôt ? »). Non, le chef est chinois ce soir-là, et c’est végétarien : poireaux aux petits oignons et chapelure de pain, riz cantonais et ragoût de légumes, pomme au four à la crème.
Les convives sont un peu moins d’une soixantaine, alors que la capacité du lieu est de 120 personnes (voire 170 s’ils ouvrent une autre salle disponible). Face aux critiques, Jean-François Rial assure ne pas faire de différence entre les SDF et les réfugiés et accueillir toute personne dans le besoin.
Il dit aussi que ce démarrage modeste est voulu, qu’il faut le temps de se chauffer : « On fonctionne avec un volume de nourriture aléatoire, un nombre de bénévoles et de couverts aléatoires, il ne faut pas aller trop vite au début. Dans deux ou trois mois, on sera à 120 tous les soirs. » Il compte notamment sur les associations pour lui envoyer plus de monde.
« Faire de belles choses »
Mais la magnificence du projet, sa tête d’affiche bling-bling et sa notoriété a aussi engendré de l’agacement du côté des associations déjà en place. Va faire cuire un œuf, Ernest, Le Recho… parmi les initiatives personnelles qui ont fleuri ces derniers temps, aucune n’a fait autant parlé d’elle que le Refettorio.
Certaines, qui peinent à réunir les moyens humains et financiers nécessaires pour servir les repas aux migrants, n’ont guère envie de prêter main-forte au Refettorio. Elles le voient comme une entreprise de novices jouissant d’une énorme communication alors qu’ils ne connaissent rien au terrain. La soixantaine de repas que le Refettorio sert chaque soir leur semble dérisoire comparé aux distributions de sandwichs par centaines que les associations effectuent sur le terrain, dans les camps.
Du côté des chefs, d’autres actions plus discrètes se sont mises en place. Bertrand Grébaut du restaurant Septime à Paris organise, par exemple, avec sept autres restaurateurs de son quartier des distributions hebdomadaires de repas pour des réfugiés au parc de Belleville. « Tous les chefs de ma génération qui travaillent avec éthique font quelque chose », assure le cuisinier de 37 ans. « Etre un cuisinier durable en 2018, c’est aussi mettre son temps au service des autres », estime-t-il.
« Je comprends l’initiative du Refettorio, affirme Letizia Calcamo. De notre côté aussi, on a envie de faire de belles choses. J’emmène par exemple des groupes de migrants au musée. Pour réaliser ce genre de projets, il faut les connaître, gagner leur confiance, puis les accompagner. Tu ne peux pas leur demander de s’adapter à toi. » Le Refettorio semble l’avoir compris : Jean-François Rial prévoit d’organiser sous peu une distribution de nourriture (préparée par le Refettorio) au moyen d’un camion qui ira jusqu’aux camps de migrants.
Dans la suite du classement, on retrouve, dans l'ordre :
N°3 : le Mirazur chef argentin Mauro Colagreco, à Menton, en France ;
N°4 : l'Eleven Madison Park du chef suisse Daniel Humm, à New York, aux Etats-Unis ;
N°5 : le Gaggan à Bangkok, en Thaïlande ;
N°6 : le Central à Lima, au Pérou ;
N°7 : le Maido à Lima, au Pérou ;
N°8 : l'Arpège d'Alain Passard, à Paris, en France ;
N°9 : le Mugaritz à San Sebastian, en Espagne ;
N°10 : l'Asador Etxebarri à Axpe, en Espagne.